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Pesticide dans l'eau potable : le gouvernement se veut rassurant

Le gouvernement estime que la découverte d'un résidu de fongicide dans l'eau potable ne présente pas de risque sanitaire. Mais franceinfo a découvert au moins une mesure qui contredit la position du gouvernement.
Article rédigé par franceinfo
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Un tiers de l'eau potable en France testée par l'Anses est contaminée par un résidu de pesticide. (SEBASTIAN GOLLNOW / DPA / AFP)

Les résidus d'un fongicide recensés dans l'eau du robinet ne présentent "pas de risque sanitaire". Toutefois, des "mesures plus régulières" du produit vont être mises en place, a assuré vendredi 7 avril le gouvernement. Ce dernier réagit au lendemain des révélations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) sur la présence importante dans l'eau de pesticides et de leurs métabolites, c'est-à-dire des composants issus de leur dégradation.

>> Lire aussi : ce que l'on sait des résidus de pesticides dans l'eau du robinet de milliers de communes (et des incertitudes sur leur toxicité)

Un cas a particulièrement attiré l'attention des experts : le métabolite chlorothalonil R471811 – le plus fréquemment retrouvé, "dans plus d'un prélèvement sur deux" – qui conduit à des dépassements de la limite de qualité, fixée à 0,1 microgramme par litre (µg/L), "dans plus d'un prélèvement sur trois". Le chlorothalonil est un fongicide interdit en France depuis 2020.

Une mesure au-delà du seuil de risque sanitaire

La campagne de détection "a mis en évidence des concentrations maximales de 2 µg/l", souligne le ministère de la Transition écologique vendredi dans une déclaration transmise à la presse, également partagée par le ministre de l'Agriculture. "La valeur sanitaire transitoire permettant de prévenir d'un risque sanitaire étant de 3 µg/l, les eaux prélevées et analysées sont ainsi non conformes, mais ne présentent pas de risque sanitaire", insiste-t-il.

Pourtant, un prélèvement dépassant ce seuil sanitaire de 3 µg/l a bien été récemment constaté. D'après des données du ministère, à Cuhon (Vienne), la molécule R471811 a été mesurée le 8 mars à 3,4 µg/L. "Il a été demandé au responsable de la distribution de l'eau de revoir immédiatement les taux de dilution des différentes ressources afin de repasser sous la limite sanitaire de 3 µg/l", note le site du ministère. Depuis, deux nouveaux prélèvements ont été réalisés et les taux sont plus bas : le R471811 a été mesuré à 0,81 µg/l le 17 mars, mais à 2,2 µg/l le 28.

"Il ne faut pas crier au loup"

Le maire de Cuhon assure à franceinfo que les habitants continuent de boire l'eau du robinet, et qu'il n'a pas eu à mettre en place de mesures de restrictions de consommation d'eau. "Il ne faut pas crier au loup", relativise Philippe Garanger.

D'après les calculs de franceinfo à partir des données officielles, le R471811 n'est mesuré en France que depuis le courant de l'année 2022, et dans une douzaine de départements seulement. Sur les quelque 700 prélèvements analysant cette molécule, des dépassements du seuil de qualité, fixé à 0,1µg/L, ont été constatés 65 fois. Contactée concernant l'existence d'éventuels autres dépassements du seuil sanitaire, l'Anses n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Des incertitudes sur la toxicité de ces molécules

"Les effets à long terme sur la santé d'une exposition à de faibles doses de pesticides sont difficiles à évaluer", note le ministère de la Santé sur son site. Pour la plupart des molécules concernées, les autorités expliquent que les dépassements du seuil de qualité ne signifient pas que boire l'eau du robinet est toxique. Elle est tout de même déclarée "non conforme aux exigences de qualité", et le gestionnaire est tenu de mettre en œuvre des mesures pour endiguer le phénomène. L'eau continue donc d'être distribuée tant qu'elle ne dépasse pas un second seuil, appelé "valeur sanitaire maximale".

Mais pour plusieurs molécules, dont le R471811, les autorités manquent de données scientifiques pour fixer cette valeur sanitaire maximale. Dans ce cas, elles appliquent un autre seuil, dit "valeur sanitaire transitoire", et fixé donc à 3 μg/L. Cette nouvelle limite ne prévoit toujours pas, pour l'instant, l'interdiction automatique de la consommation de l'eau du robinet, mais conduit à renforcer la surveillance.

Des ONG de défense de l'environnement ont réagi jeudi en réclamant un changement de modèle agricole, avec moins d'utilisation de pesticides. Ce rapport intervient alors que le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, veut freiner la procédure d'interdiction d'un autre produit, l'herbicide agricole S-métolachlore, pas encore banni par l'Union européenne. Le rapport de l'Anses "invite les acteurs concernés à se préparer le plus tôt possible à la sortie de l'usage des pesticides", souligne le ministère de la Transition écologique.

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