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Fichage de données personnelles pour Monsanto : pourquoi est-ce illégal ?

Plusieurs personnalités et médias ont annoncé porter plainte après la révélation d'un fichage présumé pour Monsanto sur leurs positions vis-à-vis du glyphosate ou des OGM. 

Article rédigé par franceinfo
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Un fichier appelé "Glyphosate target" liste 74 cibles prioritaires, divisées en quatre groupes en fonction de leur soutien à Monsanto (capture d'écran). (L'OEIL DU 20 HEURES / FRANCE 2)

Fichés à leur insu, ils ne comptent pas en rester là. Plusieurs médias, organismes et personnalités ont décidé de faire valoir leurs droits au lendemain de la révélation, jeudi 9 mai, par France 2 et Le Monde, de documents utilisés par des agences de communication travaillant pour Monsanto et fichant des scientifiques, journalistes et politiques sur leurs positions vis-à-vis du glyphosate et des OGM, ou encore sur leur propension à être influencés. 

Le parquet de Paris a annoncé avoir ouvert une enquête vendredi, après la plainte déposée le 26 avril par Le Monde et un de ses salariés, qui figurait dans les fichiers incriminés. L'enquête préliminaire vise les délits de "collecte de données personnelles par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite", "enregistrement de données à caractère personnel sensible sans l'accord de l'intéressé et transfert illicite de données à caractère personnel" et de "traitement automatisé de données personnelles sans déclaration préalable à la Commission nationale de l'informatique et des libertés" (Cnil).

La PDG de Radio France, Sibyle Veil, a elle aussi dit vouloir porter plainte. "Le devoir d'informer en tout indépendance est au cœur de nos missions de service public", a-t-elle écrit sur TwitterLe Parisien/Aujourd'hui en France va de son côté saisir la Cnil. Deux ONG antipesticides, Foodwatch et Générations Futures, ont aussi annoncé préparer des plaintes.

De quelles infractions peuvent relever ces pratiques de fichage, et que dit la loi au sujet de la collecte de données personnelles ? Franceinfo fait le point. 

Parce que ces données personnelles ont été collectées et traitées sans consentement 

La collecte et le traitement de données à caractère personnel doivent "avoir reçu le consentement de la personne concernée", établit clairement l'article 7 de la loi informatique et libertés (LIL). 

La LIL prévoit des exceptions. En l'occurrence, ce traitement de données personnelles est possible sans consentement s'il correspond à une obligation légale qui incombe au responsable du traitement, si le traitement des données est lié à la sauvegarde de la vie de la personne concernée, s'il répond à une mission de service public, à un contrat signé par la personne concernée, ou à la réalisation d'un intérêt légitime dans le respect des droits fondamentaux de la personne concernée. 

Or, aucune de ces conditions ne semble être remplie dans le cas de Monsanto. "Là, il n'y a aucun doute, estime Sylvain Staub, avocat spécialisé dans la protection des données personnelles. Il n'y a pas d'obligation légale de collecter ces données. Il ne s'agit pas de sauvegarder la vie des personnes fichées. Il n'y a pas de mission de service public, il n'y a pas de contrat. Et il n'y a pas d'intérêt légitime de collecter des données d'un certain nombre de personnalités pour connaître leur degré de sympathie avec le glyphosate."

Les auteurs de ces documents auraient donc dû informer au préalable les personnes fichées et recueillir leur consentement. Or, sur la quarantaine de personnes listées qui ont accepté de répondre aux sollicitations de France 2, aucune n'était au courant de la collecte et du traitement de ses données personnelles. 

Parce que ces données sont sensibles 

Outre les numéros de téléphone et adresses privées des personnes fichées, les documents révélés par France 2 et Le Monde recensent les opinions des personnes ciblées sur les pesticides, les OGM… des thématiques liées aux intérêts commerciaux de Monsanto. Les personnes sont même notées de 0 à 5 en fonction de leur crédibilité, de leur influence et de leur degré de soutien au géant de l'agrochimie. 

Ces données "peuvent être considérées comme des données sur les sensibilités politiques des personnes", affirme Sylvain Staub. La collecte et le traitement de données sensibles, comme les convictions religieuses, l'appartenance syndicale ou encore l'orientation sexuelle des personnes, tombent sous le coup de l'article 8 de la LIL. Celui-ci "condamne encore plus fermement le fait de récolter des données personnelles sans le consentement exprès et sans l'information préalable des personnes concernées, explique l'avocat. On a donc clairement une infraction à l'article 7 qui est aggravée car il s'agit de données sensibles."

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