Normes environnementales : la "pause" voulue par Emmanuel Macron rend les écologistes verts de rage
La phrase a fait tiquer ses opposants, obligeant l'Elysée à préciser les propos du chef de l'Etat. Jeudi 11 mai, Emmanuel Macron a dit vouloir une "pause" dans la création de règles environnementales européennes. Le président s'exprimait, jeudi 11 mai, pour présenter sa stratégie de réindustrialisation de la France devant un parterre de ministres et d'invités – élus, chefs d'entreprises, associations... Cette sortie macronienne a agacé la gauche et les écologistes, qui y voient le signe d'un manque d'ambition environnementale du président français.
C'est à la fin de son discours que le chef de l'Etat a prononcé les mots qui fâchent. "Il faut assumer le fait qu'on ne veut pas seulement être un marché vert mais produire vert sur notre sol", attaque-t-il. "Nous, on a déjà passé beaucoup de réglementations au niveau européen, plus que tous les voisins", poursuit-il, assurant que l'Union européenne a une réglementation plus exigeante que "les Américains, les Chinois, ou toute autre puissance au monde".
D'où ce souhait : "Moi j'appelle à la pause réglementaire européenne. Maintenant, il faut qu'on exécute, pas qu'on fasse de nouveaux changements de règles, parce que sinon on va perdre tous les acteurs. On a besoin de stabilité. (...) Sinon le risque c'est d'être les mieux-disant en termes de réglementation et les moins-disant en termes de financement."
Signe que la phrase présidentielle était sujette à interprétations, l'Elysée a apporté jeudi soir des précisions, assurant auprès de l'AFP qu'Emmanuel Macron n'avait demandé ni une suspension, ni un moratoire, ni une abrogation "des normes actuelles en cours de discussion".
"Le président ne parle pas de suspension, mais d'exécuter les décisions déjà prises avant de faire de nouveaux changements."
L'Elyséeà l'AFP
Pour la présidence, "les décisions déjà prises constituent ce qu'il y a de plus ambitieux au monde à ce jour" et Emmanuel Macron "a affirmé qu'il fallait surtout que ces normes soient déjà appliquées de manière homogène en Europe."
La gauche fustige des propos "irresponsables"
Ces précisions n'ont pas empêché les critiques de la gauche et des écologistes. L'eurodéputé David Cormand a exprimé son inquiétude auprès de l'AFP. "Dans le cadre du Green Deal, on est en train de continuer à voter des paquets réglementaires. Si le président de la France dit : 'On arrête les normes, on arrête d'avancer', on envoie un message contradictoire", estime l'élu d'Europe Ecologie-Les Verts. Et de rappeler que l'Allemagne a récemment remis en question l'interdiction de la vente de véhicules neufs à moteur thermique dans l'espace européen.
"Les Français demandent une pause sur la mise en œuvre de la réforme des retraites... Macron leur propose une pause sur l'écologie", a de son côté taclé Marine Tondelier, la secrétaire nationale d'EELV, sur Twitter.
Toujours du côté d'Europe Ecologie-Les Verts, la députée Sandrine Rousseau a fustigé vendredi sur franceinfo des propos "absolument irresponsables". Un adjectif qui revient aussi dans les tweets de plusieurs députés de La France insoumise, comme l'élu des Bouches-du-Rhône Manuel Bompard.
L'association Les Amis de la Terre a également critiqué une déclaration "irresponsable" et un "grave aveu d'échec". "Quand on parle de normes environnementales, on parle de normes qui ont vocation à protéger la santé des Européens des conséquences du dérèglement climatique", dénonce Lorette Philippot, chargée de campagne de l'organisation, invitée de franceinfo. "Le climat, lui, ne fait pas de pause", a-t-elle insisté, rappelant que la France avait été condamnée deux fois pour "inaction climatique".
La CGT n'est pas en reste. Sophie Binet, la secrétaire générale du syndicat, estime que cette "pause" souhaitée par Macron est "gravissime". "C'est tout l'inverse qu'il faut faire pour réindustrialiser le pays. Il faut harmoniser par le haut les normes sociales et environnementales, donc à l'échelle européenne, parce que le premier dumping et les premières délocalisations, c'est au sein de l'Europe", a réagi la leader syndicale sur franceinfo.
Le gouvernement persiste et signe
Dans la majorité présidentielle, Bruno Le Maire a repris les arguments d'Emmanuel Macron. "Pause ne veut pas dire retour en arrière", a justifié le ministre de l'Economie sur CNews. "Je pense que le président de la République a eu raison de dire : 'Arrêtons de toujours vouloir ajouter des normes, vérifions que celles qui existent sont réellement appliquées'", a poursuivi le locataire de Bercy.
Le ministre délégué chargé de l'Industrie Roland Lescure s'est avancé un peu plus loin, souhaitant que cette "pause" dure cinq ans. "Pour s'installer en France, les industriels ont besoin de savoir à quelle sauce ils vont être mangés dans les 5 à 10 ans qui viennent", a-t-il expliqué sur franceinfo, assurant que le gouvernement allait "porter ce sujet à Bruxelles".
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