"Greta Thunberg n'est pas un phénomène médiatique, elle représente le cri d'une génération", défendent les députés favorables à sa venue à l'Assemblée
Invitée par les 162 députés membres du collectif transpartisan sur le climat "Accélérons", l'adolescente participera mardi à une réunion ouverte aux autres parlementaires.
"Ne comptez pas sur moi pour applaudir une prophétesse en culotte courte !" A seulement 16 ans, la Suédoise Greta Thunberg a réussi à semer la pagaille dans les rangs de la droite et de l'extrême droite. La jeune femme, devenue au fil des mois le visage de la mobilisation des jeunes pour le climat, doit participer mardi 23 juillet à une conférence organisée dans une salle de l'Assemblée nationale, avant d'assister à la séance de questions au gouvernement depuis la tribune du public.
Un événement qui a fait hurler les députés et candidats à la présidence des Républicains Julien Aubert et Guillaume Larrivé, qui appellent au "boycott" de l'intervention d'un "gourou apocalyptique". Au micro de franceinfo, le député du Rassemblement national Sébastien Chenu a pour sa part fustigé "l'intervention d'une icône médiatique qui n'a aucune légitimité autre que celle d'une enfant qui vient donner la leçon aux représentants élus français". Pour leur répondre, franceinfo a interrogé quatre parlementaires du collectif "Accélérons". Créé par l'ancien lieutenant de Nicolas Hulot, Matthieu Orphelin, ce collectif sur le climat composé de 162 députés de tous horizons est à l'origine de l'invitation de la Suédoise.
Des attaques "insultantes pour tous les jeunes"
Lorsqu'on égrène à Erwan Balanant les attaques à l'encontre de Greta Thunberg venues de la droite, le député MoDem du Finistère soupire. "C'est complètement incompréhensible. Comment peut-on dénier à une jeune femme de 16 ans le droit de s'engager quand on se désole si souvent du fait que les jeunes se détourneraient de la politique ?", déplore l'élu.
On peut être en désaccord avec elle, mais où aller dans notre espace public si l'Assemblée n'est pas le lieu de la confrontation des idées ?
Erwan Balanant, député MoDem du Finistèreà franceinfo
"Lors de mes déplacements, je suis régulièrement interpellé sur l'urgence climatique par des lycéens et des étudiants", renchérit Guillaume Garot, ancien ministre de l'Agroalimentaire du gouvernement Ayrault et également membre du collectif "Accélérons". "Greta Thunberg ne doit pas être réduite à un phénomène médiatique, elle représente le cri d'une génération", ajoute le député socialiste de Mayenne, qui trouve les attaques de la droite et de l'extrême droite "insultantes pour tous les jeunes qui se mobilisent depuis des mois".
"Il est bienvenu que nos enfants s'invitent dans ce débat"
Les procès en illégitimité de la jeune femme et les appels au boycott de son intervention sont d'autant plus hors de propos que Greta Thunberg ne sera pas la seule à s'exprimer à l'Assemblée, complète Barbara Pompili. "L'idée est d'avoir un regard croisé sur la question du climat. Elle et d'autres jeunes Français incarneront la société civile, et la vice-présidente du GIEC Valérie Masson-Delmotte apportera son éclairage scientifique", développe la présidente de la commission du Développement durable de l'Assemblée.
Il est plus facile de s'attaquer à une jeune fille que d'essayer de comprendre pourquoi son message prend dans l'opinion.
Barbara Pompili, députée LREM de la Sommeà franceinfo
"J'entends que des scientifiques seraient plus légitimes pour tirer la sonnette d'alarme, mais il le font depuis des années ! On a besoin d'eux, mais ils sont ravis de voir que leur message est repris par la société civile", ajoute l'ancienne secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversité du gouvernement Valls. "Nos enfants récolteront les fruits, bons ou mauvais, de ce que l'on fait aujourd'hui. Il est quand même bienvenu qu'ils s'invitent dans ce débat", assène encore Barbara Pompili.
Le vote du Ceta, "pure coïncidence du calendrier"
A la fois membre du collectif "Accélérons" et des Républicains, le député Eric Diard déplore les "cries d'orfraie" lancés par ses collègues Julien Aubert et Guillaume Larrivé. "Je comprends qu'on puisse penser que Greta Thunberg a un peu trop été portée au pinacle médiatique, mais elle n'est pas la seule à être invitée !", s'exclame l'élu LR des Bouches-du-Rhône. "J'aurais moi-même pu être choqué de la voir s'exprimer dans l'hémicycle, comme le font parfois des chefs d'Etat ou de gouvernement étrangers, mais elle sera seulement dans une salle de réunion", estime le parlementaire, qui voit dans les propos de ses camarades LR une manœuvre politique.
Ils sont candidats à la tête de LR et essaient d'attirer les voix conservatrices du parti. Sur le climat, nous pouvons pourtant faire entendre la voix de l'écologie incitative, comme l'avait fait Borloo. Inutile de se prendre pour Trump !
Eric Diard, député LR des Bouches-du-Rhôneà franceinfo
De gauche comme de droite, les députés du collectif "Accélérons" interrogés par franceinfo réfutent l'argument avancé par l'élu RN Sébastien Chenu, qui voit dans l'invitation de Greta Thunberg à l'Assemblée nationale un "contre-feu, allumé par le gouvernement, pour mieux faire passer la pilule du vote sur le Ceta", le contesté traité de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, qui doit également être ratifié mardi.
"C'est une pure coïncidence de calendrier : la date de cette conférence a été décidée bien avant l'inscription à l'ordre du jour de la ratification du traité", assure Erwan Balanant. De fait, initialement prévu la semaine dernière, le vote solennel sur le Ceta a finalement été reporté à mardi lors de la conférence des présidents de groupes parlementaires, organisée mercredi 17 juillet.
"On ne peut pas, le midi, venir applaudir Greta Thunberg, et l'après-midi, ratifier le Ceta", admet tout de même Guillaume Garot. "J'imagine que certains, la main sur le cœur, nous diront qu'ils partagent sa préoccupation sur la défense de la planète. Je souhaiterais qu'ils aillent jusqu'au bout et ne votent pas ce traité", lance l'ancien ministre. Qui devrait être rassuré d'apprendre que tous les députés interrogés par franceinfo ont prévu de s'abstenir ou de voter contre le texte.
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