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Greta Thunberg, l'adolescente suédoise qui met les pieds dans le plat pour sauver le climat

Article rédigé par Aliénor Vinçotte
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Greta Thunberg fait la grève de l'école pour le climat tous les vendredis depuis août 2018 devant le Parlement suédois. Photo prise le 5 septembre 2018.  (STEFAN JERREVANG / AFTONBLADET / TT NEWS AGENCY / AFP)

Depuis son discours à la COP24, en décembre 2018, cette Suédoise est sous le feu des projecteurs, devenant à 16 ans, l'icône de la lutte contre le réchauffement climatique.

"Cher Monsieur Macron, vous devez agir maintenant et pas simplement dire que vous allez agir." Déterminée, Greta Thunberg s'adresse en anglais au président de la République française. "Si vous continuez à faire comme si de rien n'était, vous allez échouer. Et si vous échouez, vous allez être perçu comme l'un des pires méchants de l'histoire de l'humanité", continue la jeune Suédoise dans une vidéo publiée par Brut, lundi 18 février. Un message qu'elle adresse également à Donald Trump.

Son nom et son visage ne vous disent rien ? L'adolescente, née en janvier 2003, a pourtant été classée parmi les 25 adolescents les plus influents du monde, selon le magazine américain Time (en anglais). Cette Suédoise a acquis sa notoriété dans son pays en commençant par une grève de l'école "pour le climat". Elle a depuis été rejointe dans son combat par plusieurs milliers de personnes à travers le monde. Elle a été invitée à l'Assemblée nationale, mardi 23 juillet, par les 162 députés du collectif transpartisan sur le climat baptisé "Accélérons", à une réunion ouverte aux autres parlementaires. Retour sur l'ascension de l'égérie des jeunes écolos.

Grève devant le Parlement suédois

Tout commence en août 2018. Greta Thunberg décide de sécher les cours un jour par semaine pour aller s'installer devant le Riksdag, le Parlement suédois. Depuis, on peut la retrouver au même endroit chaque vendredi, armée de sa désormais légendaire pancarte : "Grève de l'école pour le climat". Après plusieurs semaines à manifester seule, plusieurs autres jeunes suédois la rejoignent. Désormais, sur place, elle échange avec les passants sur les dernières conclusions du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), et répond aux questions des journalistes venus du monde entier, comme le relate le magazine Society qui l'a rencontrée. Son objectif ? Alerter la population sur l'urgence climatique.

Pourquoi devrions-nous étudier pour un futur qui n'existera bientôt plus, alors que personne ne fait rien pour le sauver ?

Greta Thunberg

aux participants de la Marche pour le climat à Stockholm, le 8 septembre 2018

Greta Thunberg pointe du doigt le manque d'action des pays développés, comme le sien, la Suède — qui, pourtant, rappelle RFI, s'est engagée à "être neutre en carbone en 2045". Mais pour l'adolescente, la "date butoir est trop lointaine". "Comment pouvons-nous attendre de pays comme l'Inde ou le Nigéria qu'ils se préoccupent de la crise climatique si nous, qui avons déjà tout, ne nous en préoccupons pas, même une seconde, de nos engagements vis-à-vis de l'Accord de Paris ?", dénonce-t-elle lors d'une conférence TED, donnée le 24 novembre 2018, à Stockholm.

Un discours qu'elle martèle à plusieurs reprises, jusqu'à son invitation à la COP24 à Katowice (Pologne). Le 14 décembre, elle se lance dans une intervention remarquée et n'y va pas par quatre chemins. Devant les responsables politiques et économiques du monde entier, Greta pilonne : "Vous n'êtes pas assez matures pour dire les choses comme elles sont. (...) Vous dites que vous aimez vos enfants par-dessus tout et pourtant vous volez leur futur devant leurs yeux."

Son discours coup-de-poing est relayé des milliers de fois sur les réseaux sociaux. Retweetée le même jour par Bernie Sanders, ancien candidat à l'investiture démocrate pour la présidentielle de 2016, la vidéo atteint rapidement les 3 millions de vues.

Une notoriété qui se traduit concrètement sur le terrain. D'après un calcul du Guardian (en anglais), plus de 70 000 élèves dans 270 villes du monde lui ont emboîté le pas, et participent désormais aux "Fridays for Future". "On a tous entendu parler de Greta. C'est quelqu'un de génial et on a tous eu envie de la suivre", résume ainsi Maël, élève de terminale de 19 ans, qui organise la mobilisation en Meurthe-et-Moselle, auprès de franceinfo.

Une nature timide et introvertie

Pourtant, la Suédoise aux longues tresses brunes n'était pas prédestinée à devenir la porte-parole d'une génération préoccupée par l'avenir de la planète. "Je ne parle que quand c'est nécessaire", explique-t-elle dans un sourire durant sa conférence TED. Ce que confirme son père Svante, acteur de métier, dans Society. Il décrit sa fille comme "très timide" et "très silencieuse""Quand je suis allé au collège, elle était vraiment tout discrète. Elle sympathise avec ses camarades mais ce ne sont pas des amis proches", raconte à franceinfo Lucas Minisini, le journaliste de Society qui lui consacre un portrait de 8 pages fin janvier. Un trait de personnalité qui s'explique par une particularité : Greta Thunberg a été diagnostiquée autiste Asperger à l'âge de 11 ans.

Préoccupée par la question du réchauffement climatique, elle avait fait auparavant une dépression de huit mois. "En deux mois, j'ai perdu environ 10 kilos", raconte-t-elle. C'est en regardant des documentaires sur la fonte des glaciers, le sort des ours polaires et des animaux marins, qu'elle prend conscience, à l'âge de 8 ans, de l'urgence climatique. "Mais contrairement aux autres enfants, elle ne les a pas oubliés", raconte le New York Times (en anglais). Ces images d'ours polaires affamés ou d'océans remplis de plastiques sont "restées bloquées dans [sa] tête".

Greta Thunberg chez elle à Stockholm, entourée de ses deux chiens, en avril 2018. (MALIN HOELSTAD / SVD / TT NEWS AGENCY / AFP)

Une prise de conscience qui l'a amenée à convaincre ses parents et sa petite sœur de changer leurs habitudes de vie. Sa mère, Malena Ernman, chanteuse d'opéra mondialement connue, a renoncé à ses vols en avion pour sa carrière internationale et son père Svante a investi dans une Tesla, une voiture électrique. Aujourd'hui, toute la famille a revu à la baisse sa consommation de viande. Greta, elle, est devenue vegan.

Et si elle sèche les cours, la jeune fille reste une élève studieuse et appliquée : elle continue de faire ses devoirs, même en temps de grève. Et malgré l'attention médiatique.

Ce qui était marrant dans tout ce reportage, c'est le contraste entre sa vie d'adolescente de 16 ans et sa vie d'icône, qui a mis en marche un mouvement mondial.

Lucas Minisini, journaliste à Society

à franceinfo

Un changement qui n'est pas toujours facile à gérer pour l'adolescente. Ainsi, confie-t-elle au New York Times : "Toute ma vie, j'ai été la fille invisible à l'arrière qui ne disait rien. Du jour au lendemain, les gens m'écoutaient. C'est un étrange contraste. C'est dur", continue Greta. Malgré tout, elle affirme être "vraiment heureuse de faire ça". "Elle se sentirait mal de ne pas le faire, indique le journaliste Lucas Minisini. Elle me l'a dit de nombreuses fois, il n'y a aucun doute là-dessus."

L'adolescente ne cache pas sa satisfaction de voir les choses bouger autour d'elle. Mais, toujours selon le journaliste de Society, elle ne se considère pas comme "un symbole" ou un "modèle". "Elle se voit plutôt comme une preuve que les choses peuvent changer", ajoute-il.

Elle est exactement ce dont le mouvement a besoin. C'est-à-dire une personne dont les gens peuvent s'inspirer.

Isabelle, une Suédoise participant aux "Fridays for Future"

à franceinfo

Cible des "trolls" et des climatosceptiques

Sa soudaine médiatisation n'est pas sans conséquences. La jeune adolescente est confrontée à ses détracteurs sur les réseaux sociaux. Des "climatosceptiques" ou de "simples trolls" (...) "l'accusent d'être 'brainwashée' par ses parents riches et célèbres, ou carrément d'être pilotée par un groupe politique et coachée par des communicants", décrit Society. Et certains élus suédois n'ont pas hésité à critiquer sa décision de faire l'école buissonnière.                       

Des remarques qui ont affecté la jeune fille, qui décide de leur répondre dans un long message sur Facebook, le 2 février. Elle y défend l'honnêteté de son engagement. "Je ne suis qu'un messager, et pourtant je reçois toute cette haine, leur écrit-elle. Je ne dis rien de nouveau, je dis simplement ce que les scientifiques répètent depuis des décennies. Et je suis d'accord avec cette critique : je suis trop jeune pour faire ça".

Nous, les enfants, on ne devrait pas avoir à faire ça. Mais, comme presque personne ne fait rien et que notre avenir est en danger, nous pensons que nous devons continuer.

Greta Thunberg

sur Facebook, le 2 février 2019

Au New York Times, elle explique que ce qui l'a aidée à gérer les sollicitations des médias, c'est la célébrité de sa mère : "Je suis habituée avec les médias, je sais comment cela marche." Et à ceux qui critiquent son activisme, elle rétorque dans Society : "Pour qu'une action ait de l'effet, il faut qu'elle soit interdite et illégale." Comme les actions de grève des rescapés de Parkland qui ont refusé d'aller à l'école pour protester contre les fusillades et les ventes d'armes. "J'ai trouvé cette idée intéressante et j'ai proposé à mes amis une grève hebdomadaire, tous les vendredis. Personne n'a voulu me suivre, raconte-t-elle à RFI. Alors j'ai commencé toute seule."

Quant à l'idée d'une manipulation de la part de ses parents, le journaliste Lucas Minisini rappelle qu'ils ont tenté de la dissuader de mener ses actions. "Son père lui a franchement dit au début : 'Si j'étais toi, je ne le ferais pas'". Ce n'est qu'après qu'il a décidé de la soutenir."

Quoi qu'il en soit, la Suédoise poursuit son combat. Et continue les discours sans filtre ni détours. Lors de son allocution face à un parterre de chefs d'Etat et de dirigeants de grandes entreprises au Forum économique mondial à Davos (Suisse), fin janvier, elle a enfoncé le clou : "Je veux que vous ressentiez la peur que je ressens tous les jours. Et puis je veux que vous agissiez, comme vous le feriez en cas de crise. Comme si la maison était en feu, parce que c'est le cas".

Et le planning des prochains mois s'allonge encore. On lui a proposé d'ores et déjà de participer au sommet des Nations Unies pour le Climat à New York, en septembre prochain. Comment s'y rendra-t-elle vu qu'elle ne prend pas l'avion pour limiter son empreinte carbone ? "En bateau", pense-t-elle. A ce rythme, elle réfléchit à prendre une année sabbatique pour se consacrer pleinement à son engagement.

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