Réchauffement climatique : pourquoi ce printemps a-t-il un air d'été en France et ailleurs dans le monde ?

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une plage de Saint-Cyr-sur-Mer (Var), le 11 février 2024. (NICOLAS TUCAT / AFP)
Des températures particulièrement élevées pour la saison, pouvant dépasser localement les 30°C, sont attendues ce week-end dans le sud de l'Hexagone. Cet épisode illustre un phénomène plus large, marqué par des étés qui devraient avoir tendance à s'étaler.

Un pic de chaleur va toucher le sud de l'Hexagone, samedi 6 avril. Les prévisionnistes attendent jusqu'à 6°C au-dessus des normales de saison, voire davantage localement. Selon Sébastien Léas, prévisionniste chez Météo-France, la barre des 30°C risque d'être dépassée. Des records de précocité pour ces "franchissements de seuil" pourraient ainsi être battus.

A partir de samedi, un air très chaud va remonter depuis l'Afrique, engendrant cette forte hausse du mercure. Il s'agit bien d'un pic de chaleur, et non pas d'une vague, car les températures vont chuter "assez rapidement", souligne Météo-France. Certaines localités, comme Paris, vont vite perdre jusqu'à dix degrés. Toutefois, les températures resteront au-dessus des normales de saison.

Hivers raccourcis, printemps grignotés

En France, le premier trimestre 2024 (janvier, février et mars) a été le plus chaud jamais enregistré depuis le début des relevés, souligne Sébastien Léas. Le 4 février, un record de chaleur a été atteint à Céret (Pyrénées-Orientales) avec 27,5°C, une température digne d'un mois de mai.

Cette tendance est également visible dans d'autres pays européens. Des records pour un mois de mars ont par exemple été battus dans les pays baltes : 25,5°C en Lituanie, 22,8°C en Lettonie et 21,3°C en Estonie, a rapporté la BBC, lundi. En juin 2023, l'Organisation météorologique mondiale (OMM) et l'observatoire européen Copernicus expliquaient que l'Europe se réchauffait deux fois plus vite que la moyenne mondiale depuis les années 1980.

A l'horizon 2100, dans un climat réchauffé par les gaz à effet de serre liés à l'activité humaine, l'hiver va être condensé sur seulement quelques semaines, ont expliqué en janvier des spécialistes à franceinfo. La saison estivale, elle, va s'étaler, tant avant qu'après sa période habituelle. En conséquence, le printemps va avoir tendance à être grignoté, avec des premières températures estivales de plus en plus tôt dans l'année. Cette dynamique se fait de manière continue, et a déjà commencé.

La Terre toujours réchauffée par le phénomène El Niño

En janvier, l'observatoire Copernicus a annoncé que l'année 2023 était la plus chaude jamais enregistrée. Avec une moyenne des températures établie à 14,98°C à l'échelle globale, elle surpasse 2016 (14,81°C). "Les températures enregistrées en 2023 dépassent probablement celles de n'importe quelle période depuis au moins 100 000 ans", insistait alors auprès de franceinfo la directrice adjointe du service Copernicus sur le changement climatique, Samantha Burgess.

L'année 2023 a été marquée par El Niño, un phénomène naturel qui se caractérise par une hausse de la température de la surface de l'eau, dans l'est du Pacifique. Survenant selon un cycle irrégulier qui varie de trois à sept ans, El Niño est si puissant qu'il a des conséquences sur le climat de toute la Terre. Pouvant provoquer des épisodes de sécheresse et des précipitations largement supérieures à la normale, il engendre surtout une augmentation des températures à l'échelle de la planète. Avant 2023, la précédente année la plus chaude, 2016, était aussi celle durant laquelle avait frappé le dernier El Niño.

Les scientifiques pressentaient de nouveaux records de températures avec le retour du phénomène. Or ce dernier ne s'est pas encore totalement évanoui et ses effets se font encore ressentir. Il a ainsi fait 48,5°C à Kayes (Mali), mercredi, un "record absolu national" pour le pays, a rapporté Etienne Kapikian, prévisionniste à Météo-France, citant les données récoltées par Thierry Goose, spécialiste du climat résidant au Canada.

Le continent africain est frappé depuis mars par une vague de chaleur "exceptionnelle", avec des pics à 45°C. "Après le El Niño qu'on a eu, le continent africain est chaud assez uniformément, mais surtout dans le nord et le sud de la cuvette congolaise, sur tout le Sahel et en Afrique de l'Ouest", a observé le climatologue Benjamin Pohl, chercheur à l'institut Biogéosciences de l'université de Bourgogne. "L'océan Indien répond parfois au phénomène El Niño et se réchauffe sur sa partie ouest, ce qui crée une nouvelle source de chaleur, affectant surtout l'Afrique australe et l'Afrique de l'Est, cette fois-ci." 

L'animation de l'observatoire Copernicus ci-dessous illustre l'importance des chaleurs qui ont frappé le continent en mars.

Carte animée des anomalies de températures sur le continent africain

Mardi, des centaines d'écoles aux Philippines, dont plusieurs dizaines dans la capitale, Manille, ont fermé en raison des fortes chaleurs, a souligné l'AFP. Le thermomètre a atteint 35,7°C dans la capitale, un peu en dessous du record historique de chaleur de 38,6°C mesuré le 17 mai 1915. Habituellement, les mois de mars, avril et mai sont les plus secs dans de larges zones des Philippines, pays tropical.

Une salle de classe vide à Iloilo (Philippines) en raison de la suspension des cours liée aux fortes chaleurs, le 2 avril 2024. (ARNOLD ALMACEN / AFP)

"Deux conditions sont nécessaires pour battre des records : une tendance de long terme, qui est la hausse des températures moyennes liée à l’augmentation des concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et un événement plus conjoncturel lié à la variabilité naturelle du climat. Celles-ci sont aujourd’hui réunies", a souligné fin mars Samuel Somot, chercheur à Météo-France, interrogé par le journal Le Monde.

El Niño va être suivi par son versant froid, appelé La Niña. Avant celle-ci, une période neutre est normalement attendue à l'échelle de la planète. Dans le contexte de réchauffement, cette tendance rafraîchissante pourrait toutefois avoir plus de mal à s'exprimer. L'Organisation météorologique mondiale a par ailleurs affirmé en mars que La Niña pourrait se développer "plus tard cette année". Le chef du service de veille de cette instance a estimé qu'il existe "une probabilité élevée que 2024 batte le record de 2023" en matière de températures.

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