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Ce que l'on sait de l'enquête pour "pratiques commerciales trompeuses" qui vise TotalEnergies

La multinationale pétrolière, accusée de "greenwashing" par trois associations, défend son bilan et son action en matière de protection de l'environnement.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié
Temps de lecture : 6min
Le siège de la multinationale pétrolière TotalEnergies à La Défense (Hauts-de-Seine), le 26 avril 2022. (LILIAN CAZABET / HANS LUCAS / AFP)

TotalEnergies dans le viseur de la justice. Une enquête est menée depuis décembre 2021 contre la multinationale pétrolière pour "pratiques commerciales trompeuses", a annoncé jeudi 26 janvier le parquet de Paris, confirmant une information de Mediapart (article réservé aux abonnés). L'enquête, confiée au pôle économique et financier du parquet de Nanterre (Hauts-de-Seine), a été ouverte après la plainte au pénal de trois associations de défense de l'environnement : Wild Legal, Sea Shepherd France et Darwin Climax Coalitions. Franceinfo vous résume ce que l'on sait de cette plainte visant le géant français.

Des accusations de "greenwashing"

"C'est une première sur le plan judiciaire en France que TotalEnergies soit l'objet d'une enquête judiciaire pour pratiques commerciales trompeuses, c'est-à-dire ici pour le greenwashing de l'industriel", a déclaré à Mediapart William Bourdon, avocat du barreau de Paris qui a déposé la plainte au nom des trois associations. Elles accusent TotalEnergies de dégradation de l'air, selon la plainte consultée par le média en ligne. Contacté par l'AFP, le géant pétrolier répond n'avoir "aucune information sur la plainte évoquée. Et ni la compagnie ni ses dirigeants n'ont reçu de demande d'audition à ce sujet".

A ce stade, le parquet se concentre sur le délit potentiel de pratiques commerciales trompeuses, ce qui peut faire référence aux communications du groupe promouvant sa stratégie climatique. Sur ce motif, une action avait été lancée par trois autres ONG, dont Greenpeace, en 2022. La justice doit sonner "la fin de la récréation parce que beaucoup d'entreprises pratiquent ce genre de greenwashing", a abondé vendredi sur franceinfo Marine Calmet, juriste, spécialiste des droits de l'environnement, présidente de Wild Legal. "Quoi qu'il arrive à l'issue de cette enquête préliminaire, cela démontre que les entreprises courent un risque grandissant quand elles ont ce type de pratiques", a analysé Clara Gonzales, juriste de Greenpeace.

"Quand on est pétrolier ou gazier et qu'on communique à tout va sur des engagements climatiques non fondés scientifiquement selon nous, la réponse judiciaire est là."

Clara Gonzales, juriste de Greenpeace

à l'AFP

En avril 2022, le collectif d'associations a déposé une nouvelle plainte, reprochant à TotalEnergies "d'autres pratiques" à l'origine d'un écocide", a expliqué le parquet. Encore à l'étude, cette nouvelle plainte n'a pas, à ce stade, provoqué l'ouverture d'une enquête ou été jointe aux investigations en cours. 

Les associations critiquent un double jeu

Derrière cette plainte, les associations dénoncent les mensonges de la multinationale pétrolière. "Nous lui reprochons tout simplement le décalage complet entre sa communication, avec ses envies de passer pour une filiale d'avenir en matière d'énergies renouvelables, et la réalité, une production toujours accélérée d'énergies fossiles, de gaz et d'autres agrocarburants", détaille Marine Calmet.

"Aujourd'hui, il y a une sensibilité chez les consommateurs, qui veulent et qui choisissent des produits en fonction de critères écologiques. Total le sait parfaitement et, du coup, sa stratégie est de mettre en avant une politique vertueuse pour continuer à vendre des produits alors même que la réalité est tout autre", estime la présidente de Wild Legal. Elle pointe également du doigt des projets "particulièrement symptomatiques d'une entreprise qui ne veut pas quitter ce secteur ultra polluant et climaticide". Elle fait référence aux projets Tilenga et EACOP, en Ouganda et en Tanzanie.

Le premier concerne le pompage et le traitement du pétrole : 31 zones d'extractions sont prévues, pour un total de 426 puits, ainsi qu'une usine de traitement. Le second volet se concrétisera par la réalisation d'un pipeline enterré sur plus de 1 440 kilomètres, le plus long oléoduc chauffé au monde. Ces projets représentent "des centaines de millions de tonnes de CO2 émis", selon Marine Calmet. Fin décembre 2022, le géant avait été assigné par six ONG pour sur ce mégaprojet pétrolier, en vertu d'une loi qui depuis 2017 impose aux multinationales un "devoir de vigilance" sur leurs activités mondiales. La décision dans cette affaire sera rendue le 28 février.

La société défend son bilan

Pour se défendre de ces accusations de greenwashing, TotalEnergies met en avant "des investissements", des "nouveaux métiers" et une "baisse significative des émissions de gaz à effet de serre", réduites en Europe de "23% entre 2015 et 2021". TotalEnergies ajoute avoir désormais "17 gigawatts (GW) de capacités renouvelables (éolien, solaire...) installées dans le monde, contre près de 0 GW en 2018". "Nous ne les [ces chiffres] contestons pas, a précisé Marine Calmet, nous les mettons en perspective avec les investissements massifs prévus dans les énergies fossiles. Total, c'est 0,9% des émissions globales de gaz à effet de serre. Cela représente environ deux tiers des émissions de la France. Forcément, il y a une responsabilité."

La multinationale a adopté une ambition de neutralité carbone en 2050, mais ajoute toujours "ensemble avec la société", c'est-à-dire qu'elle conditionne cette ambition à l'engagement climatique des pays. Tant que le monde aura besoin de pétrole ou de gaz, elle continuera à en fournir, propose-t-elle. Et ses propres documents prévoient une empreinte carbone totale à peine réduite d'ici 2030, par rapport à 2015. 

Ce n'est pas la première fois que TotalEnergies est visée pour son bilan carbone. En novembre 2022, Greenpeace accusait déjà le groupe de tronquer ses chiffres. Pour l'année 2019, la dernière avant les effets du Covid-19, l'addition de ses rejets s'élevait, selon le groupe, à 455 millions de tonnes de CO2. Un bilan trois à quatre fois inférieur à ceux que déclarent ses concurrents (ExxonMobil, BP), aux chiffres d'affaires comparables. Un tel écart avait intrigué Greenpeace qui, pendant un an, avait refait les calculs. Selon l'ONG, Total Energies aurait en fait rejeté plus d'1,6 milliard de tonnes de CO2 en 2019.

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