Ce que contient la proposition de loi pour lutter contre la "fast fashion", qui arrive en discussion à l'Assemblée nationale

Porté par des députés Horizons, ce texte vise à instaurer une pénalité allant jusqu'à 10 euros par article. Le site chinois Shein est notamment dans le viseur des parlementaires.
Article rédigé par franceinfo
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Une cliente essaie des vêtements de la marque Shein, à Paris, le 4 mai 2023. (CHRISTOPHE ARCHAMBAULT / AFP)

Ils veulent que la "fast fashion" passe de mode. Une proposition de loi visant à pénaliser la "mode jetable" arrive à l'Assemblée nationale lundi 4 mars. Le texte, porté par les députés du groupe Horizons, va d'abord être examiné en commission puis dans l'hémicycle à partir du 14 mars. Dans le viseur : les enseignes et sites de commerce en ligne, comme Shein, qui proposent une quantité innombrable de vêtements à bas prix et de moindre qualité, pour la plupart importés d'Asie. Mise en place d'un malus, publicité interdite... Franceinfo vous en présente les principaux points.

Un modèle critiqué

Des robes à moins de 15 euros, des vestes à 9,99 euros, des tee-shirts à 1,50 euro... La marque Shein, connue pour ses prix défiant toute concurrence, est citée nommément en préambule de la proposition de loi. "A la pointe de cette mode express, l'entreprise de prêt‑à‑porter chinoise référence en moyenne plus de 7 200 nouveaux modèles de vêtements par jour, et met à disposition des consommateurs plus de 470 000 produits différents, écrivent les députés Horizons. Shein propose ainsi 900 fois plus de produits qu'une enseigne française traditionnelle."

L'exposé des motifs de la proposition de loi pointe ainsi un "emballement" de la filière. "Cette surproduction de vêtements, qui arrive d'Asie chez nous en contrevenant à toute la réglementation environnementale, est dramatique. Il y a une urgence à s'attaquer au problème de façon très concrète", s'alarme la députée Anne-Cécile Violland, auteure de la proposition de loi, dans Le Figaro

Accusées de travail forcé et d'incitation à la surconsommation, montrées du doigt pour leur impact environnemental, critiquées pour le manque de transparence de leur production, ces marques s'attirent régulièrement les foudres des défenseurs de l'environnement et des droits humains. En 2022, par exemple, Greenpeace dénonçait la présence de produits chimiques dangereux pour l'homme dans les vêtements de la marque Shein. 

Dans un message transmis à l'AFP, l'entreprise soutient que son modèle est "fondamentalement différent de celui de la 'fast fashion'" et assure suivre "les meilleures pratiques internationales en matière de développement durable et d'engagements sociaux". Elle affirme partager "l'intérêt des législateurs pour la promotion d'une gestion responsable de la chaîne d'approvisionnement et la protection de notre environnement".

Un malus proposé

La proposition de loi veut taper les enseignes au portefeuille. Le texte prévoit la mise en place d'un malus pour compenser l'impact environnemental de ces vêtements. D'ici 2030, cette "pénalité" pourra atteindre les 10 euros par article vendu, dans la limite de 50% du prix de vente. "Il s'agit là de procéder comme nous le faisons dans un autre domaine, celui de l'automobile, (...) afin de véritablement faire évoluer les pratiques des producteurs, tout comme les comportements d'achat des consommateurs", peut-on lire.

"Quand on achète sur ces sites-là, on sait ce qu'on fait et on contribue à une pollution massive de notre environnement, rappelle encore la députée Anne-Cécile Violland, interrogée par France 2. Ces produits sont envoyés par avion directement aux consommateurs, et si on va encore plus loin, on a aussi des problématiques liées à la gestion des eaux usées par exemple."

Le texte prévoit également une modulation de "l'écocontribution" versée par les sociétés en fonction de leur impact environnemental, afin de réduire l'écart de prix entre les produits issus de la "fast fashion" et ceux issus de filières plus vertueuses. Pierre Talamon, président de la Fédération nationale de l'habillement (FNH), approuve. Selon lui, il faut pénaliser ceux qui s'adonnent "à des techniques de marketing commercial et de surproduction qui vous poussent à acheter des vêtements pour les porter 7 à 8 fois puis les mettre à la poubelle". Ces entreprises qui vendent en ligne "ne créent pas d'emplois, elles en détruisent", tance encore le professionnel.

Une interdiction de la publicité

La proposition de loi prévoit également d'interdire aux plateformes de vente en ligne de vêtements à bas coût de faire de la publicité. Les vidéos rémunérées d'influenceuses qui déballent leur colis en présentant tous les vêtements qu'elles viennent d'acheter sont également dans le viseur des députés. Anne-Cécile Violland avance aussi l'idée de messages sur les sites internet pour sensibiliser les clients à l'impact environnemental de leurs achats. Cette mesure pourrait s'inspirer de ce qui est fait avec la loi Evin qui encadre la publicité sur les boissons alcoolisées.

Dans leur proposition de loi, les députés Horizons font aussi référence à la loi Climat, promulguée en août 2021. Celle-ci "a interdit la publicité pour les énergies fossiles ou celles relevant d'une démarche de greenwashing, ou éco‑blanchiment". Leur proposition de loi "s'inscrit dans la continuité de cette démarche de mise en cohérence du secteur de la publicité avec nos engagements nationaux, européens et internationaux en matière de protection de l'environnement", est-il rappelé dans le texte.

Le président de l'Union des industries textiles, Olivier Ducatillion, approuve le projet des députés, jugeant que "toutes les initiatives qui visent à combattre la concurrence déloyale des Shein, Temu et consorts sont les bienvenues". Le président de la Fédération du prêt-à-porter féminin, Yann Rivoallan, estime lui aussi "judicieux" tout projet visant à sanctionner "des comportements économiquement, écologiquement et socialement dangereux".

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