Répression contre les journalistes en Biélorussie : "La pression sur la presse est vraiment montée d'un cran dès le début de la campagne", selon RSF
Reporters sans frontières avait recensé plus de 40 arrestations de journalistes pendant la campagne présidentielle mais depuis la réélection du président Loukachenko, la répression est "massive", selon Catherine Monnet, rédactrice en chef adjointe de l'organisation.
"La pression sur les journalistes est vraiment montée d'un cran dès le début de la campagne de l'élection [présidentielle]", regrette sur franceinfo, mercredi 12 août, Catherine Monnet, rédactrice en chef adjointe à Reporters sans frontières, alors que la répression ne faiblit pas en Biélorussie, trois jours après la réélection très contestée d'Alexandre Loukachenko. Plus de 6 000 personnes ont été interpellées, une répression condamnée par la Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme.
franceinfo : Cette répression envers les journalistes s'est-elle durcie ces derniers jours à la faveur du scrutin présidentiel ?
Catherine Monnet : Le Bélarus [autre nom de la Biélorussie] n'est pas un pays dans lequel il est très simple de travailler en tant que journaliste d'une manière générale. C'est quand même l'un des pays les plus mal situés dans le classement mondial de la liberté de la presse. Il est à la 153e place sur 180 pays. Ce n'est pas une très bonne place. C'est un pays où la diversité du paysage médiatique est quasi inexistante.
Toutes les chaînes de télévision nationales sont contrôlées par l'État, et la plupart des médias indépendants ont été contraints à l'exil.
Catherine Monnet, rédactrice en chef adjointe à RSFà franceinfo
Les arrestations de journalistes et de blogueurs critiques sont fréquentes, mais la pression sur les journalistes est vraiment montée d'un cran dès le début de la campagne de l'élection. Il y a eu plus de 40 journalistes arrêtés pendant la campagne. Et c'est encore monté d'un cran le jour du scrutin. Ca s'est transformé en répression massive à compter du jour de l'élection.
Craignez-vous des condamnations à la suite de ces interpellations ?
Pour l'instant, il n'y a pas de condamnation, mais il y a des arrestations qui nous inquiètent particulièrement, parce que tous les journalistes ne sont pas relâchés immédiatement. Certains journalistes sont interpellés et relâchés quelques heures après, certains 48 heures, mais nous avons pour l'instant quatre cas de journalistes, au moins, arrêtés ces dernières 48 heures, dont on est toujours sans nouvelles. Trois de ces journalistes travaillaient pour la chaîne de télévision Bielsat, chaîne indépendante en exil, qui diffuse par satellite depuis la Pologne, et qui est très influente, très regardée au Bélarus, mais qui est donc dans la ligne du pouvoir, qui ne supporte pas la critique.
On est aussi sans nouvelles du rédacteur en chef de Nasha Niva, l'un des plus vieux hebdomadaires indépendants du pays, Egor Martinovitch, qui est un journaliste émérite, qui s'était vu décerner un prix RSF en 2015. Il a littéralement disparu dans la nuit du 10 août. A deux heures du matin, sa femme a reçu un SMS dans lequel il lançait un appel à l'aide, puis elle a reçu quelques heures plus tard un message affirmant qu'il avait été arrêté. Depuis, plus rien. Elle cherche en vain à savoir où il est détenu et comment il va, mais ses proches et nous-mêmes à RSF, nous sommes particulièrement inquiets. Nous sommes face à un régime qui n'hésite pas à kidnapper ses opposants et à les faire disparaître sans trop laisser de traces.
Les journalistes étrangers sont-ils épargnés, peuvent-ils travailler en toute liberté, en toute indépendance, sur le territoire ?
Les journalistes étrangers ne sont pas à meilleure enseigne que leurs collègues biélorusses. Très peu d'occidentaux sont accrédités. De notre côté, on a recensé de nombreux cas de journalistes russes ou polonais, ce sont les principales nationalités qui étaient présentes au moment du scrutin, qui ont été victimes de violences policières, qui ont été détenus pendant plusieurs heures voire plusieurs jours. On a le cas de trois journalistes de la chaîne TV russe Dojd, qui ont été la cible d'une arrestation particulièrement musclée. Ils ont été violemment plaqués au sol par des policiers en civil à Minsk, ensuite ils ont été détenus pendant plusieurs heures avant d'être expulsés vers la Russie, au prétexte qu'ils n'avaient pas d'accréditation, accréditation qu'ils avaient en vain tenté de solliciter depuis le mois de juin.
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