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On vous résume les enjeux de la rencontre tant attendue entre Corée du Nord et Corée du Sud

Au programme : un banquet hautement symbolique et la possible signature d'un traité de paix pour mettre formellement un terme à la guerre de 1950-1953.

Article rédigé par franceinfo - Juliette Campion
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Des militants en faveur de la paix brandissent une photo montrant le président sud-coréen Moon Jae-in et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, avec le slogan "un nouveau départ pour la paix", lors d'une manifestation à Séoul, le 26 avril 2018, devant la résidence de Moon Jae-in.  (ED JONES / AFP)

C'est un face-à-face historique qui se prépare à Séoul. Vendredi 27 avril, le président sud-coréen Moon Jae-in accueille le dirigeant nord-coréen Kim Jong-un sur son sol : une première depuis soixante-cinq ans. Cette rencontre très attendue aura lieu dans la zone démilitarisée qui sépare les deux pays.

L'événement a été minutieusement préparé par Séoul. "Les sherpas du gouvernement sud-coréen ont répété chaque séquence du sommet organisé ce vendredi", racontent Les Echos. Et, en signe d'ouverture, la Corée du Sud a fait taire lundi ses haut-parleurs géants qui diffusent des messages de propagande aux soldats nord-coréens, déployés à la frontière. 

Quels sont les enjeux de ce tête-à-tête très symbolique, et comment se déroulera cette journée ? Avec l'éclairage d'Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des deux Corées, franceinfo fait le point sur ce que l'on peut attendre de cette rencontre. 

Ce sommet est-il historique ?

Quand Kim Jong-un franchira la ligne de démarcation militaire qui divise la péninsule, il deviendra le premier dirigeant nord-coréen à fouler le sol sud-coréen depuis la fin de la guerre de Corée, il y a soixante-cinq ans. 

L’image clé de ce sommet, ce ne sera pas tant celle des deux dirigeants dans la même pièce que la traversée de la frontière par Kim Jong-un.

Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique

à franceinfo

Les deux sommets précédents, en 2000 et 2007, avaient eu lieu à Pyongyang, la capitale de la Corée du Nord. L'année suivante, l'élection au Sud du président conservateur Lee Myung-bak avait marqué le début de la détérioration des relations entre les deux Corées. "A tel point qu’en 2017, vous n’aviez plus de commerce, plus de coopération et plus de dialogue entre les deux camps", explique Antoine Bondaz à franceinfo.

Mais, depuis janvier, Kim Jong-un a multiplié les gestes d'apaisement, en envoyant notamment une délégation nord-coréenne aux Jeux olympiques, en proposant une rencontre à Donald Trump et en annonçant la fin de ses essais nucléaires. Ce sommet est donc une étape déterminante pour la poursuite du rapprochement entre les deux pays. "Généralement, les États négocient pendant des mois voire des années avant la tenue d'un sommet, note Antoine Bondaz. Là, c’est l’inverse. Ce face-à-face institutionnalise le début des négociations."

Quel est le programme de cette entrevue ?  

Aucun détail ne sera négligé lors de ce sommet. Le président sud-coréen, Moon Jae-in, accueillera Kim Jong-un sur la ligne en béton qui marque la frontière entre les deux Corées, dans la zone démilitarisée. Le dirigeant nord-coréen sera accompagné de neuf représentants de Pyongyang, dont sa sœur, Kim Yo-jong. Les deux dirigeants iront ensuite à pied jusqu'à la Maison de la paix, une structure en verre et en béton située au sud du village de Panmunjom, où fut signé l'armistice, le 27 juillet 1953. Ils ne déjeuneront en revanche pas ensemble : les Nord-Coréens franchiront la frontière dans l'autre sens pour leur collation.

L'après-midi, ils planteront un pin qui sera "arrosé d’eau provenant des fleuves qui traversent les deux capitales coréennes", précise RFI. La plantation de cet arbre fait écho à "l'incident du peuplier", en 1976, qui avait bien failli relancer la guerre. Deux officiers américains avaient été tués par deux soldats nord-coréens pour avoir tenté d'élaguer un peuplier planté par Kim Il-sung, le père fondateur de la République populaire de Corée. "Planter un arbre est très symbolique par rapport à cet incident", estime Antoine Bondaz. 

La journée se terminera par un banquet, avec là encore de nombreux symboles. Des "röstis", une spécialité suisse à base de pommes de terre râpées, seront servis à Kim Jong-un en clin d'œil à ses années d'enfance passées à Bâle. Des nouilles froides, plat emblématique du Nord, lui seront également proposées. En dessert, les convives auront droit à un gâteau en forme de péninsule réunifiée. Ce dîner servi par la Corée du Sud à la Corée du Nord est pris très au sérieux car, d'après Antoine Bondaz, "c'est la caractéristique qu'il s'agit d'une visite d'Etat" : "Sur l'échelle diplomatique, c'est la rencontre de plus haut niveau entre deux dirigeants."

Que peut-on en attendre ? 

Pour Séoul, cette rencontre doit surtout permettre de "reprendre les discussions et multiplier les sujets de dialogue : militaires, politiques, économiques, humanitaires…" tout en créant "une atmosphère positive pour l'entrevue de Kim Jong-un avec Donald Trump", affirme Antoine Bondaz à franceinfo. Du côté de Pyongyang, la priorité est "d'apaiser les tensions pour éviter à tout prix une intervention militaire américaine et le renforcement des sanctions à son encontre", résume l'expert.

Un autre sujet crucial sera au cœur des discussions : l'arsenal nucléaire nord-coréen. Un accord s'annonce toutefois compliqué, a laissé entendre Im Jong-seok, secrétaire général de la présidence sud-coréenne : "Le plus délicat sera de voir à quel niveau les deux dirigeants seront capables de s'accorder sur la volonté de dénucléarisation" de la Corée du Nord. Antoine Bondaz se montre encore plus circonspect, affirmant que le régime nord-coréen ne souhaite "en aucun cas se dénucléariser à court terme".

La feuille de route d'une éventuelle dénucléarisation sera négociée avec les Etats-Unis, car Pyongyang considère que son arsenal a été développé en réponse à l'hostilité américaine.

Antoine Bondaz, chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique

à franceinfo

Les deux homologues pourraient en revanche aborder la question d'un traité de paix, pour mettre officiellement un terme à la guerre de 1950-1953. Celle-ci s'était soldée par un simple armistice. La signature d'un tel traité suscite l'espoir des ex-soldats de la guerre de Corée. "Un jour, j'espère pouvoir aller sur les tombes de mes compagnons d'armes en Corée du Nord et leur dire que notre sacrifice n'a pas été vain. Que la paix est finalement là", confie ainsi un ancien combattant de 86 ans à l'AFP. 

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