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"Trump tropical", nostalgique de la dictature : qui est Jair Bolsonaro, le nouveau président du Brésil ?

Le candidat d'extrême droite à la présidentielle est arrivé largement en tête du second tour, dimanche. Il a obtenu environ 56% des voix face à à son rival de gauche Fernando Haddad, selon des résultats quasi-définitifs.

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Le candidat à la présidentielle brésilienne Jair Bolsonaro à Uberlandia, le 30 juillet 2018. (SUAMY BEYDOUN / WWW.AGIF.COM.BR / AFP)

Jair Bolsonaro, candidat d'extrême droite, sera le prochain président brésilien. Il a largement remporté le second tour, dimanche 28 octobre, arrivant en tête avec environ 56% des voix face à son rival de gauche, Fernando Haddad, du Parti des travailleurs.

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Hospitalisé trois semaines après avoir frôlé la mort, poignardé à l'abdomen, il n'avait pas pu reprendre sa campagne dans les rues ni participer aux débats télévisés. Jair Bolsonaro était toutefois resté très actif sur les réseaux sociaux, où il fait un tabac, avec près de 7 millions d'abonnés sur Facebook. Selon Le Monde, l'avocat de son agresseur a déclaré que ce dernier avait agi "pour des motifs religieux, de type politique et également en raison des préjugés que montre Bolsonaro à chaque fois qu’il parle de race, de religion et des femmes".

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En 27 ans de mandat fédéral, Jair Bolsonaro a, en effet, régulièrement provoqué la polémique. "Nostalgique" de la dictature militaire selon Les Inrocks, il multiplie les propos racistes, sexistes et homophobes. Mais ses attaques contre la corruption politique au Brésil lui ont permis de séduire nombre d'électeurs.

Un ancien militaire nostalgique de la dictature

Jair Bolsonaro est né en 1955 à Campinas, dans l'Etat de Sao Paulo, de parents d'origine italienne. Selon RFI, il obtient son diplôme de l'école militaire des Agulas Negras en 1977. Devenu capitaine de l'armée de terre, il mène en 1986 un mouvement de protestation contre les salaires trop bas des militaires et écope d'une peine d'emprisonnement de 15 jours, pour "insubordination".

L'ancien soldat ne cache pas son admiration pour la dictature. En 2016, il dédie son vote pour la destitution de la présidente Dilma Rousseff "à la mémoire du colonel Ustra". Ce militaire était le chef de la police politique durant la dictature brésilienne et l'un de ses principaux tortionnaires, rappelle La Croix. La remarque provoque un tollé et lui vaut un dépôt de plainte pour apologie de la torture.

Mais cela n'empêche pas Jair Bolsonaro d'enfoncer le clou. En novembre 2017, il vante les mérites de l'ancien dictateur Augusto Pinochet dans la presse chilienne. Pendant la campagne pour l'élection présidentielle, le candidat d'extrême droite a également affirmé qu'il n'y avait "pas eu de coup d'Etat militaire en 1964", rapporte LCI.

Un "Trump tropical" habitué des dérapages

La notoriété de Jair Bolsonaoo est liée à ses nombreux dérapages. Hyperconservateur, le député milite pour le "retour des valeurs traditionnelles brésiliennes" et "défend la peine de mort, la torture et le port d'armes", soulignent Les Inrocks. En 1999, il affirme que "la dictature militaire aurait dû assassiner quelque 30 000 personnes corrompues", dont le président de l'époque Fernando Henrique Cardoso. Interrogé récemment sur les violences policières dans les favelas, il estime que "si [un policier] tue dix, quinze, vingt personnes, il doit être décoré, pas poursuivi", ajoute  Le Monde.

Parmi les cibles favorites de Jair Bolsonaro : les femmes. En 2003, il lance à la députée de gauche Maria do Rosario qu'il "ne la violerait même pas" parce qu'elle est "très laide", note LCI. Il estime en outre que "la femme doit gagner un salaire moindre parce qu'elle tombe enceinte".

Se targuant d'avoir des "préjugés et d'en être très fier", selon  20 Minutes, Jair Bolsonaro s'en prend fréquemment à la communauté LGBT+. Dans un entretien à Playboy, il déclare en 2011 qu'il "ne pourrait pas aimer un fils qui serait homosexuel" et qu'il préférerait "le voir mourir dans un accident" plutôt qu'il soit gay. Fin août, il s'oppose sur la chaîne Globo à l'union civile entre des personnes de même sexe et brandi la version portugaise du Guide du zizi sexuel. Il assure que le livre illustré par Zep, qui vise à expliquer la sexualité aux enfants, fait partie d'un "kit gay" diffusé dans les écoles brésiliennes pour promouvoir l'homosexualité.

Sexiste, homophobe, Jair Bolsonaro est aussi raciste. Selon Les Inrocks, il a par le passé qualifié les Amérindiens et les Noirs de "malodorants" et "mal éduqués". Ses propos polémiques (et son hyperactivité sur Twitter) lui valent le surnom de "Trump tropical", selon Le Monde. Un sobriquet qui n'est pas pour déplaire au député anti-système.

Un député "hors du système" en tête de la présidentielle

Jair Bolsonaro obtient son premier mandat en 1988, en tant que conseiller municipal de la ville de Rio de Jainero, rapporte 20 Minutes. Il est alors élu sous les couleurs du Parti démocrate chrétien. En 1991, il devient député fédéral et ne quitte plus son siège jusqu'à ce jour. Jair Bolsonaro a, en revanche, changé d'étiquette "plus d'une dizaine de fois", selon Le Monde. Il est désormais affilié au Parti social-Libéral (PSL). S'il n'est fidèle à aucune formation politique, ses valeurs sont restées inchangées. Le député a toujours revendiqué son aversion profonde pour la gauche. "De Fidel Castro à Lula, du communisme à la social-démocratie, de l’assistance sociale à la mansuétude judiciaire, tout lui fait horreur", assure Le Monde.

Bien que toute sa famille soit dans la politique, l'ancien militaire se présente surtout comme "un candidat hors du système politique brésilien", précise RFI. Il séduit aujourd'hui un certain nombre de Brésiliens, déçus par les scandales de corruption successifs qui ont éclaboussé le Parti des travailleurs (PT) d'Inacio Lula da Silva. Jair Bolsonaro fait campagne sur le slogan "plus jamais Lula" pour attirer les déçus de la gauche, drague l'église évangélique en s'opposant fermement à l'avortement et défend un programme économique libéral qui plaît aux jeunes et aux classes aisées. 

"[Il] séduit les agriculteurs du Sud, les jeunes de Sao Paulo, les miliciens de Rio… C’est une extrême droite qui n’est pas bien structurée, mais ses chances d’être élu sont réelles", assure le sociologue et politologue Ruda Ricci, interrogé par Le Monde. Dimanche, les Brésiliens ont d'ailleurs voté en masse pour cet homme, portés par l'espoir d'un changement dans ce pays en crise, qui ne parvient pas à endiguer la violence et la corruption.

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