Présidentielle au Brésil : "Bolsonaro ne va pas se laisser éjecter comme ça", prédit Jean-Christophe Rufin, diplomate et administrateur de l’IRIS
Selon le diplomate, le président sortant, "va contester les résultats" de l'élection présidentielle, gagnée par Lula dimanche 30 octobre.
Lula a été élu dimanche 30 octobre avec deux millions de voix d'avance sur Jair Bolsonaro au deuxième tour de l'élection présidentielle, le plus faible écart depuis 40 ans au Brésil. Le président sortant d'extrême droite "va contester les résultats", avance lundi 31 octobre sur franceinfo Jean-Christophe Rufin, diplomate et administrateur de l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS).
"Jair Bolsonaro est capable de tout. Il ne va pas se laisser éjecter comme ça, mais à mon sens, ça ne débouchera pas sur une remise en cause de l'élection", prédit Jean-Christophe Rufin, au lendemain de la victoire de Lula et alors que le silence du président sortant est de plus en plus pesant.
Cette remise en cause imaginée par le diplomate pourrait prendre la forme de celle utilisée par Donald Trump, inspiration politique de Jair Bolsonaro. "D'abord la contestation légale, avec le recomptage de votes, etc. Et puis, le recours à ses partisans, qui ne sont pas forcément des gens très calmes" avec des émeutes et des manifestations violentes, dans ce pays jugé "éruptif" par Jean-Christophe Rufin, qui a passé une partie de sa vie au Brésil.
"Pas de majorité" pour les réformes de Lula
Le mandat de quatre ans de Jair Bolsonaro va-t-il laisser une trace durable ? "Il y a deux Brésil" actuellement, observe Jean-Christophe Rufin, "comme il y a un peu deux États-Unis, d'un point de vue religieux, économique, avec une aggravation des inégalités. On va découvrir qu'il y a eu beaucoup de dégâts, notamment d'un point de vue budgétaire."
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En plus, Lula va devoir ces prochaines années composer avec la droite, majoritaire aux deux chambres parlementaires, le Sénat et la Chambre des députés. "Pour faire voter des réformes, Lula n'a pas de majorité, mais il n'a pas non plus la base principale, c'est Bolsonaro qui la conserve. Et de nombreux gouverneurs" d'un Brésil qui est un État fédéral, "sont de tendance à droite ou extrême droite", notamment le plus riche d'entre eux, São Polo.
Qui est "le nouveau Lula" ?
L'élection de Lula, c'est aussi le retour du Brésil à l'international, même si "la politique étrangère a été peu présente" lors de la campagne présidentielle, souligne Jean-Christophe Rufin. "Bolsonaro n'avait pas beaucoup de soutien dans le monde, surtout depuis la disparition de Donald Trump" de la scène internationale. "Lula bénéficie d'une sympathie supérieure un peu partout, mais ça ne suffit pour juger non plus de ce qu'il va pouvoir faire."
Mais attention au trompe-l'œil, prévient l'administrateur à l'IRIS. "On peut avoir un peu le phénomène américain avec Trump et Biden. Lula bénéficie aussi de l'antipathie qu'avait suscitée Bolsonaro. Et comme Biden, on était content de se débarrasser de Trump. Pour autant, on a vu que Biden ne suscite plus tellement d'enthousiasme."
Sans compter le fait que "Lula soutient les Russes" dans la guerre en Ukraine déclenchée par Moscou en février 2022. Il a reçu d'ailleurs les félicitations de Vladimir Poutine, peu après son élection à la tête du Brésil. Ce qui provoque le scepticisme de Jean-Christophe Rufin. "On va peut-être découvrir un peu qui est le nouveau Lula". "Ce n'est plus celui d'il y a 15 ans et ce n'est pas forcément quelqu'un qui va remplir tous nos espoirs."
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