Statu quo, quarantaine, attaque… Après les élections à Taïwan, que compte faire le président chinois envers l'île ?

Laï Ching-Te a remporté la dernière élection présidentielle à Taïwan. Son parti, le PTP (Parti Démocrate Progressiste) est réputé "autonomiste", ce qui déplaît fortement à la Chine.
Article rédigé par franceinfo - Xavier Deperthes
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KAOHSIUNG, TAIWAN : Taiwan's armed forces (ANNABELLE CHIH / GETTY IMAGES ASIAPAC)

Le résultat des élections à Taïwan, le 13 janvier, est un revers pour la Chine. Elle espérait la victoire du parti Kuomitang, plus favorable à Pékin, mais c’est Laï Ching-Te, du Parti démocrate progressiste, réputé plus autonomiste, qui est sorti victorieux. Le message envoyé à la Chine est que malgré les intimidations, les Taïwanais refusent la réunification voulue par Xi Jinping.

Le président chinois l'a pourtant réaffirmé lors de son discours du Nouvel An : "Tous les Chinois des deux côtés du détroit de Taïwan devraient être liés par un but commun et partager la gloire du renouveau de la nation chinoise". Mais seulement 2,5% des habitants se disent "chinois" aujourd'hui, contre un quart d'entre eux en 1995, alors que 62% s'affirment désormais "taïwanais", selon un sondage de la National Chengchi University, à Taïpei (en anglais).

L'indépendance, le mot tabou

La désinformation diffusée pendant la campagne présidentielle n’a pas réussi à influencer le vote. La propagande chinoise s’est révélée improductive dans ce pays profondément démocratique. Taïwan est au huitième rang des systèmes les plus démocratiques du monde, selon un classement réalisé par The Economist (en anglais) . La France en est à la 22e place.

Mais face à ces résultats, comment la Chine va-t-elle faire évoluer sa politique ? Plusieurs scénarios se dessinent. Malgré les pressions chinoises, l’économie est prospère et profite aux deux rives du détroit de Taïwan. Au-delà des semi-conducteurs, l'île est le premier fournisseur de biens intermédiaires dont l'industrie chinoise a absolument besoin. Le statu quo est donc bénéfique pour les deux pays, comme l'explique à franceinfo Jacques Gravereau, fondateur du HEC Eurasia Institute et auteur de Taïwan, une obsession chinoise (éditions Hémisphères).

"Le statu quo, c'est un mot qui est assez commode pour les politiciens taïwanais et pour les diplomates internationaux. Parce que pendant ce temps-là, on ne parle pas de souveraineté, on ne parle pas d'un mot qui est absolument tabou : le mot indépendance."

Jacques Gravereau

auteur de "Taïwan, une obsession chinoise"

L'autre option pour le gouvernement chinois est la quarantaine maritime. Cela permettrait de prendre le contrôle des abords maritimes et aériens de Taiwan. L’objectif étant de priver Taiwan du contrôle de ses flux, sans pour autant les interrompre formellement. "On peut imaginer, comme ils l'ont déjà fait en 1995, que les Chinois appliquent une sorte de quarantaine sur des navires, développe Jacques Gravereau. Gêner le trafic maritime et aérien dans cette zone du monde, c'est mettre un énorme grain de sable sur l'ensemble des chaînes de la mondialisation."

Cette option gênerait la Chine, qui est le premier exportateur mondial, parce qu'il y aurait des sanctions économiques à son encontre. Et cela aurait également des conséquences sur les Européens, parce qu'ils sont les premiers importateurs de produits chinois, selon l'expert.

Une campagne militaire massive ?

Ian Easton, un chercheur américain du Project 2049 institute, a analysé des documents internes de l’armée populaire de libération (APL) détaillant les opérations préparées. Il y est écrit que "les officiers de l’APL sont prévenus que seule une campagne militaire massive et magistrale leur permettra de prendre Taïwan, que l’opération sera extrêmement difficile et qu’un combat prolongé et sanglant est attendu."

"Est-ce que la Chine peut attaquer, faire une attaque amphibie massive sur Taïwan ? Ce serait un massacre de toute façon, parce qu'une attaque amphibie, c'est toujours très compliqué."

Jacques Gravereau

auteur de "Taïwan, une obsession chinoise"

L'expert précise que si dans un cas extrême, la flotte chinoise d'attaque n'est pas bloquée par les missiles taïwanais et que l'APL arrive à mettre le pied sur Taïwan, l'armée taïwanaise seule ne pourrait pas résister sur le long terme.

Selon Jacques Gravereau, qui se base sur les derniers exercices de simulation de guerre (wargames), "si les États-Unis rentraient dans la danse, la Chine ne pourrait pas durablement s'implanter". "Ce serait un massacre pour tout le monde, y compris pour les Américains", conclut-il.

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