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Terrorisme en Afrique australe : les jihadistes renforcent leur emprise sur le Mozambique

Le mozambique serait-il en passe de devenir la tête de pont du terrorisme jihadiste en Afrique australe ? Les islamistes contrôlent désormais un port stratégique dans le nord du pays. Une région riche en gaz naturel. 

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Le président du Mozambique, Filipe Nyusi, ici lors d'une journée d'élection, à Maputo le 10 octobre 2018. Il a fait appel à son armée et à des sociétés de sécurité privées. En vain. Les jihadistes renforcent leurs positions dans le nord du pays. (ROBERTO MATCHISSA / AFP)

Longtemps épargnée par la vague terroriste qui déferle sur le continent, l'Afrique australe s'inquiète désormais de la poussée islamiste qui s'approche à partir du Mozambique. Les analystes tirent la sonnette d'alarme, depuis que des jihadistes affiliés au groupe Etat Islamique ont réussi un coup très audacieux dans la province de Cabo Delgado, la plus septentrionale du Mozambique, limitrophe de la Tanzanie. Cette attaque déclenchée le 12 août 2020 a permis aux jihadistes de s'emparer d'un port stratégique qui ravitaille l'immense projet mozambicain de gaz naturel liquiéfié. Dans cette région très pauvre, à majorité musulmane, les attaques meurtrières ont déjà fait plus de 1500 morts et quelques 250 000 déplacés depuis octobre 2017.

Les jihadistes se servent de la pauvreté des populations et des injustices sociales dans cette région pour justifier leurs opérations terroristes. Ils affirment combattre le régime corrompu de Maputo qu'ils accusent d'avoir cédé à des multinationales, les biens que Allah a laissé pour ses enfants

Nicaise Kibel'bel, journaliste et écrivain congolais

à franceinfo Afrique

Notre confrère fait allusion aux importants champs gaziers convoités par Total et d'autres multinationales attirées par l'immense projet de gaz naturel liquéfié de la région. Basé dans l'est de la République démocratique du Congo, Nicaise Kibel'bel enquête depuis plusieurs années sur le groupe islamiste des ADF qui sévit dans les provinces du Kivu. Il explique que la RDC et le Mozambique forment aujourd'hui, "l'épicentre de la province Afrique de l'Etat Islamique". Il croit savoir, selon ses sources, que les groupes qui y opèrent entretiendraient même des connexions.

Faut-il craindre un embrasement de l'Afrique Australe ?

Oui, répond-il. Il constate que les dirigeants de la région ne prennent pas toute la mesure du danger face à des terroristes déterminés. Pour l'instant, les voisins du Mozambique se sont contentés d'exprimer leur solidarité de son combat contre les jihadistes et leurs actions violentes. Mais ils refusent toujours d'y intervenir militairement, malgré les risques d'extension du conflit à d'autres pays.

Les dirigeants de la région doivent monter des troupes adaptées à la contre-insurrection. C'est-à-dire à la guerre asymétrique. Ils doivent développer les échanges de renseignements pour mettre un terme à cette crise qui a dépassé le niveau de simple menace

Nicaise Kibel'bel, journaliste et écrivain congolais

à franceinfo Afrique

Dans un livre publié en 2017, au terme d'une longue enquête, Nicaise Kibel'bel expliquait comment un califat était en gestation dans la région des Grands Lacs africains. Il pointait un groupe islamiste nommé "Défense Musulmane Internationale/ADF" dont le quartier général est établi dans les forêts de l'Est de la RDC. L'armée congolaise n'a jamais réussi à le déloger de son fief malgré la présence de contingents de la mission des Nations unies (Monusco). Il craint donc un enlisement similaire au Mozambique, si les pays de la région n'interviennent pas résolument pour stopper les jihadistes.

Des mercenaires mis à contribution

Jusqu'à présent, le Mozambique a fait appel à des sociétés de sécurité privées pour tenter de reprendre le contrôle de ses régions du nord. Des sociétés russes et sud-africaines notamment auraient été mises à contribution, selon plusieurs spécialistes des questions de sécurité, rapporte l'agence france presse. Mais l'action militaire du gouvernement mozambicain, y compris le recours à des mercenaires, n'a pas mis un terme aux attaques des jihadistes.

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