Soudan : retour en force de la violence au Darfour
La sécurité s'est détériorée dans la région depuis le coup d'Etat d'octobre 2021, mené à 1 000 kilomètres de là, à Khartoum, par le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane.
Le Darfour, à l'ouest du Soudan, renoue avec ses vieux démons. Pillages, attaques et violences tribales, viols, instabilité... la violence s'étend depuis que le coup d'Etat militaire à Khartoum a laissé un vide sécuritaire.
Des groupes armés à la manœuvre
En 2020, sous la pression de la rue, le président soudanais Omar el-Béchir tombe. Le premier pouvoir post-dictature signe un accord de paix avec les groupes armés du Darfour. Un an et demi et un coup d'Etat militaire plus tard, mettant fin à la transition démocratique, les luttes entre ces groupes refont surface. Ils multiplient les pillages, notamment d'infrastructures et équipements de la Mission de paix conjointe de l'ONU et de l'Union africaine (Minuad) laissées après 13 ans de présence au Darfour. Et tentent également de récupérer l'aide alimentaire.
Aux attaques armées des rebelles s'ajoutent les affrontements tribaux, les accrochages saisonniers pour les terres, l'eau ou les ressources qui ravagent maisons, champs et récoltes, indique l'AFP. D'octobre à décembre 2021, ils ont fait près de 250 morts, selon les chiffres d'un syndicat indépendant de médecins, qui ajoutent que les viols, un fléau récurrent au Darfour, se multiplient.
"La sécurité s'est beaucoup détériorée en quatre mois : régulièrement, des hommes en armes arrêtent des voitures et rackettent les passagers."
Mohammed Issa, résidant du Darfourà l'AFP
Khartoum renvoie dos à dos rebelles et civils
Le pouvoir militaire pointe du doigt les groupes armés. Pour Khartoum, ils n'ont pas respecté l'accord de paix de 2020 prévoyant que les rebelles déposent les armes et démobilisent leurs troupes pour les intégrer aux forces régulières. Les généraux accusent aussi les civils qu'ils ont limogés avec le putsch de n'avoir pas pris les mesures nécessaires quand ils étaient aux manettes à la tête de l'Etat.
Pour autant, la situation est anarchique sur le terrain car "les groupes armés n'ont pas un contrôle total sur leurs hommes dans la région", indique à l'AFP un haut-gradé sous couvert d'anonymat. Il y a des armes partout depuis la guerre qui a fait au moins 300 000 morts et 2,5 millions de déplacés selon l'ONU depuis 2003.
Suspension de l'aide internationale
La suspension de l'aide des bailleurs internationaux en rétorsion au coup d'Etat a fait perdre 40% de son budget au Soudan.
"La communauté internationale doit nous soutenir."
Le général Abderrahmane Abdelhamidà l'AFP
Le 20 février, face à une situation humanitaire dramatique, la mission européenne au Soudan a toutefois alloué 40 millions d'euros au pays : "L'Union européenne confirme son engagement à soutenir le peuple soudanais dans les zones nécessitant une aide humanitaire urgente par le biais des agences internationales".
Au Darfour, à 1 000 kilomètres de Khartoum, bien loin du pouvoir central, un habitant sur trois dépend de l'aide humanitaire. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), il y a "deux millions de personnes" qui n'ont aucune aide au Soudan, et plus particulièrement au Darfour, où vivent la quasi-totalité des trois millions de déplacés du pays.
Les militaires ne sont pas les bienvenus
A l'instar d'une partie des Soudanais, la population du Darfour défie les militaires. "Personne ne fait confiance au régime des putschistes", déclare le porte-parole de la Coordination générale pour les réfugiés et déplacés du Darfour, Adam Rejal. Face à la colère des manifestants refusant leur venue au Darfour, le général al-Burhane – auteur du coup d'Etat du 25 octobre – et son N°2, le général Mohammed Hamdane Daglo – patron des paramilitaires des Forces de soutien rapide accusées d'exactions dans la région – ont dû annuler leur visite.
"Ceux qui sont au pouvoir aujourd'hui ont commis des crimes au Darfour (à l'époque d'Omar el-Béchir, NDLR), pourquoi protégeraient-ils les gens maintenant ?
Adam Rejal, de la Coordination pour les réfugiés et déplacés du Darfourà l'AFP
"Il faut réinstaller le gouvernement civil sinon tout va encore empirer", insiste Adam Rejal. Un avis que semblaient partager lundi 21 février les manifestants de Khartoum, Port-Soudan (est), Madani (centre), Gedaref et Kassala (est) qui ont crié aux militaires, et notamment au général Abdel Fattah al-Burhane, de "retourner à la caserne".
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