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Sénégal : Amnesty dénonce les violences de la campagne électorale et des atteintes à la liberté d’opinion

Des affrontements ont fait deux morts le 11 février 2019 à Tambacounda (sud-est) entre partisans de Macky Sall, qui brigue un 2e mandat le 24 février, et d’Issa Sall (opposition), rappelle Amnesty. De nombreuses autres personnes ont été blessées, dont des journalistes, ajoute l'organisation selon qui une enquête est en cours sur le groupe pro-démocratie Y’en a marre.

Article rédigé par Laurent Ribadeau Dumas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le président sénéglais sortant, Macky Sall, qui brigue un second mandat lors de l'élection du 24 février 2019, avance au milieu de ses partisans avant un meeting place de l'Obélisque à Dakar le 21 février. (SEYLLOU / AFP)

"Les autorités sénégalaises doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour que l’élection présidentielle se tienne dans un climat libre de toute violence et respecte la liberté qu’ont toutes les personnes d’exprimer leurs opinions", a déclaré Amnesty International (AI) dans un communiqué diffusé le 21 février.

Le Sénégal, qui a connu deux alternances, en 2000 et en 2012, et aucun coup d'Etat, fait figure de modèle démocratique en Afrique, mais les campagnes électorales y sont souvent émaillées d'accusations de corruption, de désinformation et de violences, observe de son côté l’AFP. L’agence signale ainsi que certaines caravanes de candidats ont parfois été accueillies par des jets de pierres lorsqu'elles sillonnaient le pays, au cours des trois dernières semaines.

Des journalistes blessés…

Au cours des affrontements de Tambacounda, outre les deux personnes tuées, "de nombreuses autres (…), parmi lesquelles des journalistes, ont été blessées", rapporte Amnesty sans citer de chiffres. Au moins trois d’entre eux auraient ainsi été victimes de blessures.

"L’espace civique s’est amenuisé au cours des derniers mois, avec une intensification des pressions exercées sur les organisations non gouvernementales (ONG) et les militants en faveur de la démocratie", estime par ailleurs AI.

…et des ONG convoquées

"Quatre ONG internationales au moins ont été convoquées par la police dans le cadre d’une enquête portant sur les sources de financement de l’organisation de la société civile Y’en a marre qui défend la démocratie", rapporte Amnesty. Fondé en 2011 par des rappeurs et des journalistes. Y'en a marre incite notamment les jeunes à s’inscrire sur les listes électorales. Le mouvement, qui avait contribué en 2012 à la défaite de l'ancien président Wade, s’est ainsi élevé contre l’appel de ce dernier à boycotter le scrutin. "Dans tous les pays, s'il y a un boycott, c'est le parti au pouvoir qui en bénéficie", déclarait début février le coordonnateur de Y'en a marre, Fadel Barro, appelant les Sénégalais à se rendre "massivement" aux urnes.

Jeunes partisans d'Ousmane Sonko, l'un des candidats de l'opposition à la présidentielle sénégalaise, en campagne à Dakar le 20 février 2019.  (CARMEN ABD ALI / AFP)

Les représentants des ONG "ont été interrogés pendant plusieurs heures sans qu’ils puissent avoir accès à un avocat", selon Amnesty. "L’une de ces ONG internationales a été privée de son autorisation de mener des activités dans le pays au motif qu’elle a participé à des opérations de financement irrégulières d’une association (Y’en a marre, NDLR) qui n'est pas reconnue d'utilité publique. Elle a dû mettre fin à toutes ses activités au Sénégal. L’agrément des autres ONG est en cours d’examen".

Les pouvoirs publics mènent une enquête sur Y'en a marre. En novembre 2018, le ministère de l’Intérieur avait "relevé des manquements aux règlementations en vigueur" . Pour le ministère, le mouvement n’étant pas reconnu d’utilité publique, il n’a pas le droit de recevoir des legs, dons ou subventions d’organisations étrangères. "Le fait que l’enquête (...) a été ouverte quelques mois seulement avant les élections, alors que l’association existe depuis plusieurs années, montre clairement que l’objectif est d’intimider les organisations de la société civile à l’approche" du scrutin, analyse François Patuel, chargé de recherche sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International, cité par le communiqué.

Privés de débat

Les Sénégalais, avides de discussions politiques, ont été privés du débat entre les cinq prétendants, débat que réclamait une pétition lancée sur Twitter, observe l’AFP. Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel a en effet refusé de donner son accord à la tenue d’un tel débat. Dans ce contexte, le président sortant Macky Sall aurait été confronté à "un tir groupé" des autres candidats sur son action au pouvoir…

Seuls deux d'entre eux, Ousmane Sonko et Madické Niang, ont répondu le 21 février à l'invitation de Y'en a marre, qui leur proposait de rencontrer un panel de citoyens. "Je me contente d'écouter ceux qui sont venus", a expliqué Abdoulaye Niang, un orfèvre de 35 ans présent dans l'assistance et cité par l'AFP. "Je voulais une confrontation verbale entre les quatre candidats, plus dense et contradictoire, pas un face-à-face froid", regrettait en revanche Ismaël Diatta, un jeune rappeur.

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