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Sénégal : Abdoulaye Wade menace de saboter la présidentielle du 24 février. "C'est du vent", affirme un analyste

L’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade l’a martelé à plusieurs reprises. Il veut empêcher la tenue de la présidentielle du 24 février 2019 qu’il juge déjà verrouillée. Ses appels au boycott ont-ils reçu un écho dans le pays? Le journaliste et politologue sénégalais Serigne Saliou Samb s’est confié à franceinfo Afrique.

Article rédigé par Martin Mateso
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
L'ancien président sénégalais Abdoulaye Wade à Dakar le 10 juillet 2017. Agé aujourd'hui de 92 ans, il a dirigé son pays de 2000 à 2012. 
 (SEYLLOU / AFP)

Il a tenu à se rendre sur le terrain pour convaincre ses compatriotes du bien-fondé de sa démarche. Arrivé dans la capitale sénégalaise le 6 février en provenance de Paris après deux ans d’absence, il a aussitôt réitéré son appel.

"Je voudrais que les quatre candidats face à Macky Sall sachent qu’il est déjà proclamé vainqueur. Il a déjà son pourcentage, 55% ou 65%. Le sachant, ne vous ridiculisez pas en participant à cette élection", a-t-il lancé dans un discours devant ses militants cité par l’AFP. C’est la deuxième fois en moins d’une semaine que l’ancien président sénégalais Abdoulaye Wade s’en prend à son successeur qu’il accuse d’avoir instauré au Sénégal "un régime d’une gloutonnerie financière sans précédent et d’avoir mis la magistrature à son service".

"Il veut marquer les esprits, en semant la zizanie"

L’ancien dirigeant, âgé aujourd’hui de 92 ans, a été très contrarié par l’élimination de la course de son propre fils, Karim Wade, frappé par des condamnations judiciaires. Pour la première fois, le Parti démocratique sénégalais, dont il est le fondateur, est absent d'une élection présidentielle sénégalaise.

"Les appels de Wade à boycotter ou à saboter les élections s’inscrivent dans une logique de communication. Il veut marquer les esprits en semant la zizanie et la confusion. Il veut étaler sa capacité de nuisance, mais il n’a aucun moyen d’empêcher la tenue de cette élection. D’ailleurs, l’ensemble des leaders de l’opposition ont rejeté ses appels", fait remarquer Serigne Saliou Samb.

En visant une réélection au premier tour, Macky Sall a créé "de graves dangers de déstabilisation du Sénégal dans la violence", accuse Abdoulaye Wade dont les propos sont rapportés par l'AFP. Il cite les exemples de la Côte d’Ivoire, du Burundi et de la RDC, où des affrontements électoraux ont fait des milliers de morts. Et il suggère au président sortant de revoir les règles du jeu en instaurant "une commission nationale de transition démocratique", quitte à reporter le scrutin pour discuter avec l’opposition.  

"Abdoulaye Wade joue sur la peur. Il n’y a aucun risque que le Sénégal s’embrase. Il n’y a pas de rébellion. Il n’y a pas de guerre civile. On est loin de la situation qui a prévalu en Côte d'Ivoire ou en Centrafrique. Le Sénégal est un pays où les religions, les ethnies, les confréries cohabitent depuis longtemps. Ce ne sont pas les hommes politiques qui vont changer la donne", tempère Serigne Saliou Samb auprès de franceinfo Afrique.

L'ancien président Abdoulaye Wade mène une guerre psychologique vouée à l'échec. Les Sénégalais ne sont pas près de le suivre.

Serigne Saliou Samb

Journaliste et politologue sénégalais

Pour l’instant, la démarche d’Abdoulaye Wade est restée sans écho, y compris auprès de la société civile sénégalaise. Le mouvement citoyen Y’en a marre estime que le doyen de la politique sénégalaise fait fausse route. "S’il y a un boycott, c’est le parti au pouvoir qui en bénéficie. Si le président Abdoulaye Wade est dans une posture de combattre Macky Sall, la meilleure manière, c’est de ne pas boycotter", a déclaré le coordinateur du mouvement, Fadel Barro, au cours d’une conférence de presse à Dakar. Quiconque demande aux Sénégalais de ne pas voter est un allié de Macky Sall, estime le mouvement Y’en a marre.

Un boulevard pour le président sortant Macky Sall

Le président Macky Sall s’est gardé de répondre aux accusations de son prédécesseur. Il a multiplié les meetings dans le pays pour défendre le bilan de son mandat. Le politologue Serigne Saliou Samb reconnaît qu’en l’absence des principaux candidats des partis historiques de l’opposition qui ont été recalés, le candidat du parti au pouvoir pourrait bénéficier de "la prime au sortant". Pour lui, la tenue d’un deuxième tour du scrutin serait une véritable surprise.  

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