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Sahel : les armées de la région multiplient les opérations communes dans la lutte contre le terrorisme

Une centaine de terroristes ont été tués dans une opération coordonnée des forces armées du Burkina Faso et du Niger.

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Cimetière de Ouagadougou, le 23 novembre 2021 : colère de la population burkinabè lors des funérailles de 53 gendarmes tués par des jihadistes dans l'attaque du camp d'Inata, le 14 novembre 2021.  (OLYMPIA DE MAISMONT / AFP)

Au Sahel, les opérations conjointes des pays de la région montrent leur efficacité. Les forces armées burkinabè et nigériennes affirment avoir "neutralisé une centaine de terroristes" et "appréhendé une vingtaine de suspects" au cours d'une intervention commune effectuée du 25 novembre au 9 décembre dans l'est du Burkina Faso, à la frontière avec le Niger. 

Une action militaire coordonnée

Quatre militaires burkinabè ont été tués et treize soldats des deux pays blessés lors de cette opération, expliquent les deux états-majors dans un communiqué. Pour cette action coordonnée, dont le poste de commandement et de coordination se trouvait à Tillabéri, à l'ouest du Niger, "les forces armées nationales du Burkina Faso et du Niger ont chacune déployé plusieurs unités terrestres", poursuit le communiqué. "Des aéronefs de surveillance et de combat ont également été mobilisés des deux côtés pour venir en appui aux unités engagées."

L'opération a permis de démanteler "deux bases terroristes" dans la zone de Yeritagui (est du Burkina) et de Kokoloukou (ouest du Niger), selon les deux armées qui ont annoncé avoir saisi des armes, des munitions et des engins explosifs improvisés.

Le Burkina avait besoin de ce succès militaire, car l'insécurité croissante suscite l'exaspération de la population qui a poussé le président Roch Marc Christian Kaboré à limoger son gouvernement le 8 décembre. Un gouvernement qui n'a pas résisté à la montée de la colère dans le pays depuis plusieurs semaines, la population dénonçant "l'incapacité" du pouvoir à contrer la violence jihadiste.

Des gouvernements fragilisés

Le ras-le-bol des Burkinabè a été exacerbé par l'attaque particulièrement meurtrière d'Inata (nord), le 14 novembre 2021, où au moins 57 personnes, dont 53 gendarmes, ont été tuées par des jihadistes armés.

Après avoir envisagé des stratégies nationales, les pays de la région ont compris qu'ils devaient unir leurs forces et se coordonner pour lutter contre le terrorisme. Le Burkina Faso a ainsi participé du 21 au 27 novembre à une autre opération commune avec cette fois-ci la Côte d'Ivoire, le Togo et le Ghana, avec lesquels il partage aussi sa frontière Sud. Celle-ci a permis d'arrêter 304 individus suspects et de saisir des armes et des explosifs. 

Une coopération sécuritaire qui s'accélère, confirme un expert : "La Côte d'Ivoire et le Burkina Faso ont mené plusieurs opérations militaires conjointes ces derniers mois, et la Côte d'Ivoire vient d'acheter deux avions pour renforcer sa capacité", a précisé M. de Rohan Chabot lors du Forum international sur la paix et la sécurité en Afrique qui vient de se tenir à Dakar.

Ces actions communes et coordonnées semblent plus efficaces, d'autant que les jihadistes se jouent des frontières et que toute l'Afrique de l'Ouest est maintenant concernée. "Au début de la crise sahélienne, vers 2014, les pays côtiers se considéraient en dehors de la zone où le jihadisme pouvait se propager", affirmait lors du forum de Dakar sur la paix et la sécurité Bakary Sambe, directeur régional du Timbuktu Institute. Pour ces groupes, un des intérêts à se propager ainsi vers la côte est d'avoir un accès maritime.

Cette extension "répond aussi à l'impératif d'avoir des couloirs logistiques, pour s'approvisionner en biens, se ravitailler", explique Alain Antil chercheur à l'IFRI. Et est, pour M. Sambe, "une opportunité pour mieux se connecter aux autres formes d'économie criminelle".

"Prévenir, c'est s'attaquer aux causes"

Chacun des pays de la région sait maintenant qu’il n’y arrivera pas seul face à des forces jihadistes trop longtemps sous-estimées. Seule une véritable coordination militaire semble en mesure de contenir les violences de ces groupes dans la région. Pour autant, Bakary Sambe estime que l'action militaire ne suffira pas et que ces pays "ont raté le coche de la prévention".

"Dans le Sahel, on s'est concentré sur la lutte contre le terrorisme par des moyens militaires pour éliminer des cibles en oubliant qu'elles peuvent se régénérer, alors que prévenir, c'est s'attaquer aux causes structurelles" en apportant des réponses économiques, sociales, judiciaires aux problèmes de certaines parties de la population.

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