Cet article date de plus de deux ans.

RDC : "Patrice Lumumba va pouvoir reposer chez lui", souligne son petit-neveu Jean-Jacques Lumumba

Les autorités belges ont rendu une dent de Patrice Lumumba à sa famille et aux autorités congolaises ce 20 juin 2022. Le lanceur d'alerte Jean-Jacques Lumbumba a assisté à la cérémonie de restitution des restes de son grand-oncle. Entretien. 

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 3 min
Les descendants de Patrice Lumumba, le père de l'indépendance de la République démocratique du Congo, recouvrent le cercueil contenant les restes de sa dépouille le 20 juin 2022. Lors d'une cérémonie, les autorités belges ont restitué une dent à la famille Lumumba au Palais d'Egmont, à Bruxelles, en Belgique.  (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

La dent de Patrice Lumumba, restituée à sa famille par la Belgique lors d'une cérémonie officielle, quittera dans la soirée du 21 juin Bruxelles pour Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC). Les restes de la dépouille de Patrice Lumumba, le premier Premier ministre congolais assassiné en janvier 1961, feront le tour du pays avant d'être inhumés le 30 juin 2022. Son petit-neveu Jean-Pierre Lumumba, militant anti-corruption en exil en France, est revenu sur le symbole de cette restitution après la cérémonie. 

franceinfo Afrique : comment s'est déroulée cette cérémonie intime à laquelle vous avez assisté avec les membres de votre famille présents au Palais d'Egmont ce 20 juin 2022 ?

Jean-Pierre Lumumba : Cette cérémonie s’est déroulée dans une atmosphère chargée d’émotion. J’ai vu des larmes dans les yeux de toute ma famille. Cela renvoie à des années de problèmes, d’exil et de grandes difficultés.

Que retenir de cette cérémonie, de ce jour où vous ont été rendus les restes de la dépouille de Patrice Lumumba ?

C'est le début d’une grande révolution pour apporter la justice à toutes les victimes de la liberté et de la démocratie dans notre pays. Le sort de Patrice Lumumba illustre l’omerta autour de beaucoup de crimes commis dans notre pays. Aujourd’hui, il y a lieu de se servir de ces moments pour pouvoir travailler à construire un Etat juste, équitable et sécurisé qui apportera la paix et la prospérité aux Congolais. 

Le roi des Belges n'a pas présenté des excuses au peuple congolais lors de son récent déplacement en RDC. Mais le Premier ministre belge Alexander De Croo l'a clairement fait au cours de cette restitution officielle. Quelle importance revêtent ces excuses ? 

Cela n’efface pas tout le processus de justice mais c’est tout à fait normal aujourd’hui, par rapport à ce devoir de mémoire, qu’on puisse parler très clairement des excuses. Le Congo mérite justice pour pouvoir élaguer tout ce cycle d’impunité que nous vivons depuis plusieurs années. Des personnes ont perdu la vie avant les indépendances et des gens continuent à mourir encore aujourd’hui. Patrice Lumumba, l’une des figures marquantes des victimes du Congo et l’expression du cycle de l’impunité, va pouvoir reposer chez lui. Je crois que c’est un signal pour que la justice s’installe parce qu’il n’y aura pas de concorde entre les peuples s’il n’y a pas de justice. Patrice Lumumba a perdu la vie dans des circonstances tragiques parce qu’il s’est battu pour la justice sociale et pour défendre les libertés.

Vous faites un lien direct entre ce passé colonial et cette impunité qui perdure en RDC ?

Le Congo a démarré son existence par un cycle d’impunité. Il faut très vite remédier à cette situation et cela ne passera que par la justice, dans toutes ses formes. Le Congo en a besoin et c’est par la justice qu’une nation s'élève. 

Vous récupérez après des décennies de bataille les restes de votre grand-oncle et l'on constate que tout ce pour quoi il s'est battu ne semble pas avoir permis de changer les choses en RDC en proie à la violence et à la corruption. Vous ne vous dites pas que son sacrifice, la souffrance de votre famille ont été vains ?

Nous ne le regrettons pas. Moi qui vous parle, je continue avec plusieurs autres amis à faire partie d’une génération qui croit que la liberté s’arrache par la lutte. Toutes les grandes nations, et surtout le Congo qui a vocation à l’être, se sont ainsi construites. Ce sont des étapes par lesquelles il faut accepter de passer. Nous savons que ce sont les générations après nous qui arriveront à bénéficier de ce que notre génération et les générations précédentes ont fait comme sacrifices. Et il faut continuer à inculquer ce sens du sacrifice. Nous sommes un pays béni mais il faut que nous fassions aussi un travail de notre côté. Pendant des années, cette théâtralisation de la vie politique, cette irresponsabilité nous ont aussi caractérisés et les autres ont profité de nos erreurs. Mais si nous travaillons à les corriger, aucune nation ne se sera plus en mesure de faire du tort au Congo.

Vous, les Lumumba, êtes conscients de cet héritage. Peut-on en dire autant des responsables politiques congolais ?

Ce n’est pas à nous d’en juger mais le constat est là. Les résultats que nous voyons en ce qui concerne la gestion de ce pays ne laissent aucun doute sur les lacunes des autorités politiques. C’est malheureux pour le Congo que ses responsables politiques n’aient pas conscience de notre vocation à être un grand pays et une grande nation.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.