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Assassinat de Patrice Lumumba : la justice belge veut obtenir les documents secrets de l'enquête parlementaire

Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre de l'actuelle République démocratique du Congo (RDC) après l'indépendance de l'ex-Congo belge en 1960, a été assassiné par des séparatistes katangais aidés de mercenaires belges le 17 janvier 1961. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Patrice Lumumba (D), alors Premier ministre du Congo-Kinshasa, et Joseph Okito (G), vice-président du Sénat, lors de leur arrestation à Léopoldville (aujourd'hui Kinshasa), en décembre 1960.  (STRINGER / AFP)

La justice belge a fait mettre sous scellés au Parlement fédéral 200 cartons de documents issus de la commission d'enquête parlementaire sur l'assassinat du leader congolais Patrice Lumumba, auxquels elle souhaite avoir accès, a indiqué le 20 janvier le parquet fédéral. Il s'agit des comptes rendus d'auditions menées à huis clos par les députés belges il y a plus de vingt ans, dans le cadre de cette commission. Ce sont des documents que le Parlement n'a jamais voulu rendre publics. Selon le quotidien Le Soir (lien payant), ils portent sur "88 heures de réunions à huis clos". Cette mise sous scellés "s'est faite en bonne entente entre la justice et le Parlement", a assuré à l'AFP Eric Van Duyse, porte-parole du parquet fédéral. Elle vise à permettre le versement de ces documents au dossier judiciaire, ce qui devra encore être validé par une décision de la juridiction d'instruction de la cour d'appel de Bruxelles, a précisé le porte-parole.

Dissous dans l'acide

Patrice Lumumba, éphémère Premier ministre de l'actuelle République démocratique du Congo (RDC) après l'indépendance de l'ex-Congo belge en 1960, a été assassiné par des séparatistes katangais aidés de mercenaires belges le 17 janvier 1961 dans le sud-est de son pays. Il avait 35 ans. Son corps, dissous dans l'acide, n'a jamais été retrouvé. Il a été éliminé avec le soutien présumé de hauts responsables de l'Etat belge et son assassinat a fait l'objet d'une enquête parlementaire en Belgique en 2000-2001, puis d'une enquête judiciaire après la plainte déposée à Bruxelles en 2011 par le fils aîné de Patrice Lumumba. A l'indépendance de son pays, ce dirigeant nationaliste était perçu comme prosoviétique, représentant une menace pour les intérêts belges, particulièrement au Katanga, province riche en cuivre. Jusqu'à être qualifié de "diable", d'homme à "éliminer", selon des télex échangés fin 1960 entre Bruxelles et l'ex-colonie.

"Crime de guerre"

La plainte de la famille, qui a donné lieu à l'enquête pour "crime de guerre", accuse "diverses administrations de l'Etat belge" d'avoir "participé à un vaste complot en vue de l'élimination politique et physique de Patrice Lumumba". Sans se prononcer sur une éventuelle date de procès en Belgique, le parquet fédéral assure que "l'enquête se poursuit par tous les moyens permettant de mieux comprendre ce qui s'est passé". Aujourd'hui, seules deux des dix personnes initialement ciblées par la plainte sont encore en vie. Il s'agit de l'ancien diplomate Etienne Davignon, 89 ans, et de l'ex-haut fonctionnaire Jacques Brassinne de la Buissière, 92 ans, selon des sources proches du dossier.

Restitution d'une dent

Les autorités de la République démocratique du Congo (RDC) ont reporté à juin 2022 la cérémonie de restitution par la Belgique d'une "relique" du premier Premier ministre du pays, Patrice Emery Lumumba. Initialement, la Belgique devait officiellement remettre le 21 juin 2021 au président de RDC Félix Tshisekedi une dent qu'un commissaire de police belge affirme avoir prélevé sur le corps de Lumumba lorsqu'il a contribué à le faire disparaître. En 2000, le commissaire de police belge Gérard Soete avait raconté à l'AFP avoir découpé et dissous dans de l'acide les corps de Lumumba et de deux de ses fidèles, Joseph Okito et Maurice Mpolo, assassinés en même temps que lui. Dans un documentaire diffusé sur la chaîne allemande ARD la même année, le commissaire belge avait affirmé avoir conservé des dents de Lumumba, et les avaient montrées. 

En 2001, la commission d'enquête parlementaire, dont la majorité des auditions ont été menées à huis clos, avait conclu à la "responsabilité morale" de la Belgique dans l'assassinat. L'année suivante le gouvernement belge avait présenté les "excuses" du pays.

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