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Pourquoi les municipales en Afrique du Sud sont un nouveau coup de semonce pour l'ANC

Le parti du président sud-africain Cyril Ramaphosa essuie un important – mais prévisible  revers politique avant la présidentielle de 2024. 

Article rédigé par franceinfo Afrique avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Réunion après l'annonce des résultats officiels des élections locales sud-africaines à Tshwane, en Afrique du Sud, le 4 novembre 2021.  (SHIRAAZ MOHAMED / ANADOLU AGENCY)

Le chômage, la corruption et les crises à répétition ont fini par avoir raison de la mainmise que le Congrès national africain (ANC) a sur la vie politique sud-africaine depuis la fin de l'apartheid et l'avènement de la démocratie en 1994. Le parti au pouvoir en Afrique du Sud a ainsi enregistré un revers historique en passant pour la première fois sous la barre des 50% à un scrutin local lors des élections du 1er novembre 2021

Le parti historique de Nelson Mandela a recueilli 46,04% des voix aux municipales, a annoncé la commission électorale le 4 novembre 2021, le plus mauvais score pour une formation qui a remporté tous les votes à la majorité absolue depuis les premières élections démocratiques de 1994. Sur 213 conseils locaux, le parti au pouvoir est arrivé en tête dans 161 d'entre eux.

Pour l'Alliance démocratique (DA), principal parti d'opposition, ce scrutin "a changé la donne" même s'il a lui aussi perdu des points par rapport à 2016, en récoltant  21,83% des suffrages contre 26,9%. Les radicaux des Combattants pour la liberté (EFF), qui s'imposent comme la troisième force politique de ces élections, ont stagné aux alentours de 10%.

La loyauté a fait place à l'écœurement 

"Une barrière psychologique" signant la fin de l'ère de domination absolue de l'ANC est désormais franchie, a indiqué le politologue William Gumede à l'AFP. Pendant 27 ans, le mouvement centenaire fondé en 1912 a pu compter sur des voix données à chaque scrutin par loyauté au mouvement de libération. Mais ces dernières années, il fait face à la désillusion d'une population confrontée à un chômage record (34,4%) et écœurée par les multiples scandales de corruption impliquant des hauts responsables du parti, dont l'ex-président Jacob Zuma (2009-2018). Pour la jeune génération d'électeurs, qui a grandi avec l'étalage du linge sale du parti, l'ANC est même devenue synonyme d'incurie. 

Des années de mauvaise gestion ont laissé des services publics à l'abandon dans un pays où le quotidien est miné par les coupures d'électricité et d'eau. En juillet, le pays a connu une vague d'émeutes et de pillages à Johannesburg et dans la province du Kwazulu-Natal (est), fief de l'ANC, qui ont fait plus de 350 morts. Au départ déclenchées par l'incarcération de l'ancien président Jacob Zuma, condamné pour outrage à la justice, les violences ont également été le signe d'un climat social et économique tendu. Néanmoins, le scrutin s'est déroulé sans incident majeur mais la participation a été faible : seuls 47% des 26,2 millions d'inscrits se sont déplacés, soit 12,3 millions de personnes.  

Un parti devenu impopulaire même dans son fief

Au niveau national, l'ANC a perdu la majorité dans un nombre encore plus grand de régions, notamment dans la région métropolitaine d'eThekwini, dans la province du KwaZulu-Natal, fief de l'ancien chef de l'Etat Jacob Zuma. Globalement, dans cette province qui lui est acquise, l'ANC a perdu le contrôle en ne récoltant que 41,4% des voix. L'érosion dans le KwaZulu-Natal se confirme depuis des années. Sans majorité, l'ANC qui avait rassemblé 54% des voix aux précédentes élections locales en 2016, devra se résoudre à faire des coalitions avec une opposition qui reste fracturée. A commencer par l'eThekwini, seule région métropolitaine du KwaZulu-Natal, souligne News24

Dans le jeu des alliances, un jeune parti à tendance plutôt libérale qui s'attaque sans complexe à l'immigration, ActionSA, pourrait devenir de plus en plus influent. Le mouvement créé il y a un an par un millionnaire noir, Herman Mashaba, a gagné du terrain dans les grandes villes comme Johannesburg, la riche capitale de la province du Gauteng. Tout comme l'Alliance patriotique (AP) s'est révélée être un faiseur de roi pour la plupart des partis politiques, en s'assurant 50 sièges au niveau national. Selon la SABC, la chaîne publique sud-africaine, le leader de l'AP, Gayton Mackenzie, a déclaré que les partis politiques les ont approchés et qu'ils ont répondu qu'ils devaient faire des compromis sur leurs politiques en tant que parti. Faire des coalitions est devenu un exercice incontournable dans la vie politique sud-africaine mais qui ne semble pas encore totalement maîtrisé. Celle formée à la suite des municipales de 2016 à Johannesburg entre l'Alliance démocratique et les Combattants pour la liberté avait fini par voler en éclats en 2019, au profit de l'ANC. 

Des dirigeants pragmatiques mais impuissants

Si devant la presse le chargé des élections à l'ANC et ministre des Transports, Fikile Mbalula, a martelé "nous ne sommes pas politiquement finis", les responsables du parti ont depuis longtemps compris qu'il fallait opérer une mue plus convaincante que les promesses de changement dont ils abreuvent les Sud-Africains depuis quelques années. "En 2011, il y a eu un coup de semonce, en 2016 aussi et maintenant en 2021. Les gens se sont exprimés en ne se rendant pas aux urnes et en ne votant pas pour nous là où nous avions une position forte. Je pense donc que l'ANC est sur le point de devoir faire beaucoup mieux que ce qu'il a fait. Cela signifie que les gens ont le sentiment qu'ils n'en font pas assez. Nous avons besoin d'un programme radical de prestation de services", a affirmé  Sibongile Besani, chef de la présidence de l'ANC, rapporte la SABC. 

Le président Cyril Ramaphosa, aussi patron de l'ANC, a déclaré dans un discours prononcé immédiatement après la publication des résultats que ce scrutin marque "une nouvelle étape dans l'histoire de (la) démocratie (sud-africaine)". "Nous devons renforcer la confiance entre citoyens et élus", a-t-il reconnu. Pendant la campagne pour ce scrutin test avant la présidentielle de 2024, le chef d'Etat a lui-même fait du porte-à-porte pour grappiller des voix et a présenté des excuses pour les "erreurs" passées. Il n'aura pas beaucoup convaincu comme en témoigne la débâcle de son parti.

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