En Afrique du Sud, les habitants vivent au rythme des coupures d'électricité
En raison d'un réseau vieillissant et insuffisant, l'Afrique du Sud doit délester sa fourniture électrique plus de 40 fois chaque année.
L'hiver est à peine là dans l'hémisphère Sud que déjà Eskom, la compagnie d'électricité nationale sud-africaine, est contrainte de procéder à des délestages. "Nous connaissons actuellement des pics nocturnes élevés, ce qui est typique de la période de demande hivernale. En cas de détérioration supplémentaire de la capacité de production, un délestage peut être nécessaire, très probablement entre 17h et 22h pendant la période hivernale", explique Eskom sur son site.
Et très vite, si le délestage du matin a été levé, celui du soir a été mis en œuvre de 17h à 22h. "Nous exhortons le public à nous aider en réduisant la consommation, pendant que les équipes d'Eskom travaillent 24 heures sur 24 pour remettre en service autant de ces unités que possible dans les plus brefs délais." Cinq heures sans électricité, au moment où la population en a le plus besoin, la tension monte !
Une situation invraisemblable pour le pays le plus développé d'Afrique. Sur Twitter, un habitant exprime sa colère : "Je suis de nouveau délesté ! La deuxième fois de la journée. 4 à 5 heures ce matin, et le métro à l'arrêt. Bienvenue en Afrique du Sud !"
Coupures à répétition
Depuis des années, l'Afrique du Sud est en proie à ces manques cruels d'énergie électrique. Eskom doit procéder à ces délestages 40 à 50 fois chaque année. Un problème récurrent dû à la fois à une production sous-dimensionnée et à un vieillissement des infrastructures. Ainsi, en 24 heures le dimanche 16 mai, dix groupes dans sept centrales électriques sont tombés en panne, faisant perdre 6000 MW de production.
Selon The Conversation, la disponibilité énergétique du parc d'Eskom n'est plus que de 65%. Ce qui signifie que le tiers des équipements est soit en maintenance ou soit en panne.
Dans son dernier discours à la Nation, le président Cyril Ramaphosa a bien annoncé un plan pour accroître les capacités du pays. Mais tout cela prend du temps. Au mieux, une partie des équipements ne sera pas opérationnelle avant 2023. C'est le cas de la nouvelle centrale de Kusile, à l'est de Johannesburg, dont on n'est qu'à mi-construction, avec cinq ans de retard.
Eskom au bord de la faillite
La situation est déjà en partie liée à l'état de la société nationale Eskom. Au bord de la faillite, elle est sans cesse remise à flot et ses capacités d'investissement sont très limitées. En début d'année 2021, sa dette s'élevait à 26 milliards d'euros. Eskom est un symbole de mauvaise gestion et de prévarication de l'époque de l'ancien président Jacob Zuma. Elle doit aussi faire face aux vols d'électricité et aux mauvais payeurs, y compris des municipalités qui lui doivent près de deux milliards d'euros.
Le pays a pris un grand retard sur les énergies renouvelables, les programmes auraient été freinés par des intérêts politiques liés notamment au charbon. Dans un article, le Mail & Gardian met en cause l'attitude de l'actuel ministre de l'Energie Gwede Mantashe qui, selon ses détracteurs, a toujours bloqué les offres d'énergie renouvelable.
Un plan B ?
"L’énergie renouvelable, qui est fournie par des producteurs d'électricité indépendants et vendue à Eskom, est politiquement controversée parce que les syndicats et de nombreux membres de l'ANC la considèrent comme un précurseur d'un marché de l'énergie privatisé". Gwede Mantashe, faut-il préciser, est issu du syndicalisme minier.
Le débat entre énergies renouvelables et fossiles contribue ainsi au blocage des investissements. La polémique sur l'installation de centrales électriques flottantes en est la dernière illustration. Face à l'urgence, beaucoup s'opposent à un choix coûteux et en contradiction avec les efforts de diminution des rejets de gaz à effet de serre.
Or, si le débat démocratique est sain, l'absence de décision contraint le pays à vivre avec la pénurie d'électricité.
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