Mort au Rwanda de Kizito Mihigo, chanteur opposant : Kigali s'irrite des critiques venues de la RDC voisine
Les autorités rwandaises ont dénoncé le 18 février 2020 des critiques venues de République démocratique du Congo (RDC), après la mort en prison, la veille à Kigali, de Kizito Mihigo, un artiste rwandais considéré comme dissident par le pouvoir.
Sa musique était interdite par le pouvoir rwandais. Ses chansons avaient apparemment le don de provoquer la colère du gouvernement du président Paul Kagame. Kizito Mihigo, qui avait survécu au génocide de 1994, a été arrêté le 14 février 2020 après avoir été soupçonné de vouloir quitter le pays. Mais quand sa mort en cellule à Kigali le 17 février 2020 a été présentée comme un suicide, nombreux sont ceux qui ont émis de sérieux doutes. Au sein de la population rwandaise, en particulier parmi ses fans, mais aussi au-delà des frontières.
En République démocratique du Congo (RDC), la disparition du chanteur chrétien âgé de 38 ans a réveillé la colère anti-rwandaise récurrente chez certains Congolais, qui accusent Kigali de vouloir "balkaniser" l'est de leur pays. Deux députés congolais, Patrick Muyaya et André Claudel Lubaya, ont ainsi violemment remis en cause la thèse du suicide, le second dénonçant "les mains ensanglantées du pouvoir réactionnaire de Kigali". La réation des homologues rwandais ne s'est pas fait attendre. "Sincèrement, que ces politiciens marginaux aient la décence de se taire et de s'occuper de leur pays. Le suicide malheureux d'un jeune Rwandais au Rwanda ne les concerne pas", a ainsi répondu sur Twitter le ministre rwandais en charge de l'Afrique de l'Est, Olivier Nduhungirehe.
De leur côté, les internautes congolais ont rendu hommage à Kizito Mihigo. Certains en partageant l'une de ses chansons engagées ou, comme l'association La Lucha, en dénonçant l'attitude dictatoriale du président Kagame, surnommé le "Hitler des Grands Lacs".
#RWANDA: La chanson qui a valu à #KizitoMihigo d’être assassiné...il y dénonçait indirectement le génocide des congolais par #Kagame et montrait sa compassion envers notre peuple. Cet homme est un héros, le peuple rwandais est aussi victime de ce sanguinaire. #RipKizito pic.twitter.com/wjOx0LQH7S
— Youyou Muntu Mosi (@MuntuMosi) February 17, 2020
Le sang de millions de Congolais & de centaines de milliers de Hutu rwandais versé n’ayant pas étanché sa soif, le Hitler des Grands-Lacs Paul Kagame élimine désormais un à un ses propres frères. Adieu #KizitoMihigo! L’écho de ton cri pour la justice et la paix résonne jusqu’ici! pic.twitter.com/a5lgleLSJR
— LUCHA (@luchaRDC) February 17, 2020
Rwanda-RDC : des tensions malgré un accord de paix
Dans son histoire récente, la RDC, plus grand pays d'Afrique sub-saharienne (2,3 millions de km²) a frôlé l'éclatement au cours des deux guerres du Congo de 1996 à 2003.
Entre 1998 et 2001, le Rwanda et ses alliés congolais du RCD (Rassemblement congolais pour la démocratie) ont ainsi contrôlé le Kivu (est), région considérée de tout temps comme la "poudrière" de l'Afrique centrale. Les armées régulières du Rwanda et de l'Ouganda se sont même livrées à une "guerre des six jours" pour le contrôle des richesses (diamant, or) à Kisangani dans le nord-est de la RDC, en juin 2000. Peu de temps après, des accords de paix ont été signés entre la RDC et le Rwanda.
Cependant, des rebelles, parfois soutenus par Kigali, continuent régulièrement de défier Kinshasa. Début 2020, l'archevêque de la capitale congolaise a même lancé un appel aux autorités de son pays pour qu'elles somment les dirigeants de trois pays voisins (Rwanda, Burundi, Ouganda) d'arrêter de pousser leurs ressortissants vers l'est de la RDC.
Amnesty International réclament une enquête indépendante sur la mort de l'artiste
Dans ce contexte, la mort du chanteur rwandais dissident a ravivé les tensions latentes entre Kinshasa et Kigali. Pour sa part, l'ONG de défense des droits de l'Homme Amnesty international a demandé dans un communiqué "une enquête indépendante, impartiale et approfondie afin de déterminer la cause" de la mort de Kizito Mihigo. "Cette affaire ne doit pas être étouffée" et l'enquête doit déterminer "si les pratiques et les conditions de détention ont causé la mort de Kizito Mihigo ou y ont contribué", selon Deprose Muchena, directeur régional d'Amnesty International pour l'Afrique de l'Est et australe.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.