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Mali : le coup d'Etat illustre l'amertume d'une armée humiliée par les terroristes

L’action des militaires haut-gradés, impuissants à contrer le terrorisme qui prend ses aises dans le pays, symbolise la frustration de l’armée malienne.

Article rédigé par Jacques Deveaux
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3min
Des soldats maliens en civil traversent la foule le 18 août 2020, à Bamako. (MALIK KONATE / AFP)

"Notre pays le Mali sombre de jour en jour dans le chaos, l'anarchie et l'insécurité par la faute des hommes chargés de sa destinée" a déclaré le porte-parole des putschistes.

Depuis des années, le quotidien des FAMa, les forces armées maliennes, est celui d'une longue descente aux enfers.
L'armée est régulièrement humiliée par les attaques sanglantes des terroristes. La plus spectaculaire, contre le camp d'Indelimane, le 1er novembre 2019, a fait une cinquantaine de morts dans ses rangs.

Pire, le soutien des forces étrangères que ce soit Barkhane ou la MINUSMA, ne semble rien changer à l'affaire. Dotation en matériel, formation plus poussée, l'armée malienne demeure impuissante.

Un faible effectif

Son effectif théorique est de 17 000 hommes, à comparer aux 5400 soldats de l'opération Barkhane. De plus, les désertions sont, selon les spécialistes de la région, monnaie courante. Mal payés, mal équipés, les soldats subissent les attaques meurtrières des Groupes armés terroristes (GAT). Et le moral des troupes est au plus bas.

Le porte-parole des putschistes, le colonel Ismaël Wagué est le chef d'Etat-major adjoint de l'armée de l'air. Une aviation qui est pourtant quasi inexistante. Une douzaine d'appareils dont peu sont opérationnels. Elle est incapable d'assurer l'appui des troupes au sol et ce sont les chasseurs de Barkhane qui doivent intervenir.

Une armée "reconstituée" avec les Touaregs

Une armée qui doit, ultime humiliation, s'associer aux ennemis d'hier, les Touaregs, pour s'installer dans le nord du pays. Ce redéploiement progressif de l'armée nationale dans les principales villes du nord du pays doit se faire sous la forme de bataillons mixtes. Une armée dite "reconstituée", composée à ratio égal des forces armées maliennes, des combattants de l'ex-rébellion et des groupes armés pro-gouvernement.

Contrainte de partager le territoire avec les Touaregs, l’armée rechigne à le faire. Un rapport de l'ONU rendu public récemment, accuse une partie de l'Etat-major malien d'avoir retardé la mise en place de ce processus de paix dans le nord du pays.

Aussi, est-ce un hasard si le coup d'Etat s'est déroulé au moment où se tenait à Bamako le conseil supérieur de la fonction militaire ? Son but est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et de travail des soldats. Des militaires de tous grades venus de toutes les zones militaires devaient participer à ces travaux, selon le site des FAMa.

"Les accords seront respectés"

"Ce n'est pas un coup d'Etat, c'est un coup de tête" explique un putschiste. Une formule certes, mais elle illustre l'état d'esprit des militaires. Ils veulent mettre à la tête du pays des hommes qui seront à leur écoute. Ces hommes seront sans doute issus de leurs rangs. La situation dans la rue, de plus en plus explosive, a renforcé leur décision. Renverser le pouvoir se ferait avec l’accord du peuple.

Pour le reste, rien ne change promet, le porte-parole des putschistes. "La Minusma, la force “Barkhane”, le G5 Sahel, la force Takuba demeurent nos partenaires", a-t-il également affirmé. "Tous les accords passés seront respectés", a-t-il déclaré. L'armée malienne n'a de toute façon pas les moyens de s'en dispenser.

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