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Algérie : libération de Karim Tabbou, Amira Bouraoui et deux autres figures du Hirak

A la veille du 58e anniversaire de l'indépendance, ces libérations peuvent apparaître comme un geste d'apaisement. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Amira Bouraoui à la sortie de prison de Koléa, le 2 juillet 2020.  (RYAD KRAMDI / AFP)

En quelques heures, Karim Tabbou, Amira Bouraoui, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche ont bénéficié d'une remise en liberté provisoire, après plusieurs mois de répression menée par le pouvoir pour tenter d'empêcher un retour du mouvement de contestation, Hirak (mouvement en arabe), suspendu en mars en raison de la pandémie de Covid-19. Karim Tabbou est sorti dans l'après-midi de la prison de Koléa, près de Tipaza (à 70 km à l'ouest d'Alger), en compagnie d'Amira Bouraoui et de Samir Larbi. 

"Offense à l'islam et au président"

Mère de deux enfants de 12 et 16 ans, Amira Bouraoui a étreint ses proches, tandis que ses deux compagnons s'enveloppaient dans des drapeaux algériens. Une petite foule de sympathisants a scandé des slogans pro-Hirak. Lors d'une audience devant la cour de Tipaza, Amira Bouraoui, opposante farouche au président déchu Abdelaziz Bouteflika, a bénéficié elle aussi d'une remise en liberté provisoire. Son procès en appel a été reporté au 24 septembre. Elle avait été condamnée le 21 juin à un an de prison ferme, notamment pour "offense à l'islam" et "offense" au président de la République.

Notre bonheur n'est pas complet, en sortant j'ai laissé des frères en prison

Samir Benlarbi, opposant

Khaled Drareni toujours en prison

Parmi les personnalités les plus connues du Hirak derrière les barreaux figure le journaliste Khaled Drareni, directeur du site d'information en ligne Casbah Tribune et correspondant de la chaîne de télévision française Tv5Monde. Sa demande de mise en liberté lui a été refusée. "La décision de libérer quelques détenus d'opinion, qu'elle soit politique ou judiciaire, n'est pas une charité de la part du pouvoir. C'est leur droit d'être libres", a commenté Me Badi devant la prison. "Si le pouvoir a une réelle volonté politique, il devrait arrêter ces arrestations politiques".

"Atteinte au moral de l'armée"

Emprisonné depuis le 26 septembre 2019, Karim Tabbou avait été condamné en appel le 24 mars à un an de prison ferme pour "atteinte à l'intégrité du territoire national". L'opposant est également poursuivi pour "atteinte au moral de l'armée" dans le cadre d'une autre affaire, dont le procès a été reporté au 14 septembre. 

Karim Tabbou à sa sortie de la prison de Koléa, le 2 juillet 2020. (RYAD KRAMDI / AFP)

Karim Tabbou est l'un des visages et l'une des voix les plus populaires du Hirak. Chef d'un petit parti d'opposition non enregistré, l'Union démocratique et sociale (UDS), son portrait était régulièrement brandi lors des manifestations hebdomadaires suspendues depuis mars en raison de la pandémie de Covid-19.

"Libérer la justice"

Plusieurs ONG, dont Amnesty International, se sont félicitées de cette libération, à quelques jours du 58e anniversaire de l'Indépendance, célébrée le 5 juillet. "Algérie, Karim Tabbou enfin libéré. Grand soulagement en attendant les autres", a tweeté Saïd Salhi, le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'Homme.

"Karim Tabbou relâché par ses ravisseurs. Il reste tous les autres. Il restera, ensuite, à libérer la justice", a tempéré Abdallah Benadouda, fondateur de Radio Corona Internationale, une station pro-Hirak basée aux Etats-Unis.

"Geste d'apaisement"

Amnesty a réclamé "la libération immédiate et sans condition de tous les détenus d'opinion en Algérie". Selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), près de 70 prisonniers d'opinion sont actuellement derrière les barreaux, la plupart pour des publications sur Facebook.

On est content pour Tabbou et sa famille (...). On attend la libération de tous les détenus, ça serait un bon geste d'apaisement

Mustapha Bouchachi, avocat

Un premier signe ? Le président algérien Abdelmadjid Tebboune avait gracié le 1er juillet six détenus, dont trois liés au Hirak. C'était la première fois que des militants du mouvement étaient graciés par le président depuis son élection en décembre 2019. Ces derniers mois, la justice avait multiplié les poursuites judiciaires et les condamnation de militants du Hirak, d'opposants politiques, de journalistes et de blogueurs.

Né en février 2019 d'un immense ras-le-bol des Algériens, le Hirak réclame un changement du "système" en place depuis l'indépendance en 1962. En vain jusqu'à présent, même si la contestation a obtenu en avril 2019 le départ d'Abdelaziz Bouteflika après 20 ans au pouvoir.

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