Maroc : pourquoi le bilan du séisme est si élevé et pourquoi il risque de s'alourdir

Le tremblement de terre d'une magnitude 7 sur l'échelle de Richter a fait plus de 2 800 morts. Mais de nombreuses victimes sont encore coincées sous les décombres.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des secouristes portent une victime décédée dans le séisme, à Imi N'Tala près d'Amizmiz, au centre du Maroc, le 10 septembre 2023. (FADEL SENNA / AFP)

C'est un paysage apocalyptique. Dans les villages de la province d'Al-Haouz, épicentre du séisme qui a secoué le Maroc vendredi 8 septembre, secouristes, volontaires et membres des forces armées s'activent pour retrouver des survivants et extraire des corps des décombres. Le tremblement de terre a fait 2 862 morts et 2 476 blessés, selon les chiffres publiés lundi par le ministère de l'Intérieur marocain. Un bilan susceptible de s'aggraver au fil des recherches. Franceinfo vous explique pourquoi ce séisme a été si dévastateur.

>> Suivez l'évolution de la situation sur place, avec la poursuite des opérations de secours et de recherche de survivants

Parce que c'est le séisme le plus puissant à avoir jamais été mesuré au Maroc

Le tremblement de terre était de magnitude 7, selon le Centre marocain pour la recherche scientifique et technique (6,8 selon le service sismologique américain). C'est le plus puissant à avoir jamais été mesuré au Maroc. Le séisme d'Agadir, qui avait fait entre 12 000 et 15 000 morts en février 1960, sur la côte ouest du pays, était de magnitude 5,8, selon le service sismologique américain

"Cette zone n'est pas habituée à subir des tremblements de terre si puissants", explique à franceinfo Florent Brenguier, sismologue à l'Institut des sciences de la Terre de l'université de Grenoble. Au Maroc, "la grande majorité des séismes se sont produits plutôt à 500 km au nord de cette zone, à l'interface entre les plaques africaine et européenne", précise-t-il. Il était donc impossible, pour les services géologiques marocains, de prévoir un séisme d'une telle magnitude dans cette zone, ajoute le spécialiste.   

L'épicentre a été repéré à 70 km au sud de Marrakech, dans la région montagneuse du Haut Atlas, une zone à risque de chevauchement de failles. "Si vous passez de 5,8 à 6,8 [de magnitude], l'énergie est multipliée par 30", souligne auprès de France Télévisions Yann Klinger, directeur de recherches à l'Institut de physique du globe à Paris. Moins le tremblement de terre est profond, plus il est ravageur. La profondeur de celui-ci a été mesurée à 10 à 20 km sous la terre, ce qui est relativement faible. 

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Parce qu'il est survenu à une heure où les gens étaient chez eux

Le tremblement de terre est survenu peu après 23 heures, et la plupart des habitants étaient chez eux, couchés ou sur le point de le faire. "Les gens étaient à l'intérieur des maisons, ce qui explique le bilan très lourd", a relevé Eric Zipper, président de l'ONG Corps mondial de secours, auprès de franceinfo.

Dans le village d'Azro, à 40 km au sud de Marrakech, le bourg a été détruit mais le bilan humain est moins lourd que dans d'autres localités. Selon une habitante, Sarah, 19 ans, cela tient au fait que la plupart des résidents étaient encore éveillés : "C'est comme une famille ici. Au moment du séisme, nous étions nombreux à ne pas être encore endormis et toujours dehors, ensemble", se remémore-t-elle pour franceinfo.

Parce que dans les zones touchées, les infrastructures étaient fragiles

A Azro, comme dans la plupart des villages touchés par le séisme, les constructions n'ont pas résisté aux puissantes secousses. "Les gens sont pauvres ici. Ils ont construit des maisons avec des pierres et de la terre", explique Mustapha, un habitant d'Azro. "L'épicentre se trouve en montagne, à la limite de la montagne (…) où beaucoup de gens vivent dans des maisons relativement anciennes, avec des constructions en terre ou en pierre sèche", a fait valoir sur franceinfo Patrick Coulombel, cofondateur de la fondation Architectes de l'urgence. Les habitants se sont donc retrouvés pris au piège sous les décombres.

Même à Marrakech, le minaret de la mosquée Kharbouche, près de la place Jamaa El-Fna, n'a pas résisté. Les rues de la médina sont jonchées de gravats. Les constructions y sont fragiles, en maçonnerie non chaînée. "Rien ne les relie entre elles, ce sont des éléments séparés, comme des morceaux de sucre qu'on mettrait les uns sur les autres", illustre pour France Télévisions Boris Weliachew, architecte et ingénieur spécialiste des risques majeurs.

Depuis le début des années 2000, le Maroc impose pourtant des normes parasismiques. "Le problème, c'est que ces constructions, en particulier, sont construites dans des modes constructifs qui ne sont pas soumis à ces règlements (…) ou alors ce sont des maisons anciennes qui datent d'avant ces règlements", précise l'architecte.

Parce que l'aide tarde à être acheminée sur place

Pour plusieurs raisons, l'acheminement de l'aide pour venir au secours des sinistrés est compliqué, ce qui peut alourdir le bilan. Premièrement, les villages touchés sont difficilement accessibles. L'épicentre se trouve dans une zone rurale montagneuse. Or, "les routes sont endommagées et les ponts ont été détruits, ce qui rend les accès très difficiles pour les secours marocains, qui sont bien organisés et bien formés", note sur franceinfo le colonel Philippe Besson, président des Pompiers de l'urgence internationale. A ces conditions difficiles s'ajoute la menace d'une réplique d'ampleur, possible dans jours qui viennent.

Par ailleurs, le Maroc n'a pas lancé d'appel à l'aide internationale. Selon des ONG françaises interrogées par franceinfo, une telle demande serait reconnaître, pour le royaume de Mohammed VI, qu'il n'est pas capable de gérer cette catastrophe. Or, "les 24 à 48 heures [suivant le séisme sont] critiques pour sauver des vies" et il y aura des besoins pour "des mois, voire des années", a alerté la Croix-Rouge internationale.

De nombreux pays ont proposé du soutien. Lundi, le Maroc avait accepté l'assistance de quatre d'entre eux, l'Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Emirats arabes unis. La France s'est dite prête à "intervenir" "à la seconde" où les autorités marocaines le demanderont, a déclaré le président Emmanuel Macron. En attendant, Paris a annoncé une aide de 5 millions d'euros pour aider les ONG présentes sur place et appelle à ne pas créer de polémique. "Le Maroc n'a refusé aucune aide, aucune proposition. Ce n'est pas comme ça qu'il faut présenter les choses", a déclaré Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, lundi, sur BFMTV, martelant que "le Maroc est souverain". "Il est seul en mesure de déterminer quels sont ses besoins et le rythme auquel il souhaite que des réponses soient apportées", a-t-elle ajouté.

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