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Retrait militaire au Mali : "La politique française est mauvaise", s'agacent des habitants du Burkina Faso

Article rédigé par Claude Guibal, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un graffiti "A bas Macron !" sur un mur de l'université de Ouagadougou, où Emmanuel Macron était venu en novembre 2017 pour son premier déplacement en Afrique. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

La France annonce ce jeudi matin un "retrait coordonné" du Mali, tout en affirmant une  "volonté de rester engagée dans la région". Au Burkina Faso, la colère contre l'armée française est tout aussi pregnante, comme franceinfo l'a constaté.

Entre l'Afrique et la France, le divorce est-il consommé ? Jeudi 17 février, Emmanuel Macron a annoncé que la France et ses partenaires impliqués dans la lutte contre les groupes jihadistes au Sahel ont décidé de retirer leurs forces militaires du Mali, jugeant désormais impossible de coopérer avec la junte malienne, au terme de neuf ans de lutte antijihadiste menée par Paris. Mali, Burkina, Sénégal, Niger... la réputation de la France ces dernières années n'a cessé de se dégrader en Afrique francophone.

>> Fin de l'opération Barkhane : au Burkina Faso, le retrait des troupes françaises inquiète autant qu'il réjouit

Au début de son mandat, Emmanuel Macron avait pourtant promis, dans un discours à l’université de Ouagadougou, un nouveau partenariat entre la France et l’Afrique. Cinq ans après, le compte n'y est pas, selon les Burkinabés.

La "déception"

La preuve à l’entrée de l’université Joseph Ki-Zerbo, à Ouagadougou. Sur le mur devant nous, ce graffiti : "A bas Macron !"  "La France de nos jours en Afrique ne nous plaît pas du tout, assure un passant. 'A bas Macron', car on a été très déçus par la présence de la France, même en Afrique ! Nous ne sommes pas contre le peuple français. Non, c’est la politique française qui est mauvaise. Ils n’ont qu’à revoir leur copie !"

La colère contre la présence de la France s’est cristallisée sur la force Barkhane. 4 600 militaires français sont ainsi toujours mobilisés dans cette opération actuellement. 2 000 sont au Mali, dont la moitié à Gao, au centre du pays. Le démontage de la base militaire sur place devrait prendre entre huit mois et un an. Le dispositif Barkhane doit être transformé avec une réduction des effectifs, et leur redéploiement dans d'autres pays africains qui font face à une montée du jihadisme, comme le Bénin. Il devrait également mobiliser moins de fonds, alors que l'opération Barkhane coûtait jusqu'à présent environ un milliard d'euros par an.

Depuis le début de l'opération Barkhane en 2013, 58 soldats français sont morts au Mali, dont 53 dans des actions de combat, et plusieurs centaines ont été blessés.

Le ras-le-bol des jeunes Africains

"Quand on dit que la France est venue, elle aide, elle aide… Sur le terrain, quel est le résultat ? On ne voit pas les résultats réels !" assure Roland Bayala, membre de la Coalition des patriotes africains du Burkina Faso (Copa-BF). Sur les réseaux sociaux, on s’interroge. On peut ainsi lire des messages tels que : "Comment une des armées les plus puissantes du monde est-elle incapable de venir à bout de colonnes de jihadistes à moto ?" Certains soupçonnent même Barkhane d’armer les terroristes pour attiser les violences.

"Le petit Français, qui est chez lui et qui arrive à avoir la lumière 24 heures sur 24, il a la lumière grâce à l’exploitation de l’uranium. L'Afrique a énormément de ressources. Si la France ne combat pas les jihadistes, c'est qu'elle est là pour quelque chose", soupçonne Roland Bayala.

Roland Bayala du Collectif des patriotes du Burkina Faso (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Défense, coopération, franc CFA... Exaspérés d’entendre leurs dirigeants reporter sur les partenariats noués au lendemain des Indépendances tous les maux de la société, les jeunes Africains réclament une remise à zéro. "Ce n’est pas 'la France seulement', elle n'est pas unique. Aucun Etat n’impose quoi que ce soit à un autre, on en a marre maintenant", insiste Anaïs Drabo, une des figures qui secoue la société civile burkinabée.

"Nous voulons une réelle indépendance, on en a marre maintenant."

Anaïs Drabo

à franceinfo

Anaïs Drabo du collectif "Sauvons le Burkina" (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

Et alors que Barkhane est poussée à quitter le Mali, personne ne refuse par principe de recourir à la Russie et ses miliciens. "Pourvu que ce ne soit pas l'armée française !" entend-on sous les manguiers, le long de la retenue d’eau qui irrigue Ouagadougou. Abdallah, conducteur d’engins, s’agace: "Les États vont vers les Russes juste pour le plaisir de défier la France, la toute puissante France, l’inébranlable France… Juste pour le plaisir de de causer des insomnies à la France."

Pour Adama Taoré, un des étudiants de l’université, le constat est simple : "La marmite est vieille, la marmite qui cuisine entre la France et les pays africains est vieille. Ce qui est dedans est calciné. Il faut récurer ça, elle est sale !" Nettoyer les politiques, repartir sur de nouvelles bases, restaurer la confiance d’une population née à 95% après les Indépendances.

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