Guy Brice Parfait Kolélas, l'opposant qui rêvait encore d'alternance politique au Congo, emporté par le Covid-19
Le principal adversaire du président Denis Sassou Nguesso est mort juste après la présidentielle durant son évacuation sanitaire.
Le rêve d'alternance politique au Congo s'envole pour l'heure. Guy Brice Parfait Kolélas, principal rival du président Denis Sassou Nguesso à la présidentielle du 21 mars 2021 au Congo-Brazzaville, est mort du Covid-19, à 61 ans, pendant son évacuation sanitaire vers la France. Son décès est survenu quelques heures après la clôture du scrutin. "Il est décédé dans l'avion médicalisé qui était venu le chercher à Brazzaville dimanche 20 après-midi", a annoncé le 22 mars à l'AFP son directeur de campagne, Christian Cyr Rodrigue Mayanda. Guy Brice Parfait Kolélas avait été testé positif au Covid-19 dans l'après-midi du 19 mars et n'avait pu animer son dernier meeting de campagne à Brazzaville.
"Je ne me serai pas battu pour rien"
Avant le début du scrutin, il avait publié une vidéo dans laquelle il affirmait "se battre contre la mort". "Mes chers compatriotes, je me bats contre la mort, mais cependant, je vous demande de vous lever. Allez voter pour le changement. Je ne me serai pas battu pour rien. Battez-vous !", avait exhorté dans cette vidéo Guy Brice Parfait Kolélas, alité et affaibli, juste après avoir retiré un masque d'assistance respiratoire.
#Congo - #URGENT : Le Message de Guy Brice Parfait #Kolelas sur son lit d’hôpital avant son évaluation prévue à #Paris (France) pic.twitter.com/7iox6lyBKd
— ICIBRAZZA (@ICIBrazza) March 20, 2021
Opposant historique, le chef de l'Union des démocrates humanistes (UDH-Yuki), parti qu'il avait créé pour prendre part à la présidentielle de 2016, apparaissait cette année comme le seul vrai rival du président sortant Denis Sassou Nguesso, 77 ans, dont 36 au pouvoir.
Né à Brazzaville, Guy Brice Parfait Kolélas (Pako, pour les intimes) rêvait encore d'une alternance politique pour les 5,2 millions de Congolais. Pour y parvenir, "l'homme du changement" – l'un de ses slogans de campagne – comptait sur une "base électorale" constituée des membres de la communauté Lari habitant la région du Pool (Sud), où une rébellion avait éclaté après la réélection contestée de Sassou N'Guesso en 2016, et les quartiers Sud de Brazzaville.
Au nom du père
Economiste de formation et cadre à la retraite, Guy Brice Parfait Kolélas est arrivé en politique par devoir filial. "C'est en plein exil que mon père m'a demandé de poursuivre le combat politique. Il ne l'a dit qu'à moi, pas aux autres, alors que nous (étions) douze frères et sœurs", confiait-il lors d'un récent meeting.
Son père, Bernard Kolélas, est mort en 2009 après avoir lutté contre le colonialisme et tous les régimes qui ont dirigé le Congo après son indépendance en 1960. En 1997, il devient le Premier ministre de Pascal Lissouba qui, cinq ans plus tôt, a battu lors d'un scutin pluraliste inédit Denis Sassou Nguesso, à la tête du pays depuis 1979 grâce à un régime de parti unique.
C'est une guerre civile qui mettra fin à cette rare alternance pacifique en Afrique centrale. La milice de Bernard Kolélas prête main-forte à celle du chef de l'Etat Pascal Lissouba qui affronte alors dans la capitale Brazzaville les hommes de Denis Sassou Nguesso, soutenu notamment par l'Angola. Ce dernier finit par récupérer le pouvoir perdu aux urnes en 1992. Tout comme Pascal Lissouba, mort en exil à 88 ans en France en août 2020, Bernard Kolélas trouve refuge en 1997 au Mali avec sa famille, dont Guy Brice Parfait Kolélas, son quatrième fils.
Brève alliance politique avec le régime
Kolélas fils retourne au pays en 2005 après la mort de sa mère, dont le pouvoir congolais a autorisé l'inhumation à Brazzaville. En 2007, le Mouvement congolais pour la démocratie et le développement intégral (MCCDI), parti créé par Kolélas père en 1990, signe un accord de gouvernement avec le Parti congolais du travail (PCT) de Denis Sassou Nguesso. Profitant de cet accord, Guy Brice Parfait Kolélas intègre le gouvernement en 2009 comme ministre de la Pêche avant de détenir le portefeuille de la Fonction publique et de la Réforme de l'Etat jusqu'en 2015.
Les prises de position du ministre dérangent ses partenaires du pouvoir lorsqu'il s'oppose publiquement en 2015, mais en vain, à la réforme de la Constitution qui permet à Sassou Nguesso de se représenter après deux mandats. Pour faire barrage, Guy Brice Parfait Kolélas lance l'UDH-Yuki et prend part à la présidentielle de 2016.
Soutenu par l'ancien chef rebelle Frédéric Bintsamou, alias Pasteur Ntumi, il arrive deuxième avec 15% de suffrages lors d'une élection remportée dès le premier tour par le président sortant. "J'ai juste pris acte des résultats de l'élection, mais je ne les ai jamais reconnus. Parce qu'il y avait logiquement un deuxième tour entre moi et le général Jean-Marie Michel Mokoko", autre candidat malheureux, répétait souvent l'opposant congolais.
Il avait promis, en cas de victoire le 21 mars, de libérer le général Mokoko, condamné à 20 ans de travaux forcés aux côtés de l'ex-ministre André Okombi Salissa – également battu – "pour atteinte à la sécurité de l'Etat", après avoir contesté la victoire électorale de Sassou Nguesso.
Une présidentielle à la douteuse transparence
Aucun incident majeur n'a été enregistré lors de la journée de vote sous haute surveillance, selon les éléments que l'AFP a pu collecter sur le terrain. La conférence épiscopale du Congo, elle, a émis de sérieuses réserves sur la transparence du scrutin. Ses observateurs électoraux n'ont pas obtenu d'accréditations. Les adversaires du régime congolais ont également dénoncé le vote anticipé le 18 mars des membres des forces de sécurité (entre 55 et 60 000), source de fraude potentielle selon eux.
Une vingtaine d'observateurs de l'Union africaine seulement ont été déployés, officiellement en raison du Covid-19. "Les électeurs ont voté librement par rapport à 2016", a déclaré leur chef de mission, Dileita Mohamed Dileita.
Les résultats provisoires du scrutin du 21 mars doivent être annoncés dans le courant de la semaine. D'ici-là, les autorités congolaises ont coupé internet dans le pays. L'élection est "sans espoir d'alternance", estimait déjà de nombreux analystes politiques. Leur analyse est désormais sans équivoque avec la mort de Guy Brice Parfait Kolélas.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.