Election présidentielle au Congo : les écrivains congolais de la diaspora craignent une nouvelle "mascarade électorale"
Denis Sassou Nguesso, au pouvoir depuis 36 ans, est candidat dimanche 21 mars à un nouveau mandat. Plus personne ne croit à des élections pluralistes et démocratiques au Congo Brazzaville.
Malgré son âge, 77 ans, Denis Sassou Nguesso est de nouveau candidat à sa propre succession. Cela fait 36 ans cumulés que l’ancien putschiste dirige le Congo d’une main de fer. Bien qu'ils soient six candidats déclarés, l’élection présidentielle du 21 mars 2021 n’aura une fois de plus que l’apparence de la démocratie. L'épiscopat congolais ne s’y est pas trompé, en formulant de "sérieuses réserves" sur la transparence et la crédibilité de cette présidentielle. Lequel avait sollicité en février 2021 l'accréditation de ses propres observateurs électoraux, ce qui lui a été officiellement refusé.
La voix critique des écrivains congolais
Mais la critique la plus virulente est venue des intellectuels de la diaspora. "Dimanche au Congo, ce ne sera pas une élection, mais une mascarade", affirme l'écrivain Emmanuel Dongola à l'AFP. L'auteur de Photo de groupe au bord du fleuve Congo, enseigne aux Etats-Unis. Le slogan du parti au pouvoir est d'ailleurs "Premier coup KO", pour annoncer à l'avance que Sassou passera dès le premier tour.
"Tout le monde connaît déjà le nom du vainqueur : Denis Sassou Nguesso. Je parie qu'il s'attribuera une victoire au premier tour avec un score entre 60 et 70%"
Emmanuel Dongola écrivain congolaisà l'AFP
Le plus connu des écrivains congolais, Alain Mabanckou, a fait savoir il y a quelques jours qu'il s'était retiré pour écrire. Déjà en 2016, l'auteur des Lumières de Pointe-Noire avait dénoncé la réélection de Denis Sassou Nguesso et "le long silence" de François Hollande : "Faut-il rappeler, Monsieur le président, que ces tyrans africains ont le plus souvent survécu grâce à la protection de la France", écrivait l'auteur franco-congolais dans sa lettre ouverte au président français de l'époque.
Sassou : l'ancien homme d'Elf
Rappelons que Denis Sassou Nguesso arrive à la tête du Congo en 1979, qu’il va tenir jusqu’aux élections pluralistes de 1992 qu’il perd. Après une courte traversée du désert, l’ancien général parachutiste revient au pouvoir en 1997, à l’issue d’une violente guerre civile. Un retour soutenu par les armées angolaise, tchadienne et surtout par sa milice Cobra financée par le président du Gabon Omar Bongo et Elf. Denis Sassou Nguesso est de nouveau porté au pouvoir par la force pour écarter le président élu Pascal Lissouba qui menaçait de donner l’exploitation du pétrole congolais aux Américains.
La réélection contestée du président en 2016 entraîne des troubles à Brazzaville et un conflit armé dans la région du Pool (sud), faisant 140 000 déplacés. Deux rivaux malheureux du chef de l'Etat, le général Jean-Marie Michel Mokoko et l'ex-ministre André Okombi Salissa, seront condamnés à 20 ans de travaux forcés pour "atteinte à la sécurité intérieure".
Pétrole et dette
Si le pays connaît aujourd'hui une paix relative, l'économie congolaise est très endettée, trop dépendante du secteur pétrolier et impactée par la baisse des cours de l'or noir. Le Congo a été contraint de négocier une aide du Fonds monétaire international (FMI), moyennant une restructuration de la part de la dette détenue par la Chine. Par ailleurs, le Congo était classé par Transparency International 165e sur 180 pays pour son niveau de corruption en 2020.
Même l’ancienne ministre de la Culture Mambou Aimée Ngali (1997-2002) "n'attends rien des élections du 21 mars". "Je pense qu'il est fatigué, qu'il doit prendre sa retraite", dit la dramaturge de 85 ans interrogée par l'AFP.
"Les intellectuels et les artistes de la diaspora jouent un rôle très important, mais ils ne remplaceront jamais les citoyens qui se battent sur place, conclut Emmanuel Dongala. Le changement viendra de l'intérieur." Reste à savoir quand.
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