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Révolte des chômeurs en Algérie: après l’immolation par le feu, la scarification
De jeunes chômeurs algériens ont décidé de recourir à des moyens extrêmes, la scarification, pour se faire entendre des autorités locales. Ils s’automutilent publiquement devant des sièges administratifs pour réclamer du travail et des conditions de vie décentes. Le gouvernement, fragilisé par la chute des cours du pétrole, ne cache pas son impuissance.
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Ce mardi matin 1er mars 2016, trois jeunes chômeurs sont montés sur le toit de la wilaya (préfecture) d’Annaba, à 558 km à l’est d’Alger, et se sont scarifiés devant les yeux épouvantés des passants. Ils dénonçaient la hogra (injustice) dont ils seraient victimes de la part de l’administration locale dans l’embauche des emplois publics.
Hassi R’mel, Laghouat, Toggourt, Annaba... le phénomène s’étend. Le taux de chômage en Algérie est officiellement de 11,2% de la population active et de 30% chez les jeunes. Soit 1,3 million de personnes sur une population active de 11,9 millions.
Pourquoi les chômeurs en arrivent-ils à ces extrêmes que sont la scarification et l'immolation? «C'est avant tout un acte politique, parce que public, une mise en scène tragique réalisée en public. Il surgit dans l’espace public et prend à témoin les publics présents. Ce n’est pas seulement sa vie que l’on supprime. L’immolation est un acte d’accusation porté contre la puissance publique et les puissants eux-mêmes», a expliqué à Géopolis le sociologue Smaïn Laacher.
«Ils nous poussent au suicide, et bien ils l’auront»
Souvent sans travail depuis des années, les chômeurs désespèrent de retrouver un jour le chemin du travail. Parti du sud de l’Algérie, le mouvement commence à faire tache d’huile à travers toute l’Algérie. En retournant la violence sociale contre eux-mêmes, ils visent à alerter les autorités sur leur extrême précarité. A Ourgla, les chômeurs se sont automutilés avec des couteaux en entaillant leurs corps. L’un d’eux a été hospitalisé pour blessures très graves.
Tentatives de suicide à Chevalley et à Ouargla:les jeunes crèvent pour que s'éternisent les dinosaures #Algérie pic.twitter.com/hYDLlu8cpQ
— Adlène Meddi (@adlenmeddi) February 24, 2016
«Siyassat taqachouf» (Politique de l’austérité)
L’Etat algérien semble tétanisé par ces scarifications à répétition. Il sait bien que la réponse ne peut pas être que policière (arrestation des manifestations). Or, avec la chute des cours du pétrole, le gouvernement algérien, à la recherche de la moindre économie, ne peut plus financer ses généreux programmes sociaux. La majorité des entreprises, très endettées, ne survivent que grâce aux aides publiques.
«Taqachouf» (austérité en langue arabe) est sûrement le mot le plus utilisé actuellement en Algérie… et aussi le plus honni. L’Etat veut confier au privé le marché de l’emploi, sauf que ce secteur est aussi en pleine sinistrose.
Protestation-spectacle, dernier recours
Cette nouvelle forme de protestation ne fait pas l’unanimité sur les réseaux sociaux. Certains y voient une forme de spectacle morbide, d’autres une ultime expression de personnes désespérées, poussées à bout par l’impuissance de l’Etat à répondre à leurs revendications.
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