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L’Algérie prive les salafistes, les charlatans et les exorcistes de télévision
Les autorités algériennes veulent faire le ménage sur les écrans. Longtemps permissives sur les sujets de société, les autorités entendent désormais interdire d’antennes les prédicateurs extrémistes, les charlatans et les exorcistes en les empêchant de s’accaparer du «fait religieux». Et de la politique, à l’approche des législatives.
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Reportages sensationnalistes, prêches extrémistes, exorcistes (raqis), télé-imams... les chaînes de télévision privées algériennes rivalisaient d’émissions polémiques pour doper leurs audiences. Ennahar et Echorouk, les plus regardées, sont priées désormais de faire le ménage dans leurs émissions. La dernière polémique sur un pseudo-thérapeute encensé par ces médias, qui prétendait avoir inventé un médicament miracle contre le diabète qu’il a fallu retirer en urgence des pharmacies suite à des décès de patients, a laissé des traces.
«Tout prédicateur porteur d’un discours excommunicateur est proscrit, de fait, des antennes nationales, qu’il soit algérien ou étranger (...), de même que les légions d’exorcistes, de conjurateurs, de mages, de sorciers, de devins, d’enchanteurs, de faux prophètes, de marchands de rêves et autres pseudo-thérapeutes et guérisseurs autoproclamés qui peuvent tous tomber, un jour ou l’autre, sous le coup de la loi en cas de manipulation mentale, d’abus ou de dérapage de tous genres, de telle sorte qu’ils finiront tous par être démasqués et mis hors d’état de nuire», a tranché l’Autorité de régulation de l'audiovisuel.
Les chaînes privées (tolérées mais non autorisées) ont propulsé des prédicateurs vers des sommets de popularité. Amusés d’abord, les Algériens sont désormais effarés par le pouvoir des imams cathodiques qui énoncent interdits et fatwas. Le succès de ces imams est aussi celui des télévisions privées, proches du pouvoir. L’espace télévisuel algérien est aussi schizophrénique, les télévisions privées sont tolérées mais non autorisées. Pour continuer d’émettre, elles se croient obligées d’épouser la ligne officielle du pouvoir en place, devançant parfois ses désirs.
«Hamadache (autoproclamé imam) et les autres voix salafistes ont micros ouverts sur les chaînes les plus réactionnaires du pays, les plus rétrogrades, Ennahar et Echourouk, encore plus que sur une chaîne comme El Bilad, télé du parti des Frères Musulmans en Algérie, le MSP. Les deux chaînes participent, avec leurs journaux éponymes, à la propagation du discours salafiste dans le pays. Est-ce par pure conviction? Assurément non, mais davantage par sens commercial, surfant comme ils le font sur la vague de conservatisme qui traverse la société algérienne», décryptait pour Géopolis Noureddine Khelassi, éditorialiste à La Tribune et fin connaisseur de l’islamisme.
Cette fermeté de trancher de l’Autorité de régulation de l'audiovisuel intervient à trois mois des législatives. Et le pouvoir en place n’entend pas laisser ouvert le robinet cathodique aux islamistes.
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