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Algérie : le soutien discret mais profond de la Russie à l’institution militaire

Si l’idée d’un soutien de Moscou au général Gaïd Salah ne semble pas acquise pour tous, l’intérêt que la Russie porte à l’armée algérienne ne fait, lui, aucun doute.

Article rédigé par Alain Chémali
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le chef d'état-major de l'armée algérienne, Gaïd Salah, lors d'une cérémonie de remise de diplôme à l'académie militaire de Cherchel, à 180 km à l'ouest d'Alger, le 27 juin 2013. (MOHAMED BASHER ZAMRY / ANADOLU AGENCY)

A quelques jours de l’élection présidentielle du 12 d"cembre en Algérie, largement rejetée par le soulèvement en cours dans le pays, l’énigme persiste sur l’attitude de la Russie à l’égard de son vieil allié en Afrique du Nord et du général Gaïd Salah, l’homme fort au pouvoir en ce moment.

Concernant ce dernier, diplômé de l’Académie militaire d’artillerie Vystrel (en ex-URSS) et qui cumule les deux fonctions de chef d’état major de l’armée et de vice-ministre de la Défense, il bénéficierait de l’appui du Kremlin tout comme de nombreux autres généraux de sa génération.

"Le pari de Poutine sur les généraux algériens"

Dans un long entretien accordé au quotidien Libération, l’historien et politologue Jean Pierre Filiu estime en effet que si ingérence il y a en Algérie, "même si elle est discrète, c’est celle de Poutine"

"Les Russes sont les seuls à pouvoir encore parler aux Décideurs", explique cet ancien diplomate, arabisant, reprenant le terme de "Décideurs" à l’ancien président assassiné, Mohamed Boudiaf, qui l'avait créé pour parler de ceux qui lui avaient demandé de prendre la présidence. "Car cette poignée d’hommes décide à la place de 42 millions d’Algériens, sans jamais leur demander leur avis", précise encore Filiu.

Pour lui, c’est sur les liens profonds avec cette caste de militaires algériens au premier rang desquels figurent le général Gaïd Salah et son camarade de promotion, le général Benali Ben Ali, commandant de la garde présidentielle depuis 2015, que le pouvoir russe s’appuie pour mettre en œuvre sa "stratégie d’implantation sur la rive Sud de la Méditerranée".

Un engagement "cohérent avec l’appui de Moscou à l’Armée Nationale libyenne, la milice du soi-disant Maréchal Haftar, dont l’offensive toujours en cours sur Tripoli a débuté deux jours après la démission de Bouteflika", souligne au passage l’historien dans un texte sur son blog intitulé Le pari de Poutine sur les généraux algériens.

Officiellement, telle qu’exprimée par le chef de la diplomatie russe dès le 19 mars 2019, c'est-à-dire près d’un mois après le soulèvement algérien, l’attitude de Moscou consiste à refuser "toute ingérence dans les affaires internes de l’Algérie". "Le peuple algérien doit décider lui-même de son avenir et de son destin sur la base de sa Constitution et dans le respect du droit international", avait déclaré Sergueï Lavrov lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue algérien Ramtane Lamamra.

Six mois et de multiples vendredis de contestation plus tard, à l’issue d’une rencontre le 28 août entre le secrétaire général du FLN, Mohamed Djemaï, et l’ambassadeur russe à Alger, Igor Beliaïev, le FLN affirmait que "la Russie estime que la solution à la crise politique réside dans l’organisation d’une élection présidentielle dans les plus brefs délais".

Le flou entretenu par Moscou

Des propos "rapportés" qui correspondaient mot pour mot à ceux du général Gaïd Salah deux jours auparavant depuis Oran. Ignorant les revendications populaires en faveur d’une transition démocratique, le général octogénaire avait réitéré son appel à "l’organisation d’une élection présidentielle transparente dans les plus brefs délais".

En dépit d’un démenti de l’ambassadeur Beliaïev qui dit s'être contenté de rappeler des "relations fortes entre l'Algérie et la Russie" et de dénégations russes rapportées par TV5, Jean Pierre Filiu y a vu un dévoilement de la position du Kremlin. "La Russie a bel et bien choisi son camp dans la crise algérienne, misant sur l’étranglement, par les généraux au pouvoir, du vaste mouvement de contestation populaire lancé en février dernier", écrivait-il le 8 septembre sur son blog.

Même si la polémique entretient un flou sur le soutien de Moscou au chef d’état-major en poste depuis 2004, le renforcement des liens entre les deux institutions militaires ne se dément pas.

Selon le site officiel russe Sputnik, citant le site algérien MENAdefense, l’armée algérienne a signé début septembre, au salon MAKS 2019 de l’aéronautique et de l’espace de Moscou, deux contrats portant sur l’acquisition d’un escadron de Mig 29 M/M2 et une flotte de Su-30.

Plus récemment encore, sous le titre La Russie veut renforcer ses ventes d’armes à l’Algérie, le site ObservAlgérie révélait le 1er décembre 2019 que la Russie proposait à l’armée algérienne "un système multicouche de défense contre les drones de petite taille qui pourraient constituer une menace pour les installations vitales" du pays.

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