Afghanistan : un expert militaire pose la question de la "formation des armées étrangères par les Américains"
Le général Dominique Trinquand, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU, fait un point sur la situation en Afghanistan au micro de franceinfo.
Un garde afghan a été tué lundi 23 août à l'aéroport de Kaboul, une semaine après la prise de pouvoir des talibans en Afghanistan. "Il y a un vrai sujet à poser sur la formation des armées étrangères par les Américains", réagit sur franceinfo, le général Dominique Trinquand, expert militaire, ancien chef de la mission militaire française auprès de l'ONU.
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franceinfo : Joe Biden envisage de prolonger la présence américaine en Afghanistan au-delà du 31 août pour continuer les évacuations. C'est inévitable selon vous ?
Général Dominique Trinquand : Ça fait preuve d'une très grande improvisation. On reproche, à juste titre, aux Américains, de n'avoir pas vu le coup venir, parce que Kaboul tombe très rapidement. Ils avaient rapatrié toutes leurs forces et ils ont été obligés de remettre 6 000 hommes à l'aéroport de Kaboul pour assurer la sécurité. Aujourd'hui il y a une confusion. Est-ce que tous les Afghans qui le demandent doivent être évacués ? Ou est-ce les ayants droits, en particulier ceux qui ont accompagné les forces internationales américaine et française, que nous devons évacuer ? Ou tous les gens qui se présentent à la porte ?
Comment expliquer que les États-Unis, mais la France aussi, n'aient pas pu anticiper une telle débâcle de l'armée afghane et une telle rapidité de la prise de pouvoir des talibans ? Les Américains ont-ils voulu faire trop confiance aux talibans ?
La France a dit, à la mi-juillet, à tous les Français, d'évacuer l'Afghanistan. En revanche, il y a eu du retard pour les personnels qui avaient accompagné l'armée française. Le manque d'anticipation est le fait des Américains. L'accord de Doha, signé en février 2020, est un accord signé entre les Américains et les talibans, sans le gouvernement afghan, ni les alliés. Les Américains ont voulu être à la manœuvre et les trois derniers présidents demandaient le retrait d'Afghanistan. Je crois qu'il y a eu une erreur d'appréciation. En Irak, en 2014, Daech a balayé l'armée irakienne, qui venait d'être formée, équipée par les Américains. Aujourd'hui l'armée afghane a été balayée par les talibans, alors qu'elle a été formée et équipée par les Américains. Il y a un vrai sujet à poser sur la formation des armées étrangères par les Américains. Est-ce qu'ils ne veulent pas faire une armée américaine qui ne convient pas au pays ? Ça pourrait être une réponse.
L'Occident est-il en mesure d'aider la résistance afghane, qui s'organise dans la vallée du Panchir, emmenée par Ahmad Massoud ?
Le fils du commandant Massoud, Ahmad Massoud, était en France il y a plusieurs semaines et disait déjà : "Si les talibans prennent le pouvoir, nous nous opposerons, nous lutterons". Il a annoncé aux talibans qu'ils devaient négocier, sinon il en viendrait à l'opposition armée. Le commandant Massoud a été assassiné deux jours avant l'attaque du 11 septembre, ce n'est pas par hasard. C'était la figure tutélaire de l'opposition, à la fois aux Soviétiques et aux talibans. Cette opposition existe, elle n'a probablement pas les moyens de lutter efficacement avec de l'armement. Espérons qu'une négociation soit possible, sinon il y aura une lutte, de type guérilla, contre les talibans.
"À mon sens, une fois l'évacuation de Kaboul réglée, parce que pour l'instant il faut négocier avec les talibans, il faudra aider le fils du commandant Massoud, pour qu'une opposition existe aux talibans à l'intérieur de l'Afghanistan."
Général Dominique Trinquandà franceinfo
La France et l'Otan ont-ils un poids face aux talibans ?
Jean-Yves Le Drian assure que la France ne reconnaîtra pas le pouvoir des talibans et il exige d'eux de renoncer au terrorisme, de respecter les droits fondamentaux. Ça c'est l'accord de Doha, qui a été signé par les talibans, alors vont-ils le respecter ou pas, je ne sais pas. Une réunion du G7 a lieu demain pour avoir un langage commun. Les talibans ont besoin de la communauté internationale, en particulier pour accompagner l'aide. L'Afghanistan est dans une situation humanitaire catastrophique, en dehors de la question de Kaboul. Pour nourrir les gens, les talibans ont besoin d'aide, donc il va falloir voir ce que la communauté internationale veut faire. Sachant que les Russes et les Chinois, qui ne sont pas au G7, ont déjà décidé de discuter avec les talibans.
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