: Vidéo COP28 : comment les ministres de l'Ecologie ont-ils tenté d'agir face à la crise climatique ?
C'est un endroit qualifié de "ministère de l'impossible" par Robert Poujade, qui a occupé les lieux en premier, dans les années 1970. Depuis un demi-siècle et alors que la crise climatique s'aggrave, le ministère de l'Ecologie a souvent été perçu comme un portefeuille complexe et ingrat. A l'occasion de la COP28, qui s'est ouverte à Dubaï jeudi 30 novembre, quatre anciens titulaires du poste décrivent devant les caméras de franceinfo la réalité de cette fonction très particulière au sein du gouvernement.
Dans les années 1990, les questions climatiques peinent en effet à trouver un écho au sein de la société, malgré les premières alertes des scientifiques et notamment les rapports du Giec. "A l'époque, quand j'en parlais, les gens ouvraient des yeux ronds comme des queues de pelle", se souvient Corinne Lepage. "Franchement, j'étais une Martienne. Personne n'avait entendu parler de ça. Quand vous parlez de notre responsabilité à l'égard des générations futures, tout le monde s'en foutait", retrace l'ancienne ministre, en poste de 1995 à 1997.
"En fait, on a commencé à s'intéresser au climat quand notre génération a été concernée."
Corinne Lepage, ministre de l'Environnement de 1995 à 1997à franceinfo
Selon l'avocate, il était quasiment impossible de faire entendre sa voix dans le concert gouvernemental. "L'année 1995 a été quand même une année très difficile, entre les attentats et les grèves. C'était quand même très dur. Allez dire au Premier ministre : 'Dites donc, il faudrait que tu te préoccupes un peu du climat', pour un truc qui va se passer dans un siècle..." La prise de conscience de l'urgence climatique progresse lentement, au fil des années et des catastrophes. C'est par exemple le cas de la canicule de 2003, qui provoque la mort de 15 000 personnes en France.
"Tout remonte à Bercy"
En parallèle, les différents ministres se heurtent à d'autres obstacles. Les ministres de l'Ecologie interrogés par franceinfo évoquent les résistances de Bercy, où se trouve le ministère de l'Economie et des Finances. C'est là que se décident les différents arbitrages financiers. Jean-Louis Borloo, lui, a successivement occupé les deux ministères, à la fin des années 2000. Selon lui, "tout remonte à Bercy. Au titre du fait qu'ils ont le carnet de chèques, ils disent ce qui est bien ou pas pour le politique du pays, ce qui n'est pas leur rôle. Et si vous avez des ministères beaucoup moins puissants qu'eux, ils ont toujours raison", balaie l'ancien ministre de Nicolas Sarkozy. Ce que confirme Dominique Voynet :
"Une connerie proférée par un cadre du ministère de l'Economie et des Finances est toujours mieux considérée qu'un truc sérieux venant du ministère de l'Environnement, encore maintenant."
Dominique Voynet, ministre de l'Environnement de 1997 à 2001à franceinfo
Si le ou la ministre a joué toutes ses cartes, comme tenter de rallier l'opinion publique ou s'appuyer sur le Premier ministre et le président de la République, il lui reste un dernier joker : la menace de démission. Entre Dominique Voynet et Lionel Jospin, la ligne rouge a par exemple été la question du nucléaire en 1999 : "Je lui ai dit : 'Ecoute, dans notre accord, il n'y a pas de nouvelle centrale nucléaire, (...) je perds des arbitrages de temps en temps, c'est normal, (...) mais là, je te préviens sans chantage que si tu devais faire un EPR, je m'en vais'. Je n'ai pas eu besoin de faire du chantage, il m'a dit : 'Je l'entends, je sais'", raconte l'écologiste.
En 2018, Nicolas Hulot a franchi le pas de la démission, seulement quinze mois après être entré au gouvernement. Au moment de claquer la porte, l'ancien animateur a dénoncé l'inaction de l'Etat. François de Rugy lui a succédé au ministère de l'Ecologie. Pour lui, ce portefeuille comporte une difficulté intrinsèque : "Il y a une contradiction entre une aspiration à faire plus, plus vite, plus fort, et une résistance au changement qui est en chacun de nous, sans doute."
"Ce n'est pas que c'est le ministère de l'impossible, mais c'est le ministère des contradictions."
François de Rugy, ministre de la Transition écologique de 2018 à 2019à franceinfo
La gestion gouvernementale de la question climatique et de l'écologie au sens large a évolué. Aujourd'hui, il y a d'une part la transition, répartie dans deux ministères : la Transition écologique, qu'incarne Chrostophe Béchu, et la Transition énergétique, portée par Agnès Pannier-Runacher. Mais Emmanuel Macron a introduit en 2022 une notion de planification écologique, qui dépend de la Première ministre, avec un secrétariat général rattaché à Matignon.
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