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Des promesses et des doutes : ce qu'il faut retenir du sommet sur le climat organisé par Joe Biden

Les Etats-Unis et d'autres pays se sont engagés à baisser de manière significative leurs émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, certains s'alarment en évoquant la situation actuelle.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Le président des Etats-Unis, Joe Biden, s'exprime lors d'un sommet virtuel entre dirigeants de la planète sur le climat, le 23 avril 2021. (JIM WATSON / AFP)

"Nous avons fait de grands progrès !" Le président des Etats-Unis, Joe Biden, s'est félicité, vendredi 23 avril, du sommet virtuel entre dirigeants du monde qu'il a organisé sur le climat. L'objectif était notamment de tourner la page de l'ère climatosceptique des années Trump et de préparer la COP26, conférence des Nations unies sur le climat qui doit se tenir du 1er au 12 novembre à Glasgow (Ecosse). Voici les annonces à retenir en marge de ce sommet, qualifié de "début du chemin" en vue d'un accord pour faire face aux dérèglements climatiques.

Les Etats-Unis doublent leur objectif de réduction de gaz à effet de serre

Vantant les bénéfices économiques "extraordinaires" qui peuvent découler des réformes écologiques, le 46e président des Etats-Unis a promis de réduire les émissions de gaz à effet de serre de la première économie mondiale de 50% à 52% d'ici 2030 par rapport à 2005. Cet objectif double quasiment l'ancien engagement du deuxième pollueur mondial, qui s'était fixé une diminution de 26% à 28% à l'horizon 2025. Il doit permettre à l'économie américaine d'atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Selon le groupe Climate Action Tracker (CAT), c'est "une avancée significative", même s'il faudrait réduire les émissions d'au moins 57% d'ici 2030 pour contribuer à l'objectif d'un réchauffement maintenu à +1,5°C.

Pour manifester clairement sa rupture avec la politique de son prédécesseur, le président des Etats-Unis a tweeté : "L'Amérique est de retour", en rappelant que son pays était revenu depuis février dans l'accord de Paris, après l'avoir quitté fin 2020 sous Donald Trump. Pour rappel, cet accord prévoit de limiter le réchauffement climatique planétaire à une hausse des températures de 2°C, et si possible de 1,5°C par rapport à l'ère pré-industrielle. Mais la première série des contributions déterminées au niveau national des signataires place la planète sur une trajectoire située entre +3°C et +4°C.

Joe Biden est cependant resté évasif sur les moyens concrets pour parvenir à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui passe notamment par un important chantier de transition écologique. Son gigantesque plan pour les infrastructures, estimé à plus de 2 000 milliards de dollars, pourrait en effet se heurter à de réelles résistances au Congrès : les démocrates n'ont en effet que 50 voix sur 100 au Sénat, et il en faut généralement 60 pour éviter une obstruction. Interrogé sur le risque que les objectifs américains ne soient pas tenus, John Kerry, envoyé spécial des Etats-Unis pour le climat, a mis en avant la dynamique enclenchée et insisté sur "la force du secteur privé" dans la mobilisation en cours.

La Chine prête à travailler main dans la main avec les Etats-Unis

De son côté, le président chinois, Xi Jinping, s'est dit "déterminé à travailler avec la communauté internationale, et en particulier les Etats-Unis" autour du climat, malgré les vives tensions entre les deux pays sur nombre d'autres dossiers. Il a aussi réaffirmé l'objectif d'une neutralité carbone atteinte d'ici 2060 en Chine, premier pays pollueur avec plus d'un quart des émissions mondiales de gaz à effet de serre. 

La Chine a également laissé entendre, jeudi, qu'elle commencerait à baisser son recours au charbon après 2025. Mais elle "doit faire beaucoup plus, notamment avec des mesures concrètes pour en finir" avec cette source d'énergie, a estimé Bill Hare, de l'organisation Climate Analytics, interrogé par l'AFP. 

L'UE, le Royaume-Uni et le Brésil s'engagent aussi à agir

Des engagements du même genre ont été pris par les autres grandes puissances invitées, qui représentent ensemble 80% des émissions mondiales. Avant le début du sommet, l'Union européenne est parvenue in extremis à un accord sur une réduction nette d'"au moins 55%" de ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au niveau de 1990. "L'Europe sera le premier continent neutre en carbone", a ainsi affirmé jeudi sur Twitter la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, en appelant tous les participants à cette conférence virtuelle à d'"ambitieuses réductions de gaz à effet de serre d'ici 2030".

De son côté, le Premier ministre britannique, Boris Johnson, qui accueillera la COP26 en fin d'année et souhaite devenir un leader mondial de la lutte contre le réchauffement, a renforcé l'engagement de Londres en matière de réduction des émissions : elles baisseront, assure-t-il, de 78% d'ici 2035 par rapport au niveau de 1990. Le précédent objectif était une baisse de 68% à l'horizon 2030.

Au Canada, le Premier ministre, Justin Trudeau, s'est engagé à les baisser de 40% à 45% d'ici 2030 par rapport à 2005, tandis que son homologue japonais Yoshihide Suga a annoncé que le Japon allait réduire ses émissions de CO2 à 46% à l'horizon 2030 par rapport à 2013, contre une cible précédente de 26%. De son côté, la Corée du Sud a affirmé qu'elle allait cesser de financer des centrales à charbon à l'étranger.

Même le président brésilien Jair Bolsonaro, climatosceptique notoire, s'est engagé à mettre fin à la déforestation illégale en Amazonie d'ici 2030. Lors d'un discours de trois minutes, il a aussi affirmé vouloir avancer la neutralité carbone du Brésil de dix ans, soit en 2050, tout en réclamant une importante aide financière des pays riches. Des annonces étonnantes de la part de celui qui se surnomme lui-même "capitaine tronçonneuse"comme le rappelle Le Figaro (article pour les abonnés) . Elles ont suscité le scepticisme des observateurs.

Des doutes alors que les émissions polluantes seront au plus fort en 2021

Le sommet virtuel a ainsi été l'occasion de louables déclarations d'intention ; mais pour quelle réalité ? Le sentiment d'urgence a été résumé par Fatih Birol, directeur de l'Agence internationale de l'énergie : selon lui, les émissions polluantes vont connaître cette année leur deuxième plus forte hausse de l'histoire, alors que l'économie mondiale a été bouleversée par la pandémie de Covid-19. 

"A ce stade, les données ne correspondent pas aux promesses, et le fossé ne cesse de se creuser", a-t-il mis en garde vendredi. Il a ainsi souligné que plus de la moitié des réductions nécessaires pour parvenir à la neutralité carbone d'ici 2050 reposent sur des innovations techniques qui n'existent pas encore.

En marge de ce sommet, la jeune militante écologiste suédoise Greta Thunberg a accusé jeudi les dirigeants mondiaux d'"ignorer" le changement climatique. "Combien de temps pensez-vous que vous pouvez continuer à ignorer le changement climatique (...) sans avoir à rendre des comptes ?", a-t-elle lancé par visioconférence devant une commission du Congrès américain, en marge du sommet sur le climat organisé par Washington.

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