Mayenne : de la "disparition" de la jeune joggeuse à la révélation de son mensonge, ces cinq jours rythmés par l'inquiétude et les doutes
La jeune femme a admis, vendredi face aux enquêteurs, qu'elle n'avait pas été enlevée et qu'elle avait tout inventé, a annoncé la procureure de la République. Les motivations de l'adolescente n'ont pas été éclaircies.
Elle a finalement avoué "avoir menti". Lisa, une adolescente de 17 ans, avait subitement disparu pendant son jogging lundi 8 novembre. Ses parents avaient donné l'alerte, et près de 200 gendarmes ont été mobilisés pour la retrouver. Mais la procureure de la République de Laval (Mayenne), Céline Maigné, a annoncé, vendredi 12 novembre, que la lycéenne a avoué ne pas avoir été enlevée. L'affaire aura néanmoins des suites puisque l'adolescente "fera l'objet d'une procédure pour dénonciation d'infraction imaginaire". Retour sur quatre jours d'inquiétude, puis de soulagement, alors que des interrogations subsistent toujours sur les motivations de la jeune femme.
Lundi : les parents de Lisa signalent sa disparition
Il est aux alentours de 16 heures, à Saint-Brice (sud-est de la Mayenne), quand Lisa enfile ses baskets pour aller courir, lundi 8 novembre. Âgée de 17 ans, elle part vers la forêt de Bellebranche. Une activité "habituelle", précise dans le quotidien régional Ouest-France la procureure de Laval. Mais trois heures plus tard, Lisa, "parfaitement intégrée", "entourée", "sportive", qui poursuit ses études "dans un lycée de la région", complète la magistrate, n'est toujours pas rentrée chez elle. D'après un proche de la jeune femme, celle-ci utilisait une application pour courir et publiait son parcours en temps réel sur les réseaux sociaux, note France Bleu. Mais son GPS s'est arrêté après 5 minutes et 31 secondes de course.
Inquiet, son père décide de retracer le parcours que la lycéenne a l'habitude d'emprunter, raconte Le Parisien. C'est alors qu'il tombe sur son téléphone portable, sa montre GPS et des écouteurs tachés par ce qui pourrait s’apparenter à du sang, apprend France Télévisions. Les parents de Lisa signalent sa disparition à la gendarmerie qui lance le soir même de premières recherches.
Le parquet de Laval est saisi de l'affaire. En fin de journée, un homme de 42 ans est interpellé. En état d'ébriété, il a appelé à plusieurs reprises les gendarmes pour se renseigner sur la disparition de Lisa. L’enquête est confiée à la section de recherches d’Angers et à la brigade de recherches de la compagnie de gendarmerie de Château-Gontier, en Mayenne. Les enquêteurs demandent à la population de ne pas circuler dans la zone des recherches afin de ne pas perturber les investigations.
Mardi matin : l'inquiétude grandit et les recherches s'accélèrent
Le lendemain, les recherches s'activent. Un dispositif d'ampleur est déployé : un premier rassemblant une vingtaine de gendarmes est déployé dès le lundi soir, appuyé par un hélicoptère et deux équipes cynophiles. Le dispositif monte en puissance avec 60 militaires mobilisés pendant la nuit, puis 120 mardi matin, puis jusqu'à 200 gendarmes, précise le colonel Pierre-Yves Le Trong, commandant du groupement de gendarmerie de la Mayenne. Deux équipes cynophiles spécialisées patrouillent avec des chiens Saint-Hubert dans cette forêt de Bellebranche. Les recherches sont menées dans "un secteur de 190 hectares de terrains boisés, difficiles, étendus et parsemés d'étendues d'eau". Une dizaine de plongeurs sont également mobilisés.
Dans la journée, le parquet ouvre une enquête pour "enlèvement et séquestration". L'homme qui avait été interpellé la veille est remis en liberté sans poursuites judiciaires. Il avait été entendu pour "éclaircir son emploi du temps au vu des quelques incohérences lors de ses premières déclarations" mais "les investigations réalisées ont permis d'éclaircir les éléments ayant motivé cette mesure et d'écarter l'implication de la personne mise en cause", explique la procureure de la République.
Mardi soir : l'adolescente est retrouvée vivante
Mardi soir à 20 heures, c'est le soulagement : Lisa est retrouvée vivante. La lycéenne trouve refuge dans un restaurant kebab de Sablé-sur-Sarthe (Sarthe), à une dizaine de kilomètres de l'endroit où elle était partie courir. "On lui a donné une veste pour qu'elle se réchauffe, mais elle était juste choquée, ça se voit. On l'a installée dans l'arrière-cuisine puis j'ai appelé la gendarmerie, les pompiers, et tout le monde est arrivé assez rapidement", raconte le patron du restaurant à franceinfo.
Les secours la conduisent à Angers, où elle est hospitalisée en état de choc. Elle y est prise en charge notamment par un médecin expert auprès des tribunaux et avec pour spécialité la médecine légale, selon Ouest-France.
Mercredi et jeudi : les enquêteurs face aux incohérences du récit de Lisa
"La section de recherches d'Angers et la brigade des recherches de Château-Gontier-sur-Mayenne poursuivent un travail minutieux d'auditions, réquisitions, vérifications pour préciser le déroulement de la journée pendant laquelle la jeune femme a disparu, en se basant notamment sur ses déclarations", déclare Céline Maigné, la procureure de la République de Laval. Mercredi et jeudi, la gendarmerie s'emploie à passer le quartier du restaurant kebab au peigne fin pour tenter de retracer le parcours de l'adolescente. Les riverains sont tous interrogés et les images de vidéosurveillance de la ville sont exploitées. Les premiers doutes se font jour.
Dans ses premières déclarations recueillies par l’hôpital, "la lycéenne avait affirmé avoir été enlevée par deux hommes qui roulaient à bord d’une camionnette verte", selon Le Parisien. Selon les informations de franceinfo, les gendarmes, lors de l'enquête de voisinage, ont interrogé des riverains sur ce véhicule qui, selon elle, a pu servir à son rapt avant que la joggeuse ne s'échappe pour se réfugier dans un restaurant. Mais les enquêteurs notent des incohérences dans le récit et décident d'une nouvelle audition de l'adolescente, vendredi.
Vendredi : elle craque et révèle qu'elle a menti
Lors de cette nouvelle audition, l'adolescente reconnaît finalement "avoir menti, ne pas avoir été enlevée et s'être rendue à pied à Sablé-sur-Sarthe", annonce la procureure de la République Céline Maigné, vendredi 12 novembre. Lisa explique aux enquêteurs que ses blessures étaient "d'origine accidentelle" et elle "aurait notamment découpé son tee-shirt avec une paire de ciseaux", précise le communiqué. La jeune femme ajoute "être désolée d'avoir causé une mobilisation importante".
L'adolescente a fini par craquer lorsqu'elle a été confrontée à une vidéo contredisant sa version des faits, précise une source proche du dossier à franceinfo. Lors de son audition, la jeune fille a expliqué son geste par "un manque de reconnaissance", ajoute la même source, soulignant que les enquêteurs peinent toutefois à voir très clair dans ses motivations.
"Cette jeune femme est actuellement prise en charge par ses parents qui ont été informés de ses déclarations", précise encore la procureure. L'adolescente "fera l'objet d'une procédure pour dénonciation d'infraction imaginaire. L'enquête nécessitera de réunir les éléments relatifs à sa personnalité, susceptibles d'éclairer les raisons de son comportement pour l'heure inexpliqué."
"C'est triste pour ses parents, c'est triste d'avoir mis les gens pendant 24 heures dans l'angoisse, dans la peur, estime sur France Bleu Mayenne, dans la soirée, André Boisseau, maire de la commune de Saint-Brice où vit l'adolescente de 17 ans. Je ne comprends pas trop son geste. Je trouve cela un peu malheureux, surtout par rapport à sa famille. Je ne sais pas ce qui lui a pris."
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