Violences en Guadeloupe : on vous explique pourquoi un couvre-feu pour les mineurs est instauré à Pointe-à-Pitre

Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé cette mesure qui doit durer deux mois. Le maire de la ville avait menacé de démissionner, fin mars, exprimant son découragement face à la délinquance, des plus jeunes notamment.
Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, et Ary Chalus, président du Conseil régional de la Guadeloupe, le 17 avril 2024 aux Abymes. (GILLES MOREL / SIPA)

Une mesure de "fermeté". Le ministre de l'Intérieur a ordonné, mercredi 17 avril, l'instauration d'un couvre-feu pour les moins de 18 ans à Pointe-a-Pitre. Le ministre de l'Intérieur était en visite dans la ville guadeloupéenne pour faire un point sur l'opération "place nette", initiée début mars dans l'archipel. Il a précisé que le couvre-feu débuterait lundi 22 avril et s'appliquerait pendant deux prochains mois. "Tous les mineurs de moins de 18 ans ne pourront pas circuler dans les rues de Point-à-Pitre après 20 heures et la police nationale appliquera à la lettre évidemment ces demandes", a déclaré Gérald Darmanin, aux côtés de Marie Guévenoux, ministre des Outre-mer. Franceinfo revient sur le contexte qui a mené à cette décision.

Pointe-à-Pitre est le théâtre d'une flambée de violences

La Guadeloupe fait actuellement face à une flambée de violences. Selon la préfecture, l'archipel compte "six fois plus d'homicides, neuf fois plus de tentatives d'homicides, dont la moitié par armes à feu, et 20 fois plus de vols à main armée que la moyenne nationale" française. Pointe-à-Pitre, en particulier, a été le théâtre de violences urbaines au cours des derniers mois.

En mars, une commerçante y a été tuée lors d'un braquage. Quelques jours plus tard, des touristes en croisière ont été blessés à l'arme blanche par une femme atteinte de troubles psychiatriques alors qu'ils faisaient escales dans la ville, rapporte Guadeloupe La 1ère. Cette succession de violences a poussé le maire EELV, Harry Durimal, à menacer de démissionner, le 24 mars dernier. Il avait alors qualifié sa commune de "coupe-gorge" en "faillite totale", affirmant que les touristes y "risquaient leur vie". L'édile, élu depuis 2020, a même menacé de démissionner.

Pour répondre à ces incidents, des opérations "place nette" ont débuté lundi dans l'archipel et d'autres sont prévues "pour le mois à venir", a précisé à l'AFP l'entourage du ministre. Gérald Darmanin a ainsi annoncé mercredi des "opérations de lutte contre la drogue, contre des points de deal et la circulation des armes, qui est sans doute le problème principal que connaît la Guadeloupe aujourd'hui".

De plus en plus de mineurs sont impliqués

Les opérations de police s'accompagnent d'un couvre-feu qui vise spécifiquement les moins de 18 ans. A Pointe-à-Pitre, le pourcentage de mineurs parmi les auteurs de délits a triplé en un an, atteignant 38% au début de 2024, selon le dernier rapport des autorités locales sur la délinquance. Sur franceinfo jeudi, Harry Durimel a rappelé qu'il y a eu "des nuits de guérilla urbaine à Pointe-à-Pitre il y a une dizaine de jours". A ce moment-là, "nous avons constaté que des jeunes de 13 à 14 ans brûlaient des poubelles", relate le maire, qui recense 70 départs de feu "sur ce petit territoire de 2,6 km carrés". 

L'idée de mesures ciblant les moins de 18 ans a d'abord été avancée par une conseillère municipale de Pointe-à-Pitre, mercredi. Dans la foulée, Harry Durimel a proposé l'instauration d'un couvre-feu à Gérald Darmanin. "On ne peut pas laisser des enfants de 12, 13, 14 ans, avec des armes, circuler à 22 heures seuls dans la rue, s'en prendre à des policiers, à des touristes, à des passants", a commenté le ministre de l'Intérieur.

Le but de ce couvre-feu est de lutter contre une flambée de délinquance "de plus en plus jeune, et de plus en plus armée", a justifié le ministre. "J'ai le sentiment que le cri que j'ai poussé il y a quelques semaines a été entendu", a réagi Harry Durimel auprès de l'AFP, évoquant la possibilité de "faire de Pointe-à-Pitre (...) un laboratoire de sécurité républicaine".

Une série de mesures pour renforcer la lutte contre la délinquance accompagnera le couvre-feu, notamment le recrutement d'enquêteurs. A terme, le ministre de l'Intérieur veut établir "un contrat de sécurité" similaire à celui conclu en Martinique. Sur ce territoire, ce dispositif avait permis d'obtenir un renfort de la brigade anticriminalité, de la gendarmerie et des moyens pour des équipements de vidéosurveillance. 

Le gouvernement veut "rappeler à chacun son rôle de parent" 

Selon les autorités, la mise en place du couvre-feu a aussi pour objectif d'obliger les parents à garder un œil sur leurs enfants. "Il s'agit évidemment de rappeler à chacun son rôle de parent", a affirmé le ministre de l'Intérieur. Les élus de Pointe-à-Pitre à l'origine de la mesure ont également estimé "que les parents devaient assumer leurs responsabilités", affirme Harry Durimel à franceinfo.

"Ce n'est pas normal que des enfants de cet âge-là soient dans la rue. Cette mesure vise donc aussi à les faire rester chez eux, sous la protection de leurs parents."

Harry Durimel, maire de Pointe-à-Pitre

à franceinfo

Interrogé par Guadeloupe la 1ère, le maire de Pointe-à-Pitre a détaillé le fonctionnement de ces restrictions de déplacement. "Les parents devront s'assurer que leur enfant est à la maison après 20 heures", a-t-il expliqué. Si des mineurs sont interpellés après cet horaire, "ils seront ramenés chez leurs parents".

Selon Gérald Darmanin, des sanctions seront appliquées en cas de non-respect du couvre-feu. Mais il a également assuré qu'une aide serait accordée aux familles dans le besoin : "Ceux qui ont des difficultés sociales peuvent être accompagnés par les services de l'Etat, du département ou de la mairie". Harry Durimel a ajouté que cette mesure permettait également de protéger les mineurs, qui peuvent eux-mêmes être victimes des violences : "Ils peuvent tuer, mais peuvent aussi être tués"

Ces annonces s'inscrivent dans un contexte plus large dans lequel l'exécutif s'est saisi des problématiques de violences impliquant des jeunes sur tout le territoire, et a insisté sur l'importance de la responsabilité parentale. Jeudi, le Premier ministre, Gabriel Attal, en déplacement à Viry-Châtillon, a ainsi martelé que "l'éducation, cela commence à la maison". La veille, Emmanuel Macron lui avait demandé de lancer une concertation pour trouver des solutions au "surgissement de l'ultraviolence", en particulier parmi les plus jeunes, avec l'objectif d'aboutir à un projet de loi avant l'été. 

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