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"Sept ans après, elles se replongent dans les détails de l'horreur" : l'audition des familles de victimes, un moment autant redouté qu’attendu au procès de l'attentat de Magnanville

Le procès de l’attentat, mené contre un couple de policiers en 2016, entre dans sa deuxième semaine aux assises spéciales de Paris. Les familles vont être entendues lundi après-midi.
Article rédigé par Aurélien Thirard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Lundi 3 octobre, les familles de Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider, un couple de policiers tués devant leur fils à leur domicile par un terroriste en 2016 dans les Yvelines, vont prendre la parole au procès de Mohamed Aberouz, un ami du tueur. (DOMINIQUE FAGET / AFP)

C’est un moment autant redouté qu’attendu par les familles du couple de policiers tués le 13 juin 2016 à Magnanville (Yvelines), chez eux devant leur fils, par un terroriste. Les auditions des parties civiles auront lieu lundi 2 octobre après-midi et risquent d’être éprouvantes pour les familles de Jean-Baptiste Salvaing et de Jessica Schneider. Elles interviendront au terme de l’audition de la psychologue du fils des victimes, âgé de trois ans lors de l’attentat, et du visionnage de la vidéo de revendication du terroriste. Une vidéo qui a été tournée et diffusée en direct sur Facebook alors qu’il était encore retranché dans le pavillon des victimes avec l’enfant.

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Si les deux familles assistent tous les jours au procès, partagent la même douleur, sont assises ensemble sur un banc séparé du public placé en face de l’accusé jugé pour complicité, elles ne voient pas ces auditions du même œil. Elles n’ont pas les mêmes attentes, aux dires de leurs avocats respectifs. La mère et la sœur de Jessica Schneider, Josiane et Nathalie Schneider, ont décidé de témoigner toutes les deux, selon maîtres Thibault de Montbrial et Louis Cailliez. "Elles vont rendre hommage à la femme lumineuse, magnifique qu’était Jessica, explique Louis Cailliez à franceinfo, et par ailleurs livrer leur sentiment à mi-procès sur ce qu’elles pensent de la culpabilité de Mohamed Aberouz".

Essayer de comprendre

Une démarche offensive que ne partage pas la famille de Jean-Baptiste Salvaing. Le père et la sœur du policier, s’ils témoignent – ils se donnent jusqu’à la dernière minute pour prendre la décision – ne souhaitent pas parler de l’accusé, ni de leur douleur d’avoir perdu leurs proches. "Dans ce procès, mes clients ont adopté une position en retrait", confie à franceinfo maître Pauline Dufourq, leur avocate. 

"L’accusation fait son travail, la défense également. Mes clients souhaitent intervenir pour essayer de comprendre, avoir des clés de lecture et des explications."

Pauline Dufourq, avocate du père et de la sœur de Jean-Baptiste Salvaing

à franceinfo

Une démarche pour le coup partagée avec la mère et la sœur de Jessica Schneider. "Sept ans après, elles se replongent dans les détails de l’indicible horreur, elles assistent à tout, de la première à la dernière minute, elles sont très concentrées, elles se comportent, je trouve, comme des jurés, commente leur avocat, Louis Cailliez. Elles étudient les éléments à charge et à décharge pour avoir vraiment une intime conviction" sur l’accusé, un proche du terroriste, qui revendique lui-même une vision la plus rigoriste de l’islam.

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Une intime conviction qui jusqu’à présent est difficile à se forger, tant les questions restent le plus souvent sans réponse, une semaine après le début de l’audience. En témoigne le débat qui a duré plus de trois heures vendredi entre les deux experts en ADN, interrogés pour savoir si l’ADN de Mohamed Aberouz a bien été retrouvé sur l’ordinateur des victimes chez elles. Impossible de dire si un transfert de l’ADN de Mohamed Aberouz a bien eu lieu ou s’il a bien touché l’ordinateur des victimes.

Protéger le plus possible le fils des policiers tués

Du côté des Salvaing, le but, l’obsession même, c’est de mettre le fils des victimes Damien* le plus loin possible de ce procès. À titre d’exemple, son avocate, Pauline Dufourq, a préféré ne jamais le rencontrer, le juge d’instruction ne l’a jamais interrogé. Pourtant, son témoignage – qui peut impliquer la présence d’un deuxième homme lors de l’attentat – est l’un des éléments qui sera ausculté, décortiqué par l’accusation et la défense lundi. Un témoignage qui a été recueilli par des psychologues, dont l’une d’entre elles témoignera lundi après-midi. 

Ainsi, le père et la sœur de Jean-Baptiste Salvaing, qui a la tutelle de son neveu depuis l’attentat, s’ils viennent parler lundi après-midi, ce sera pour évoquer Damien "de manière objective", selon Pauline Dufourq. "Il y a des éléments de sa vie personnelle, de sa situation médicale sur lesquels il ne faut pas aller", insiste l’avocate. Ce week-end, elle a d’ailleurs transmis aux journalistes un communiqué de presse dans lequel la famille de Jean-Baptiste Salvaing dénonce le fait que "certains organes de presse se sont récemment fait le relais d’informations erronées et ayant trait à la vie privée de l’enfant".

Tout en rappelant plusieurs articles de lois qui protègent la vie privée et la dignité des mineurs victimes, les Salvaing rappellent le souhait qu’ils ont d’"un traitement médiatique apaisé et digne de ce procès". 

Une recherche de vérité partagée

En tout cas, d’un avis commun, pas un mot ne sera prononcé sur les premières phrases de l’accusé tenues au premier jour du procès, il y a une semaine. Mohamed Aberouz avait condamné sans ambiguïté les actes de son ami Larossi Abballa tout en rappelant une nouvelle fois son innocence. Josiane et Nathalie Schneider "n’ont pas été touchées par ces premiers mots", indique Louis Cailliez leur avocat. "Il y avait deux dimensions dans cette première prise de parole : une dimension d’excuse, elles ne l’ont absolument pas cru parce qu’elles estimaient au vu du dossier qu’elles avaient à faire à un manipulateur qui essayait de duper son monde et elles ont considéré que ce n’était pas sincère". Et la deuxième dimension, selon leur avocat, "c’est une recherche de vérité" de la part de l’accusé.

"Elles auraient souhaité qu’au cours de cette première semaine d’assises, Mohamed Aberouz s’exprime sur les charges extrêmement incriminantes qui pèsent contre lui."

Louis Cailliez, avocat de la mère et de la sœur de Jessica Schneider

à franceinfo

 

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Des premiers mots qui ont été peut-être un peu mieux accueillis du côté de la famille de Jean-Baptiste Salvaing. "C’est toujours intéressant quand on a des premiers mots de compassion qui sont adressés aux parties civiles, indique pour sa part Pauline Dufourq. Je pense que c’est quelque chose qu’il faut saluer, même si ça n’enlève pas la douleur et la tristesse".

*Le prénom a été modifié

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