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À Nice, cinq ans après l'attentat du 14 Juillet, le traumatisme indélébile des victimes

Ce 14 juillet 2021, la ville rend hommage aux 86 victimes de l'attaque au camion sur la Promenade des Anglais. Le temps qui passe ne guérit pas les blessures psychologiques.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Didier Matrat a perdu son beau-père, tué sur la Promenade le 14 juillet 2016. Cinq ans après, il ressent toujours le besoin de voir un psychologue, après ce qu'il a vu et vécu ce soir-là. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Le 14 juillet 2016, juste après le feu d'artifice, un terroriste fonce sur la Promenade des Anglais, à Nice. Aux commandes d'un camion, il tue 86 personnes, en blesse plus de 200, et traumatise toute une ville. L'attaque est revendiquée par le groupe Etat islamique, même si l'enquête n'a confirmé aucune connexion entre l'organisation terroriste et l'auteur de l'attentat.

Cinq ans plus tard, Nice rend hommage aux victimes, lors d'une cérémonie à la Villa Masséna, en présence du premier ministre, Jean Castex, et des familles et associations de victimes. Pour celles-ci, impossible de tourner la page. Le traumatisme est indélébile.

S'endormir enfin, au risque de revoir l'attentat

Ainsi, cinq ans après l'attentat, Didier Matrat arrive à retourner sur la Promenade, mais pas partout. "Le plus dur est quand j'arrive au niveau de Gambetta. C'est à cet endroit-là que j'ai recherché mon beau-père le 14 juillet 2016", explique-t-il.

Didier Matrat se souvient des cris après le feu d'artifice, de sa belle-mère blessée qu'il retrouve dans un café, des bâches qu'il soulève pour tenter de retrouver son beau-père, et de celles qu'il retient quand le vent les emporte, découvrant ainsi les corps des victimes. Il retrouvera celui de son beau-père trois jours plus tard à l'hôpital.

"Je n'ai pas dormi pendant trois semaines", se rappelle-t-il. "Je ne me suis pas rendu compte de ce que j'avais vu. Le jour où j'ai fermé les yeux pour m'endormir, c'est là que j'ai vu les victimes. J'ai revu tout ce que j'avais vu ce soir-là." Il est depuis suivi par une psychologue. Et tous les ans, quand la cérémonie d'hommage approche, ces images viennent le hanter.

"On se sent vide, on a l'impression qu'on va revivre l'attentat. Ca fait déjà cinq ans mais je pense que ça va être encore long."

Didier Matrat, victime de l'attentat

à franceinfo

Jean-Claude Hubler, co-président de l'association Life for Nice, a ce soir-là secouru des victimes. Il a aussi protégé, sur la plage, des enfants venus très nombreux assister au feu d'artifice, en famille ou en colonie de vacances, essayant de faire en sorte qu'ils voient le moins possible ces scènes d'horreur.

"Maintenant, il faut que tu ailles mieux"

C'est surtout pour ces jeunes qu'il s'inquiète aujourd'hui. Cinq ans après, il y a des lacunes dans leur suivi psychologique. Pour lui, ces victimes indirectes sont des "bombes à retardement". 300 enfants sont notamment suivis à l'hôpital Lenval de Nice. "Mais il y a un manque au niveau de l'Éducation nationale", estime-t-il. "Les professeurs, les directeurs d'établissement ne sont pas au fait. Ils peuvent dire à un gamin : 'Ça fait cinq ans, maintenant il faut peut-être avancer'."

Jean-Claude Hubler, co-président de l'association Life for Nice, s'inquiète cinq ans après l'attentat de l'état psychologique des enfants, nombreux le soir de l'attentat. Il déplore un manque de sensibilisation dans l'Education nationale (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)

Jean-Claude Hubler donne ainsi l'exemple d'un jeune adulte, âgée de 19 ans, "qui n'a pas remis les pieds dans l'Éducation nationale depuis trois ans et demi ! Il est partie parce qu'on lui disait en permanence : 'Maintenant, il faut que tu ailles mieux'." Une enfant se rend malade "quand un camion n'est pas positionné sur la route, qu'il se trouve sur un trottoir".

"Deux camions de la mairie sont entrés dans son école pour couper des arbres. Elle a été malade et l'équipe pédagogique a dit à la mère : 'Il faudrait peut-être que ça avance'."

Jean-Claude Hubler, co-président de l'association Life for Nice

à franceinfo

Pour Jean-Claude Hubler, "il faut une sensibilisation de l'Éducation nationale, aussi bien pour les enfants touchés par l'attentat que pour les autres qui vont arriver derrière."

Quant à l'indemnisation, en juillet 2021, 85% des 2 429 victimes directes ou indirectes de l'attentat se sont vu proposer une offre par le Fonds de Garantie des Victimes. Les 15% restants sont en majorité des personnes "dont l'état de santé n'est pas encore stabilisé", selon le Fonds. Impossible d'évaluer le préjudice. En attendant, elles reçoivent des provisions financières.

Nice 5 ans après l'attentat : reportage de Farida Nouar

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