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Témoignages "Ce sont des enfants, pas des délinquants !" : familles et témoins remettent en question l'attitude de la police après un accident de scooter à Paris

Des policiers parisiens sont soupçonnés d'avoir renversé, lors d'une course-poursuite, trois adolescents sur un scooter, jeudi 13 avril, dans le 20e arrondissement. La conductrice de 17 ans est dans un état grave. franceinfo a rencontré jeudi les parents des victimes.
Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Une voiture de police, à Paris, en décembre 2021 (image d'illustration). (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS)

Deux versions s'opposent dans l'affaire des policiers parisiens soupçonnés d'avoir percuté, jeudi 13 avril, un scooter avec à son bord trois adolescents, dans le 20e arrondissement de Paris. D'un côté, les familles réclament la vérité. De l'autre, la police des polices enquête sur les conditions dans lesquelles ce choc est intervenu.

>> Mineurs percutés à scooter à Paris : ce que l'on sait de l'enquête après la suspension de trois policiers

Selon l'explication de la préfecture de police, les policiers ont voulu contrôler le scooter, la conductrice ne s'est pas arrêtée, a pris une rue à contresens avant de perdre la maîtrise du deux roues. Deux des trois adolescents ont pu être entendus, Safi, la conductrice de 17 ans, est toujours dans un état grave, avec l'estomac perforé et la colonne fracturée, mais son pronostic vital n'est plus engagé, selon le parquet.

"Un coup de volant pour faire tomber les jeunes"

Selon le petit frère de Safi et l'ami de ce dernier, 14 ans tous deux, il n'y avait plus de bus. Ils ont donc choisi de rentrer de la mosquée avec un scooter en libre-service. Quand la police a allumé sa sirène, Safi, la conductrice, a paniqué puis les policiers ont ouvert sur eux une portière, braqué vers eux une arme et enfin mis un coup de volant à droite.

Cette version est corroborée par quatre témoins : un couple à vélo, un livreur à deux roues et Méline, une livreuse en voiture. "J'ai vu les policiers faire une première tentative pour essayer de faire tomber les jeunes en ouvrant leur portière, se souvient Méline. Quelques secondes après, ils ont mis un coup de volant pour faire tomber les jeunes. Je vois le scooter se lever et, surtout, les corps éjectés."

"Je me suis dit 'c'est des malades, ils veulent les tuer', surtout que c'étaient des enfants, des petits corps. On ne peut pas procéder comme ça !"

Méline, témoin de l'accident

à franceinfo

Deux enquêtes sont donc ouvertes. La première concerne le refus d'obtempérer. La seconde, confiée à l'IGPN, se concentre sur les circonstances de la chute du deux-roues, suite à la plainte des familles pour tentative d'assassinat par personne dépositaire de l'autorité publique. Les trois policiers accusés d'avoir percuté le scooter ont été placés en garde à vue à l'IGPN, a appris franceinfo vendredi 21 avril auprès du parquet de Paris. Le préfet de police Laurent Nuñez a par ailleurs signé la demande de suspension pour les trois fonctionnaires, a confirmé la préfecture de police vendredi matin. Ces suspensions sont donc effectives.

Des familles appelées par l'hôpital et non par la police 

franceinfo a rencontré jeudi 20 avril, dans la matinée, les familles des deux enfants. Ces familles ont été appelées seulement dans la nuit par l'hôpital, et non par la police. On leur a parlé d'un accident puis c'est grâce au récit des témoins qu'elles ont compris que ce qui s'était passé était peut-être un peu plus compliqué.

"On se pose énormément de questions, explique Abby, la grande sœur de Salif et Safi. En plus, sur les scooters ce n'étaient pas des gros gabarits, c'étaient des petites silhouettes. Limite, mon petit frère, il est tout petit, peut-être qu'ils ne l'ont pas vu. On souhaite que la lumière soit faite sur cette affaire."

"On ne déclare pas la guerre à la police, on veut juste connaître la vérité, ce qu'il s'est passé, que les enfants retrouvent la santé rapidement et qu'ils rentrent à la maison". 

Abby, la grande sœur de deux victimes

à franceinfo

Même son de cloche quand on interroge Amanda, la maman du petit Ilan qui a été, malgré sa blessure à la jambe, un temps menotté sur le trottoir, puis placé 24 heures en garde à vue. "Mon sentiment c'est de l'inquiétude, psychologiquement, à qui peut-on faire confiance ?, s'insurge la mère de famille. Nos quartiers, nos enfants... Ce sont des enfants ! Inconnus des services de police, ce ne sont pas des délinquants. Honnêtement, c'est de l'incompréhension totale. On peut croire que ce sont des bandits, mais quand on se rend compte que les enfants sont à terre, est-ce que vous pouvez juste prévenir la famille ? Quand mon fils demande, conscient, 'je veux voir ma maman', est-ce que vous pouvez, s'il vous plaît, appeler sa maman ? Je ne comprendrai jamais ces agissements, je pense qu'il y a des gens qui portent un uniforme et qui ne vont pas bien, et je pense qu'il faudrait prendre soin de vous."

"On a demandé aux familles de ne pas aller à l'IGPN"

L'avocat des familles soupçonne des tentatives de dissimulations d'éléments utiles à l'enquête. "Comment les policiers ont tenté d'étouffer cette affaire ? D'abord, on a demandé aux familles de ne pas aller à l'IGPN (la police des polices), et ça c'est particulièrement grave, souligne Arié Alimi, spécialiste des dossiers de violences commis par des policiers. Ensuite, on a essayé d'orienter cette affaire vers un service d'accidentologie qui n'est pas compétent pour traiter ce type d'affaire. On n'a pas prévenu les familles, vous vous rendez compte, on ne prévient pas les familles parce qu'on ne veut pas que les familles sachent ce qu'il s'est passé pour leurs gamins alors qu'il y en a une qui est entre la vie et la mort".

"On a demandé à un témoin d'effacer les vidéos dont elle disposait. C'est une volonté d'obstruction à la manifestation de la vérité."

Arié Alimi, avocat des familles de victimes

à franceinfo

L'avocat et les familles espèrent un geste, une communication rassurante de la part des autorités restées longtemps silencieuses. Entendues par l'IGPN, ces familles souhaitent la transparence. Vendredi, sur franceinfo, Gérald Darmanin a annoncé qu'il demandait la suspension des policiers impliqués et reconnu "une intervention de la police qui n'est pas conforme avec le droit et ce que la déontologie permet". Le ministre de l'Intérieur a assuré avoir "une pensée pour l'une des jeunes filles qui était sur ce scooter et qui est entre la vie et la mort" 

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