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Contrôler plus souvent les habilitations, "multiplier les criblages"… Les pistes pour repérer les fonctionnaires radicalisés

Les questions sont nombreuses après l'attaque mortelle perpétrée par un fonctionnaire de police à la préfecture de Paris jeudi. Comment empêcher que de tels faits se reproduisent ?

Article rédigé par franceinfo
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La préfecture de police a été victime d'une attaque mortelle jeudi 3 octobre 2019, perpétrée par l'un de ses fonctionnaires. (BERTRAND GUAY / AFP)

L'enquête sur l'attaque au couteau à la préfecture de Paris jeudi 3 octobre a été reprise par le parquet anti-terroriste sous les qualifications "d'assassinat et tentative d'assassinat sur personne dépositaire de l'autorité publique en relation avec une entreprise terroriste", ainsi que pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle". Comment un fonctionnaire radicalisé pouvait-il travailler à la préfecture et être habilité secret-défense ? Comment repérer de tels individus ? 

Invités sur franceinfo samedi 4 octobre, des élus, des experts, des policiers donnent des pistes.

"La radicalisation dans la police est un phénomène marginal"  

"La sécurité et l'Éducation nationale ne sont pas les secteurs les plus inquiétants", assure le député LREM Éric Pouillat, co-auteur d'un rapport sur la mission d’information relative aux services publics face à la radicalisation, qui estime "moins armés" les services publics "comme les transports publics, les prisons ou le sport".

Pour Jean-Charles Brisard aussi, la radicalisation dans la police reste un "phénomène marginal". "Il peut y avoir des agents radicalisés partout, même dans des services qui travaillent sur le terrorisme islamiste", reconnaît toutefois le  président du Centre d'analyse du terrorisme

Tous deux donnent des chiffres : une quinzaine d'agents sur 43 000 ont été recensés en juin par l'ancien préfet de police de Paris, selon Jean-Charles Brisard, "une dizaine pour suspicion de comportement radicalisé et cinq pour contacts dans des milieux radicalisés".  Dans son rapport, Éric Pouillat décompte, de son côté, sur l'ensemble des forces de sécurité intérieure (soit 300 000 agents), 30 à 35 personnes "suivies pour suspicion de radicalisation".

Faire le point plus fréquemment sur les habilitations secret-défense

"Les organisations terroristes ont pour objectif d'infiltrer les services de renseignements et de frapper en leur sein", souligne Jean-Charles Brisard. Pour expliquer comment un fonctionnaire radicalisé et habilité secret-défense a pu passer au travers du maillage, le président du Centre d'analyse du terrorisme pointe "le problème" de la fréquence des contrôles, qu'il faudrait réaliser "chaque année", selon lui, au lieu de tous les sept ans. Jean-Charles Brisard précise que les agents signalés font l'objet de "fiches" , dites "actives" pour les personnes suivies, "en veille" pour celles qui font l'objet de contrôles réguliers et "clôturées" si l'on estime qu'il n'y a plus d'indice, depuis longtemps, de radicalisation.

L'habilitation n'est remise en question que si vous avez des signaux faibles ou forts, explique David Le Bars, secrétaire général du syndicat des commissaires de la police nationale. Et cela relève de la responsabilité des personnels, dit-il, car au sein de la police, si l'on est témoin de quelque chose, il faut rendre un signalement écrit. "Si des gens ont vu et su des choses et qu'ils n'ont rien écrit, la responsabilité est immense", assène-t-il.

Mieux contrôler les entrées

Dans le système actuel, tous les policiers qui rentrent pour travailler à la préfecture de police présentent leur carte de service et rentrent une fois qu'ils se sont identifiés. "C'est totalement normal qu'on puisse rentrer avec son arme quand on est un actif", estime David Le Bars. Mais Mickaël Harpon était un informaticien. Comment a-t-il pu faire passer les couteaux ? "Pour un administratif, comme il n'y a pas de fouilles et qu'il a une carte de police, il suffit de mettre le couteau sur soi et qu'il ne soit pas visible", éclaire David Le Bars qui suggère que "certains processus" soient revus.

"Je pense qu'effectivement quand on rentre dans des services très spécialisés, en particulier à la DRPP, puisque ce sont des locaux sécurisés, il faut un minimum de contrôles", renchérit Driss Aït Youssef, spécialiste des questions de sécurité, qui pointe toutefois le risque d'être très vite saturés par des files d'attente interminables pour passer des inspections.

"Multiplier le nombre de 'criblages'" dans les administrations

Mais comment repérer en amont ? Pour Éric Pouillat, la solution passe par des "criblages massifs et plus récurrents". Cela consiste à faire passer l'identité d'une personne dans l'ensemble des fichiers de sécurité. Le député LREM reconnaît que le ministre de l'Intérieur a la volonté de doubler les effectifs du service national des enquêtes administratives de sécurité. 

"Nous pensons qu'il faut multiplier [le criblage] par trois, cinq ou dix […] un criblage massif qui toucherait quatre ou cinq millions de personnes", déclare le député qui convient cependant que cela pose des questions en termes de liberté.

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