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"Les policiers m'ont frappé et m'ont demandé de nettoyer mon propre sang" : ce que l'on sait de la soirée privée qui a dégénéré à Paris samedi

Sept personnes qui participaient à une fête dans un appartement ont été interpellées pour "outrage" et "violences" à l'encontre des policiers. Les agents qui sont intervenus sont également accusés de violence, pendant l'intervention et au commissariat.

Article rédigé par franceinfo
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Capture d'écran montrant la situation géographique de la rue de l'Encheval, dans le 19e arrondissement de Paris. (GOOGLE MAPS)

Ils étaient venus célébrer les 23 ans d'une amie. Sept d'entre eux ont terminé la soirée en garde à vue. Une fête d'anniversaire organisée dans un appartement du 19e arrondissement de Paris a dégénéré, dans la nuit du vendredi 10 au samedi 11 juillet. Appelés pour tapage nocturne, les policiers affirment avoir été frappés par plusieurs fêtards, mais des participants accusent également les policiers de violence. Plusieurs plaintes ont été déposées auprès de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), lundi. Franceinfo résume ce que l'on sait de cette affaire.

Que s'est-il passé ?

La soirée était organisée dans un immeuble de la rue de l'Encheval, tout près du parc des Buttes-Chaumont, dans le nord-est de la capitale. Au plus fort de la soirée, "une trentaine", "peut-être une quarantaine de personnes" se trouvaient dans l'appartement du troisième étage. "C'était une fête tout à fait classique, décrit Christophe*, 24 ans, à franceinfo. "Je suis venu avec deux amis, il y avait de la musique, de l'alcool, des rires. Quelque chose de très banal, vraiment."

Vers "1h30 ou 2 heures du matin", une voiture de police se gare en bas de l'immeuble. L'équipage, qui dépend du commissariat du 19e, vient d'être appelé par des voisins pour tapage nocturne. "La musique était effectivement un peu trop forte par moments, admet Christophe, surtout que les fenêtres étaient ouvertes. Je peux comprendre que ça dérangeait. Ça vaut une amende et un arrêt de la soirée sur le champ, c'est tout."

Pourtant, quelques heures plus tard, sept participants sont placés en garde à vue au commissariat de la rue Erik Satie. Une femme et six hommes, dont Christophe, "tous dans la même tranche d'âge".

Comment la police décrit-elle les événements ?

Les agents appelés pour tapage nocturne affirment être tombés "sur une quarantaine de jeunes avinés se trouvant dans les parties communes de l'immeuble", rapporte Le Parisien. Le déroulement des événements reste imprécis, mais la situation tourne à l'affrontement, selon le quotidien.

Une source policière explique à l'AFP que les policiers ont d'abord verbalisé l'occupante de l'appartement. En repartant, ils ont aussi interpellé pour "outrage" une femme qui venait de les injurier, dans le hall de l'immeuble. "A ce moment-là, ceux qui étaient dans l'appartement sont descendus et s'en sont pris aux policiers, y compris physiquement", raconte cette source. "L'un d'eux a menacé de prendre l'arme du policier et de lui tirer une balle dans la tête, le véhicule des policiers a été dégradé", poursuit cette même source. Des renforts sont alors appelés et sept personnes sont interpellées, tandis que deux policiers, légèrement blessés, sont emmenés à l'hôpital.

La préfecture de police de Paris a d'ailleurs réagi dans la nuit à travers un tweet de soutien aux policiers. "Cette nuit, alors qu'ils intervenaient sur un tapage nocturne, les policiers locaux ont été pris à partie par plusieurs dizaines de fêtards (…) Soutien aux 2 policiers légèrement blessés conduits à l'hôpital."

Quelle est la version des participants à la fête ?

Elle est bien différente. Ils estiment avoir été eux-mêmes victimes de violences de la part des policiers présents sur place. "La fille dont c'était l'anniversaire s'est fait violenter en bas, raconte un des fêtards. Quand elle est remontée avec du sang partout, ça a mis un froid." Un autre se souvient de policiers beaucoup plus nombreux, "entre 30 et 50", "très énervés", "très méchants". Lisa*, que franceinfo a contactée, souffre toujours, trois jours après, d'une "énorme ecchymose au niveau de la clavicule", conséquence "des nombreux coups de matraques que les policiers m'ont infligés dans le hall de l'immeuble."

Je ne comprends pas comment ils ont pu en arriver là. Vous verriez mon gabarit...

Lisa*

à franceinfo

Christophe, lui, ne comprend "toujours pas" pourquoi un policier lui a passé les menottes. "Enfin si, j'ai vite compris ce qui m'arrivait, assure-t-il. Une fois dans le camion, ils ont commencé à me crier dessus, à me traiter de fils de pute… Ils me disaient que j'avais frappé leurs collègues. J'avais beau leur dire qu'il y avait erreur, ils ne voulaient rien entendre."

Après les insultes, les coups, selon son témoignage : arrivé au commissariat, il raconte que "trois policiers se sont jetés" sur lui, "l'un d'eux m'a fait une balayette, m'a relevé par le cou avant de me mettre une droite. J'étais au sol, sonné, plein de vertiges et je saignais". Il explique que les agents lui ont alors "demandé de nettoyer" son propre sang. "Ils m'ont balancé de l'essuie-tout et du gel hydroalcoolique en me répétant que ce n'était pas à la femme de ménage de le faire, et que j'avais plutôt à intérêt à obéir."

Je me suis exécuté. Après avoir été frappé par les policiers, j'ai nettoyé mon propre sang. C'était humiliant, mais j'avais tellement peur qu'ils se remettent à me taper...

Christophe*

à franceinfo

Les sept personnes sont désormais toutes sorties de garde à vue. Christophe, lui, a retrouvé l'extérieur samedi vers 11 heures. Il souffre d'une fracture au niveau de l'arcade sourcilière. Pour d'autres, on parle aussi de "bleus", de "coquards", d'un "bras cassé", d'"insultes homophobes", d'"injures sexistes".

Une enquête a-t-elle été ouverte ?

Oui, une enquête des chefs de "violences sur personne dépositaire de l'autorité publique" se poursuit concernant cinq des sept personnes placées en garde à vue dans la nuit de vendredi à samedi, a appris franceinfo de source judiciaire. Le parquet de Paris a dessaisi le commissariat central du 19e arrondissement de l'affaire. L'enquête sera traitée par un autre service enquêteur.

Les deux autres personnes gardées à vue ont, pour l'un, fait l'objet d'un rappel à la loi pour "outrage sur personne de l'autorité publique" et, pour l'autre, vu la procédure classée sans suite.

Par ailleurs, quatre personnes se sont présentées lundi à l'IGPN pour déposer plainte contre les policiers. Christophe, défendu par maître Raphaël Kempf, en fait partie. "Mon client conteste avoir adressé le moindre coup aux policiers, rapporte l'avocat à franceinfo. Ce que je vois, en revanche, c'est qu'il est arrivé en bonne santé à la soirée et qu'il est ressorti avec des traces de coup de sa garde à vue." Lisa envisage aussi de porter plainte "dans les prochains jours".

* Les prénoms ont été modifiés à la demande des intéressés.

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