Crash du vol Rio-Paris : trois questions sur le procès d'Airbus et Air France, qui s'ouvre treize ans après le drame
L'avionneur européen et la compagnie française sont jugés pour "homicides involontaires", à partir de lundi, à Paris. Le procès doit durer jusqu'en décembre.
C'est la catastrophe la plus meurtrière de l'histoire d'Air France. Plus de 13 ans après le crash qui a fait 228 morts dans l'Atlantique le 1er juin 2009, le procès du vol AF447 Rio-Paris s'ouvre en France, lundi 10 octobre. Les juges doivent déterminer la responsabilité d'Airbus et d'Air France, qui contestent toute faute pénale. Franceinfo vous présente les enjeux des audiences de ce procès, prévu jusqu'au 8 décembre.
Qu'est-il reproché à Airbus et Air France ?
Les deux entreprises, qui encourent 225 000 euros d'amende, sont jugées pour "homicides involontaires". Les investigations ont montré que les pilotes, pris dans un orage, ont été désorientés par le givrage des sondes de vitesse Pitot. Ils n'ont pas pu rattraper le décrochage de l'appareil, qui a eu lieu en moins de cinq minutes, comme le raconte cette vidéo.
A l'issue de l'enquête, la justice a estimé qu'il existait des charges suffisantes contre Air France, pour s'être "abstenu de mettre en œuvre une formation adaptée" et "l'information des équipages qui s'imposait" face au givrage des sondes. Ce manquement aurait "empêché les pilotes de réagir comme il le fallait". L'entreprise conteste cette lecture et entend plaider la relaxe, estimant n'avoir "pas commis de faute pénale à l'origine de l'accident".
De son côté, Airbus est renvoyé pour avoir "sous-estimé la gravité des défaillances des sondes". Des incidents sur des sondes Pitot s'étaient multipliées dans les mois précédant l'accident. L'avionneur n'aurait pas pris "toutes les dispositions nécessaires pour informer d'urgence les équipages des sociétés exploitantes et contribuer à les former efficacement". Là aussi, la société conteste toute faute pénale.
Pourquoi ce procès arrive-t-il si tard ?
Ce rendez-vous devant les juges est l'aboutissement d'un long parcours technique et judiciaire. Si les premiers débris, ainsi que des corps, ont été retrouvés dans les jours qui ont suivi le crash, l'épave n'a été localisée que deux ans plus tard, en avril 2011, à 3 900 m d'un fond entouré de hauts reliefs sous-marins. "Deux ans d'attente, avec des rebondissements, des mauvaises surprises, des mauvaises informations", se souvient Corinne Soulas, la mère d'une disparue, dont le corps n'a jamais été retrouvé.
C'est seulement lors d'une quatrième phase de recherches que les boîtes noires ont pu être repêchées, confirmant le problème de givrage des sondes de vitesse. Après une succession d'expertises, les juges d'instruction ont prononcé un non-lieu, le 29 août 2019. Scandalisés, les proches des victimes et les syndicats de pilotes ont fait appel, comme le parquet.
Le 12 mai 2021, la chambre de l'instruction a finalement prononcé le renvoi des deux entreprises devant un tribunal correctionnel. S'il a eu le sentiment d'être "le pot de terre contre le pot de fer" face à Air France et Airbus, le vice-président de l'association de proches de victimes Entraide et Solidarité AF447, Philippe Linguet, se félicite que le procès se tienne, après "treize années de hauts et de bas". Il y voit un message d'espoir : "Battez-vous."
Qu'en attendent les parties civiles ?
A l'issue d'un "combat judiciaire" et d'une instruction "chaotique", "nous attendons que ce procès soit bien le procès d'Airbus et d'Air France", insiste la présidente d'Entraide et Solidarité AF447, Danièle Lamy. Elle redoute que le procès devienne "celui des pilotes", tués dans l'accident, sur lesquels les accusés pourraient chercher à faire peser la responsabilité du crash.
"Nous attendons un procès impartial, exemplaire, pour que cela ne se reproduise plus et que, par ce procès, les deux prévenus mettent la sécurité aérienne au centre de leurs préoccupations plutôt que seulement la rentabilité", insiste Danièle Lamy.
L'avion transportait des personnes de 33 nationalités différentes, dont 72 Français, sur un total de 216 passagers et 12 membres d'équipage. Depuis le drame, 476 proches se sont constitués parties civiles. "C'est un procès qui va être très technique", prévient l'avocat d'Entraide et Solidarité Alain Jakubowicz.
"Notre souci aussi, c'est de redonner cette dimension humaine. (...) Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, qui sont morts, qui pouvaient être vous ou moi."
Alain Jakubowicz, avocat d'une association de proches de victimesà l'AFP
Pour Ophélie Toulliou, sœur d'un disparu, l'objectif "est de leur rendre hommage, que la vérité soit sue, que les condamnations, si elles sont méritées, tombent".
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