Attentats en France : les pistes à l'étude pour renforcer la lutte contre le terrorisme
Une réunion au sommet consacrée à la sécurité intérieure a eu lieu lundi matin à l'Elysée. D'autres rendez-vous sont programmés au niveau européen.
Le défi est de taille. Au lendemain d'une mobilisation historique en France contre le terrorisme islamiste, la priorité numéro 1 du gouvernement est de renforcer la sécurité face à une menace plus présente que jamais. Une réunion au sommet, consacrée à la sécurité intérieure, s'est déroulée lundi 12 janvier au matin à l'Elysée. D'autres rendez-vous sont fixés au niveau européen pour renforcer la lutte contre ces attaques qui ont endeuillé la France.
Francetv info liste les mesures à l'étude ou déjà validées.
Renforcer les contrôles aux frontières européennes
Cette mesure ne relève pas que de la France, mais elle fait partie des premières pistes évoquées lors d'une conférence internationale sur le terrorisme qui a eu lieu dimanche place Beauvau, à Paris.
Bernard Cazeneuve, onze ministres européens de l'Intérieur, le secrétaire américain à la Justice et son homologue canadien ont appelé à renforcer les contrôles des mouvements aux frontières extérieures de l'Union européenne.
En outre, le ministre espagnol de l'Intérieur, Jorge Fernandez Diaz, a réclamé des modifications dans l'accord de Schengen afin d'établir des contrôles aux frontières au sein de cet espace de libre-circulation, dans le but d'entraver la mobilité de combattants islamistes de retour en Europe.
Créer un fichier européen des passagers aériens
En France, un décret paru au Journal officiel en septembre 2014 prévoit la collecte des données de réservation et d'enregistrement des passagers aériens des vols à destination et en provenance de la France. Depuis le 1er janvier 2015, leur identité, leur itinéraire et d'autres renseignements (numéro de siège, moyen de paiement…) y figurent. Objectif de ce fichier : mieux suivre les déplacements des candidats au jihad. Les données seront conservées cinq ans.
Lors de la réunion de dimanche, les ministres se sont dits "convaincus de la nécessité cruciale et urgente" d'établir un tel fichier au niveau européen. Ils ont affirmé être prêts, selon Les Echos, à se confronter au Parlement européen, qui bloque sur ce point pour des questions de libertés individuelles.
Renforcer la loi antiterroriste
Comme le rapporte Le Figaro, à la veille de l'attaque contre Charlie Hebdo, le député UMP de l'Yonne Guillaume Larrivé avait appelé "Manuel Valls et Bernard Cazeneuve à publier, en extrême urgence, les décrets d'application de la loi antiterroriste" du 13 novembre 2014. "Nous allons faire en sorte qu’ils sortent le plus vite possible", a assuré le Premier ministre, Manuel Valls, vendredi.
Les députés ont notamment introduit en septembre un "délit d’entreprise terroriste individuelle",la confiscation pendant six mois de la carte d'identité et du passeport d'un individu suspecté de vouloir partir faire le jihad, et le blocage des sites faisant l'apologie du terrorisme.
Insuffisant pour l'opposition, qui réclame un renforcement de cette loi, sur le modèle du Patriot Act adopté aux Etats-Unis un mois et demi après le 11-Septembre. "Il faudra envisager de créer une véritable incrimination pour consultation d’un site internet terroriste, de pouvoir retirer les passeports à ceux dont on sait qu’ils ont participé à des entraînements terroristes (…)", détaille le député UMP Philippe Goujon dans La Croix.
Réponse de Manuel Valls : il ne faut pas "légiférer dans la précipitation". Mais sur BFMTV, le Premier ministre a affirmé lundi souhaiter "améliorer" le système d'écoutes, qui doit être "plus performant".
Etablir une liste européenne des jihadistes ?
Le suivi des frères Kouachi et d'Amedy Coulibaly, qui n'étaient plus sur écoute depuis fin 2013 et juin 2014, a révélé des failles dans le fonctionnement des services de renseignement français. Manuel Valls a d'ores et déjà annoncé la création de 500 postes supplémentaires pour le renseignement intérieur, dont l’organisation, comme le rappelle Libération, doit faire l’objet d’une nouvelle loi programmée au troisième trimestre 2015.
Sur le plan international, "les Etats insistent à nouveau sur l'importance de fluidifier les échanges d'informations entre services contre-terroristes" pour "se partager les listes de jihadistes", écrit Le Figaro. Pour tenter de mieux les recenser et limiter leurs mouvements, le ministre belge de l'Intérieur, Jan Jambon, propose l'établissement d'une "liste européenne des combattants étrangers".
Certains émettent toutefois des réserves : "Des listes, on peut en établir des kilomètres ! La seule question qui vaille est : 'qu'est-ce qu'on en fait ?'", s'interroge un magistrat dans les colonnes du quotidien.
Isoler les détenus islamistes en prison
L'enquête sur les trois terroristes a montré qu'ils s'étaient radicalisés en prison au contact d'un prédicateur islamiste. La question de la radicalisation et du recrutement de jihadistes en détention est donc de nouveau centrale. A Fresnes (Val-de-Marne), une expérimentation visant à créer une unité isolée pour les islamistes est en cours. Manuel Valls a annoncé lundi matin vouloir généraliser cette expérience. Dans Le Figaro, le juge antiterroriste Marc Trévidic estime qu'il faut veiller aux différents niveaux de radicalisation : "Il n'est pas normal qu'un islamiste chevronné se retrouve en détention avec un petit apprenti." "Il faut le faire avec discernement et intelligence", concède le Premier ministre.
Dans La Croix, Jean-Marc Bailleul, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, abonde dans ce sens : "Il faut cesser de mettre en contact, dans les maisons d'arrêt, des primo-délinquants avec des prédicateurs avérés ou des terroristes chevronnés." Dans l'opposition, certains, comme le député UMP Philippe Goujon, prônent même la création de centres de déradicalisation, "car la prison n’est manifestement pas suffisante". Le député UMP Eric Ciotti réclame lui aussi la création de "centres de rétention fermés" pour les terroristes.
Lutter contre le trafic d'armes
Kalachnikovs, armes de poing, lance-roquette, explosifs… Les frères Kouachi et Amedy Coulibaly détenaient un veritable arsenal de guerre, listé par L'Obs. "On peut hélas, depuis longtemps, se procurer ce genre d'armes de guerre sans attirer l'attention", confie à l'hebdomadaire un responsable de la lutte antiterroriste sous couvert d'anonymat.
Comme le signale lundi matin le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, sur France Inter, la lutte contre le trafic d'armes fait ainsi partie des pistes évoquées lors de la conférence internationale contre le terrorisme.
.@LaurentFabius les pistes évoquées hier : Internet, les prisons, le registre des passagers en Europe et la question du trafic d’armes
— France Inter (@franceinter) January 12, 2015
Selon Les Echos, l'objectif est "d'améliorer la lutte contre la circulation et le commerce illégal des armes".
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.