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Viande de cheval : l'étau se resserre sur un trader néerlandais

Le nom du négociant Jan Faser concentre l'attention depuis que Panzani a retrouvé du cheval dans ses raviolis. Il avait fourni de la viande au sous-traitant de la marque française.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Un boucher chevalin découpe sa viande à Valenciennes (Nord), le 22 février 2013. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Après Spanghero, Findus, Picard ou encore Ikea, la société Gel Alpes, fournisseur de William Saurin et Panzani, est à son tour concernée par le scandale de la viande de cheval, mardi 26 février. Gel Alpes est passé par les mêmes circuits que Spanghero, qui aboutissent à la société Draap Trading Ltd, un courtier en viande. Son patron, Jan Fasen, rejetait jusqu’à présent toute responsabilité dans la tromperie, mais un faisceau d'éléments attire l’attention sur ce mystérieux trader néerlandais.

Un rôle d'intermédiaire

Le rôle d’un trader en viande comme Jan Fasen est de permettre aux abattoirs d’écouler leur viande sur les marchés. Il ne travaille pas comme dans une place boursière, entouré d’ordinateurs, explique Nour Najem, un trader français interrogé par Le Point. Il gère ses commandes par téléphone et les prix de la marchandise "sont déconnectés de la Bourse". Les marges restant assez faibles pour les produits alimentaires, le courtier doit jongler avec des masses de viande très importantes pour diminuer les coûts et s’assurer une rentabilité. 

L’entreprise Draap utilise le plus souvent d'autres intermédiaires pour négocier et acheter le minerai de viande. Les produits sont stockés dans des chambres froides, notamment aux Pays-Bas, avant d'être revendus à des entreprises comme Spanghero. Il y a souvent plusieurs intermédiaires entre le fournisseur et l'entreprise qui commercialise la viande. Dans le cas de Spanghero, l'entreprise a passé commande à Draap, qui a sous-traité à l'entreprise néerlandaise Windmeijer Meat Trading, laquelle a négocié la viande avec les abattoirs roumains, comme le montre cette infographie de RFI.

Un spécialiste du cheval

La société Draap est spécialisée dans la viande de cheval (le mot Draap est un palindrome de "Paard", cheval en hollandais). Mais elle ne vend pas que du cheval, sans que l'on sache quelle proportion de ses transactions représentent les différentes viandes. Une enquête de l’OCCRP (lien en anglais), une organisation de journalistes qui lutte contre la corruption et le crime organisé, rapporte le témoignage d’un dirigeant d'abattoir roumain qui a travaillé deux ans avec Draap : "Ils ont commencé à nous acheter de la viande de bœuf il y a un mois, mais auparavant, ils n’achetaient que du cheval." Le trader en viande a donc diversifié ses activités.

De précédentes "erreurs"

En 2011, Draap a démontré qu'il ne faisait pas toujours la différence entre le bœuf et le cheval, selon le témoignage d’un industriel français recueilli par Europe 1. Rémi Arnauld de Sartre, PDG de Toupnot, une société de conserves de viande installée à Lourdes, raconte que des tests ADN lui ont permis de se rendre compte que sa livraison étiquetée "bœuf" était en réalité du cheval.

Plus grave, Jan Fasen a déja eu affaire à la justice. Il a été condamné à un an de prison en janvier 2012 pour avoir vendu des tonnes de viande de cheval venue d'Amérique du Sud et étiquetée comme "bœuf halal". Son intermédiaire habituel, Hans Windmeijer, également impliqué, n'a écopé que de trois mois avec sursis. Une escroquerie juteuse qui a rapporté un bénéfice de 3,8 millions d’euros aux deux traders. Jan Fasen, qui ne reconnaît pas les faits, a fait appel de la décision.

Un manque de transparence financière

L’enquête de l’OCCRP révèle aussi l’opacité de la société Draap. Celle-ci a enregistré son siège à Limassol, à Chypre. Un choix loin d'être innocent, selon Paul Radu, de l’OCCRP, interrogé par Libération : "Il est courant d’utiliser des sociétés basées à Chypre pour des raisons d’optimisation fiscale." Draap est constitué d'un seul actionnaire nommé Hermes Guardian Ltd, une compagnie domiciliée sur les îles Vierges britanniques, un paradis fiscal. Pour Paul Radu, "cette deuxième strate indique un besoin de secret".

Des dénégations puis un silence radio

Face aux accusations, la stratégie des traders néerlandais a évolué en fonction des révélations. Dans un entretien au Guardian (lien en anglais), Jan Fasen se dédouane de toute responsabilité dans l’affaire des lasagnes au cheval : "Nous (…) avons vendu [la viande] en France à Spanghero (...) comme étant du cheval. Il n'y a aucun problème. Quelqu'un a fait une erreur et ce n'est définitivement pas nous." Mais depuis cette interview, Jan Fasen comme son avocat refusent de répondre aux questions des médias. Quant à Hans Windmeijer, l'autre intermédiaire concerné par l'affaire, il a disparu de la circulation, selon le quotidien néerlandais De Telegraaf.

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