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Violences urbaines : le maire de Trappes dénonce "l'arrogance" d'Emmanuel Macron et réclame "un plan vigoureux, massif et ambitieux" pour les banlieues

Plus de 200 maires de communes touchées par les émeutes de ces derniers jours sont reçus ce mardi à l'Elysée. "En réalité, on s'intéresse aux banlieues quand ça brûle. Et une fois le feu éteint, on oublie, on retourne à l'actualité normale", regrette le maire de Trappes, dans les Yvelines.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Ali Rabeh, maire de Trappes, était l'invité de franceinfo le 4 juillet 2023. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Alors qu’Emmanuel Macron reçoit à l'Élysée mardi 4 juillet plus de 200 maires des communes victimes de violences urbaines, Ali Rabeh, maire de Trappes (Yvelines), dénonce sur franceinfo l'"arrogance" du chef de l’État. Avec Matignon, déplore-t-il, "il n’a même pas daigné répondre aux demandes de rendez-vous" des associations et des maires de banlieue qui ont alerté dans une tribune le 24 mai sur le fait qu'ils se trouvaient "au bord du précipice".

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Le maire de Trappes réclame "un plan vigoureux, massif, ambitieux et qui ne demande pas forcément d'argent supplémentaire" pour les banlieues. Il lance un cri d’alarme : "Arrêtons de vivre chacun dans un entre-soi, chacun dans son enclave. Soyons capables d'accepter d'organiser la mixité à l'échelle de tous les quartiers, de toutes les villes."

franceinfo : Le risque, pour les habitants des banlieues, c'est de tomber dans une forme de fatalisme ?

Ali Rabeh : C'est exactement notre crainte à nous, les maires, les habitants de ces quartiers, tous ceux qui sont bénévoles au quotidien sur le terrain : c'est qu'en réalité, on s'intéresse aux banlieues quand ça brûle. Et une fois le feu éteint, on oublie, on retourne à l'actualité normale. Le pouvoir politique détourne les yeux, comme l'a fait Emmanuel Macron depuis six ans maintenant. Les causes structurelles, l'absence de mixité sociale, l'échec scolaire, collectif, se poursuivent. Évidemment, nous préparions ainsi les ingrédients de la future explosion.

Pourtant, les maires ont appelé à l’aide à plusieurs reprises. Vous n’avez pas été entendus ?

Depuis l'appel à l’aide de Grigny et le plan Borloo en 2017, les maires travaillaient d'ailleurs pour proposer tout un plan d'action élaboré, structuré, de tous bords politiques. Les maires, de nouveau, depuis la crise Covid, alertent et annoncent l'explosion sociale, l’explosion de ces émeutes qui étaient attendues. Il y a à peine un mois, 30 maires ont publié une tribune dans Le Monde pour dire que nous étions au bord du précipice. Mais rien n'a été entendu par l'Élysée et Matignon. Ils n'ont même pas daigné répondre aux demandes de rendez-vous de ces associations et de ces maires de banlieue. Maintenant, nous sommes dans le précipice.

Du côté de la majorité, on répond que ce n'est pas parce qu'il y a eu ce fameux malentendu avec Jean-Louis Borloo que rien n’a été fait. Vous êtes d’accord ?

Ça n'a rien à voir avec des malentendus. Il y a l'arrogance habituelle d’un pouvoir politique et d'un président de la République qui ne comprend tout simplement pas ce qui se passe sur le terrain. Il ne connaît pas sa population. Depuis la crise des "gilets jaunes" jusqu'à la crise des banlieues. Aujourd'hui, il y a deux mondes différents, mais qui vivent les mêmes difficultés et que le président a traité par la même arrogance. On n'est pas sur une histoire de malentendu, on est sur une différence de diagnostic et une incapacité à prendre en compte le réel pour pouvoir agir efficacement.

"Il faut que de cette crise émerge quelque chose de positif."

Ali Rabeh, maire de Trappes

à franceinfo

Il reste malgré tout un espoir, même s'il est bien mince, en allant à ce rendez-vous convoqué la veille pour le lendemain par l'Élysée : c'est l'espoir qu'il ait malgré tout une prise de conscience au-delà de saupoudrage de subventions. Je ne demande plus de subventions dans nos quartiers. J’en ai marre de ces subventions qui nous permettent de nous acheter une bonne conscience. Je demande un plan vigoureux, massif, ambitieux, et qui ne demande pas forcément d'argent supplémentaire, pour organiser la mixité. C’est à la société dans son ensemble que je lance ce cri d’alarme : arrêtons de vivre chacun dans un entre-soi, chacun dans son enclave, enclaves de richesses d'une part, enclaves de pauvreté d'autre part. Soyons capables d'accepter d'organiser la mixité à l'échelle de tous les quartiers, de toutes les villes. Pour cela, il faut aussi que nous respections tous la loi. Les maires délinquants qui refusent de construire des logements sociaux en Île-de-France, par exemple, et partout en France, créent de fait les conditions du malheur de ces quelques villes qui accueillent toute la misère de notre territoire.

C’est l'affaire de tous ?

Vous pouvez refaire la façade de l'immeuble ou en détruire un, ça ne changera rien au fait que derrière, ce sera toujours des familles misérables qui vivent une accumulation de malheurs. Un taux de pauvreté trois fois supérieur à la moyenne nationale, un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale, des familles qui sont beaucoup moins diplômées, beaucoup moins équipées et des problèmes médicaux massifs dans ces quartiers où il y a beaucoup moins de médecins, beaucoup moins de spécialistes. Ces malheurs se concentrent et se cumulent sur ces territoires. La politique de la ville permet d'aider certains à s'en sortir par l'école, par l'entrepreneuriat, par la culture, par le sport. Ceux qui s’en sortent s’en vont dès qu'ils le peuvent. Ces ghettos restent des ghettos puisqu'ils accueillent uniquement des familles en grande difficulté. Il faut sortir de ça. Pour ça, il faut que toutes les familles, quel que soit leur niveau de richesse, leurs revenus puissent se loger partout, y compris dans les villes très riches. À Maisons-Laffitte, dans les Yvelines, il y a 10% de logements sociaux. Le maire viole délibérément la loi et refuse de construire. À Trappes, il y a 60% de logements sociaux. Tant qu'on ne sort pas de cela, on vivra chacun dans une sorte de ségrégation qui nous condamne au malheur.

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