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Présidentielle : les trois principaux ingrédients de la première place d'Emmanuel Macron

Le candidat d'En marche ! est arrivé en tête du premier tour, dimanche 23 avril, devant Marine Le Pen.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron salue ses partisans, le 23 avril 2017, à Paris. (PHILIPPE WOJAZER / REUTERS)

Au moment du lancement d'En marche !, en avril 2016, le pari semblait fou : se qualifier pour le second tour de l'élection présidentielle. Un an plus tard, Emmanuel Macron y est parvenu. Arrivé en tête du premier tour avec 23,86% des voix, il aborde la dernière ligne droite en position de favori, face à Marine Le Pen.

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L'ancien ministre de l'Economie s'offre un parcours hors norme en politique, qui peut s'expliquer par plusieurs facteurs : l'envie de renouvellement exprimée par les Français, l'incarnation du vote utile... et une dose de chance.

1Il a réussi à incarner une forme de changement

Emmanuel Macron a beau être passé par l'ENA et l'Inspection des finances, avoir travaillé pour la banque Rothschild et être devenu secrétaire général adjoint de l'Elysée puis ministre de l'Economie, il a réussi à apparaître comme un homme neuf, notamment parce qu'il n'a jamais été élu. C'est sans doute une des clefs de sa qualification au second tour. En dehors des partis traditionnels, il a su incarner le renouvellement plébiscité cette année par les électeurs français, dont une partie avait déjà choisi de "sortir les sortants" comme Nicolas Sarkozy, Alain Juppé ou Manuel Valls, éliminé lors des primaires. D'après notre enquête Ipsos/Sopra Steria sur le vote des Français, la principale motivation des électeurs d'Emmanuel Macron a été qu'"il incarne le changement".

Extrait de l'enquête "Comprendre le vote des Français". (IPSOS/SOPRA STERIA / FRANCE TELEVISIONS)

Outre sa personnalité, Emmanuel Macron a porté une offre politique nouvelle avec son positionnement "de droite et de gauche", assurant que le traditionnel clivage entre la gauche et la droite n'était plus opérant.

Il a eu une intuition juste sur le rassemblement et le renouvellement souhaités par les Français. C'est ce que le pays attendait, qu'il fallait faire cesser les clivages artificiels, lui l'a senti avant tous les autres.

Richard Ferrand, député socialiste et numéro 2 d'En marche !

Emmanuel Macron s'est engagé à ce que ce renouvellement se traduise par de "nouveaux visages". De fait, les candidats En marche ! investis aux législatives et mis en avant par le mouvement sont en grande partie de nouveaux venus en politique, même s'ils appartiennent pour beaucoup à des catégories socioprofessionnelles supérieures. Il s'est également permis de fermer la porte à plusieurs poids lourds socialistes qui auraient pu figurer dans sa majorité ou son gouvernement : "Nous n'avons pas fondé une maison d'hôtes", avait-il sèchement répondu aux appels du pied de Manuel Valls.

Ce renouveau a séduit : en un an seulement, En marche ! a levé plus de 9 millions d'euros et attiré 250 000 adhérents, comme l'expliquent Les Echos. Beaucoup sont des militants novices en politique, souvent jeunes, qui ont fondé plus de 3 000 comités locaux sur le territoire. La dernière semaine de campagne, le mouvement affirmait ainsi que 1 000 événements par jour étaient organisés dans toute la France. Dans nombre de ses meetings, dont le premier d'ampleur a été organisé le 10 décembre 2016 à Paris, l'enthousiasme et la ferveur étaient visibles.

2Il s'est présenté comme un rempart face aux extrêmes

En parallèle de la popularité de Marine Le Pen et de Jean-Luc Mélenchon, Emmanuel Macron est apparu comme une valeur refuge pour nombre d'électeurs, notamment ceux attachés à l'Union européenne. Selon notre enquête Ipsos/Sopra Steria sur le vote des Français, réalisée du 19 au 22 avril, l'Amiénois a été considéré comme le candidat le plus "rassurant", tant par sa personnalité que par son programme. Il est aussi, des cinq principaux protagonistes du scrutin, celui jugé le plus à même d'"améliorer" la situation de la France dans les prochaines années.

Le fondateur d'En marche ! s'est lui-même présenté comme "le seul candidat qui rassemble". Jouant la carte de l'unité plutôt que des clivages, il a ratissé large, avec un programme lisse et des soutiens hétéroclites. Selon notre enquête Ipsos/Sopra Steria sur la sociologie de l'électorat, l'ancien protégé de François Hollande a réussi à séduire 47% des électeurs du candidat socialiste en 2012. Une performance notable alors qu'il a fait partie d'un exécutif impopulaire, dont il a réussi à se distancer. Il a également attiré 43% des électeurs de François Bayrou et 17% de ceux de Nicolas Sarkozy.

Extrait de l'étude "1er tour : sociologie des électorats". (IPSOS/SOPRA STERIA / FRANCE TELEVISIONS)

Porté par les sondages, qui faisaient de lui le principal rival du Front national, Emmanuel Macron a pu bénéficier d'un "vote utile" venant de divers bords. Par exemple, face aux études d'opinion prédisant un faible score à Benoît Hamon, des électeurs de gauche ont pu faire le choix de lui accorder leur suffrage afin d'éviter un second tour entre François Fillon et Marine Le Pen.

3Il a profité des circonstances

Les partisans d'Emmanuel Macron appellent cela une "intuition", mais il est difficile d'écarter un facteur chance dans la percée du candidat. A plusieurs reprises, depuis un an, le fondateur d'En marche ! a bénéficié de circonstances favorables extérieures à sa campagne, à droite comme à gauche.

Quand le ministre de l'Economie lance son mouvement, en avril 2016, le favori de l'élection présidentielle s'appelle Alain Juppé. Son positionnement modéré aurait pu coûter cher à Emmanuel Macron, mais le maire de Bordeaux a été éliminé lors de la primaire de la droite, au profit du plus conservateur François Fillon. Designé candidat des Républicains fin novembre, ce dernier est devenu immédiatement le favori de l'élection. C'était sans compter les affaires, qui ont éclaté deux mois plus tard. Emmanuel Macron l'a alors distancé, aidé en cela par le ralliement de François Bayrou et un accent mis sur la moralisation de la vie publique.

L'ancien banquier a aussi été un des premiers à miser sur le renoncement du président de la République. Dès la mi-avril 2016, en privé, il a estimé que le chef de l'Etat n'aurait pas les moyens de se représenter. D'une certaine façon, il a contribué en partie à la décision du chef de l'Etat, puisqu'il a annoncé sa candidature avant que François Hollande n'ait annoncé officiellement sa décision. Enfin, la désignation de Benoît Hamon à la primaire de la gauche a laissé libre l'espace du centre gauche, qui aurait pu être occupé par Manuel Valls.

Il a eu un alignement des planètes exceptionnel. Mais en politique, la chance est nécessaire, pas suffisante.

Corinne Lepage, présidente de Cap 21 et soutien d'Emmanuel Macron

* Estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France, Le Point, Le Monde, France 24 et les chaînes parlementaires.

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