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Présidentielle : les cinq défis qui attendent Marine Le Pen après son échec

La candidate du Front national a essuyé une défaite au second tour de l'élection présidentielle, en obtenant 33,9% des voix. Franceinfo s'intéresse aux enjeux sur lesquels doit désormais se concentrer Marine Le Pen.

Article rédigé par Clément Parrot, Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9 min
Marine Le Pen, lors d'une visite dans une entreprise à Dol-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), le 4 mai 2017. (JEAN CLAUDE MOSCHETTI / REA)

Marine Le Pen n'est pas parvenue à briser le plafond de verre. La candidate du Front national a été battue par Emmanuel Macron au second tour de l'élection présidentielle, dimanche 7 mai. Avec seulement 33,9% des voix, la fille de Jean-Marie Le Pen réalise un score presque décevant au regard de ses attentes. Elle a toutefois passé le seuil des 10 millions de voix, un résultat sur lequel elle compte capitaliser pour devenir "la première force d'opposition au nouveau président". Législatives, leadership, rénovation du Front national... Franceinfo fait le point sur les cinq défis qui attendent désormais Marine Le Pen.

1Confirmer ses acquis

Après sa défaite à l'élection présidentielle, Marine Le Pen peut se réconforter grâce à quelques victoires symboliques. En premier lieu, le nombre de voix qu'elle a obtenues dimanche 7 mai : avec 10,58 millions de votes, elle fait presque deux fois mieux que son père au second tour de l'élection de 2002 (5,52 millions de voix). Dans son histoire, le parti d'extrême droite n'était jamais parvenu à obtenir plus de 7 millions de voix avant cette année 2017.

"Ce que je constate, c'est qu'il y a une progression historique pour notre mouvement et notamment quelque chose qui est assez impressionnant, le fait que nous ayons réussi à augmenter de plus de 3 millions de voix le score de Marine Le Pen entre le premier et le second tour", se réjouit Gaëtan Dussausaye, directeur du Front national de la jeunesse, interrogé par franceinfo. Cette progression montre "que, finalement, on a une capacité de rassemblement autour de Marine Le Pen""Jamais notre courant de pensée n'a rassemblé autant d'électeurs qu'hier soir", abonde le vice-président du FN, David Rachline, sur franceinfo.

Mais encore faut-il confirmer ces acquis lors des prochaines échéances électorales. "Marine Le Pen réalise un score historique en termes de voix, mais il faut garder à l'esprit que le scrutin présidentiel est plus favorable au FN car il est personnalisé, tempère Jean-Yves Camus, chercheur à l'Iris, contacté par franceinfo. Le parti pourrait donc tout à fait obtenir un nombre de votes inférieur lors des législatives."

2Transformer l'essai aux législatives

La première échéance pour tester la capacité du Front national est donc fixée au mois de juin. Marine Le Pen a annoncé, dimanche 7 mai, qu'elle serait "à la tête du combat des législatives". Le parti espère obtenir une quarantaine de sièges, selon Le Figaro. Le but affiché : dépasser le record de 1986, où 35 frontistes avaient été élus à l'issue d'un scrutin proportionnel à un tour. "Cette fois, se faire élire dans un scrutin majoritaire à deux tours révélera une émanation plus profonde du pays et le signe politique sera infiniment plus fort", assure Jérôme Rivière, ancien député UMP et candidat frontiste dans le Var.

"Ils préparent les législatives depuis longtemps : 80% de leurs candidats ont un mandat local, ils ont eu une formation politique sur le terrain..., souligne l'historienne Valérie Igounet, interrogée par franceinfo. Ils disposent en outre de terres de prédilection, notamment dans le Nord-Est, où il leur est possible d'obtenir des élus."

Le FN peut ainsi espérer entre 15 et 25 sièges de députés, selon un sondage OpinionWay-SPV Analytics pour Les Echos. Le parti de Marine Le Pen est en effet en position de force dans 80 circonscriptions, où il a dépassé la barre symbolique des 30% au premier tour de l'élection présidentielle, dimanche 23 avril. S'y ajoutent quatre autres circonsciptions de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, où la candidate frontiste a enregistré des scores similaires. Au total, le Front national pourrait arriver au second tour des législatives dans environ 300 circonscriptions, selon l'enquête des Echos

La partie s'annonce toutefois loin d'être gagnée. "Il est difficile d'anticiper les résultats, car un déplacement de 1% des voix peut nous faire perdre ou gagner 25 ou 30 sièges", admet l'eurodéputé Bruno Gollnisch. "Il va y avoir énormément de triangulaires, voire de quadrangulaires, avec les quatre nouvelles forces politiques [En marche !, le Front national, Les Républicains et la France insoumise], ajoute Philippe Olivier. Et dans ce cadre, il y aura des négociations, c'est la logique des institutions."

Face à ces incertidues, Marine Le Pen a choisi d'affirmer ses ambitions, dimanche 7 mai. La cheffe du FN voit déjà son parti comme "la première force d’opposition au nouveau président" Emmanuel Macron. "En termes de nombre de voix à l'élection présidentielle, il s'agit effectivement du premier parti d'opposition, précise Jean-Yves Camus. Mais il faut rester prudent : on ne connaît même pas la majorité à laquelle le FN sera opposé à l'Assemblée. Il faut attendre de voir quels scores feront vraiment Les Républicains et les frontistes lors des législatives."

3Conserver le leadership au sein du parti

Fort des résultats de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, le Front national se dit en position avantageuse pour les élections législatives. Mais en interne, la présidente (en congés) du parti est fragilisée. Sa mauvaise campagne d'entre-deux-tours, et en particulier sa contre-performance lors du débat face à Emmanuel macron, ont gêné jusque dans son camp. "On ne dira pas qu’elle s’est plantée tout du long, mais après cette fin de campagne, la question du leadership se pose", assure un cadre du parti à Libération, sous couvert d'anonymat.

Débat : le pugilat en 120 secondes
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"On a vu réapparaître certaines faiblesses du FN : son caractère radical, populiste, son incapacité à présenter un programme social et économique cohérent, ses divisions internes et son image de parti d'extrême droite", analyse Gilles Ivaldi, chercheur au CNRS et à l'université de Nice, interrogé par Reuters. "Dans les mairies, dans les congrès internes, le nom de Marion Maréchal-Le Pen ressort souvent, explique encore Valérie Igounet à franceinfo. Mais elle n'est pas pour l'instant en position de disputer le siège de présidente à sa tante." Pour Jean-Yves Camus, les critiques faites dans la presse ne se tranformeront donc pas en "contestation organisée". 

La structure du parti est cadenassée et la parole y est très normée. Le FN a été transformé pour être aux mains du duo Marine Le Pen-Florian Philippot.

Jean-Yves Camus, chercheur à l'Iris

à franceinfo

Les cadres du parti partagent tous cette opinion. "Son autorité n'est contestée par personne, estime ainsi Philippe Olivier, conseiller municipal à Draveil (Essonne) et beau-frère de Marine Le Pen. Elle n'a même pas 50 ans et, de toute manière, on n'a pas 36 chefs." Florian Philippot a ajouté sur Europe 1, lundi 8 mai, qu'il "n'y a certainement pas un échec personnel" de la candidate, qui reste "bien sûr" la patronne incontestée du parti.

"Je pense qu'il y aura bientôt un congrès au FN et je ne pense pas qu'il y aura un candidat face à elle, assure l'eurodéputé Bruno Gollnisch. Je ne crois pas du tout à un affrontement avec sa nièce [Marion Maréchal-Le Pen]." Il précise toutefois : "Le seul qui pourrait être candidat, c'est moi. Mais je n'en ai pas l'intention, sauf cas de force majeure."

4Maintenir l'unité dans son camp

Marine Le Pen ne doit pas seulement continuer à faire l'unanimité au sein du Front national. Elle doit également maintenir l'unité dans son camp. "Il pourrait y avoir de la compétition interne dans les élections au Comité central et dans le renouvellement du bureau politique", assure ainsi Bruno Gollnisch à franceinfo, vendredi 5 mai. D'autant plus que la candidate frontiste a appelé, dimanche 7 mai, à "profondément renouveler" le parti.

"La ligne Philippot est de plus en plus contestée. Mais cette capacité à s'appuyer sur une ligne de droite et une ligne de gauche fonctionne", souligne Valérie Igounet. Selon l'historienne, la priorité du Front national est de "poursuivre sa dynamique", au-delà des questions qui font débat.

Dans un premier temps, les frontistes vont avoir pour objectif de rester soudés pour les législatives et de garder une cohérence.

Valérie Igounet, historienne spécialiste de l'extrême droite

à franceinfo

"Certaines dissensions existent depuis longtemps au sein du parti : sur la question de la sortie de l'euro, de la ligne 'ni droite ni gauche', abonde Jean-Yves Camus, de l'Iris. Mais sur les questions du protectionnisme et du refus de l'immigration, il n'y a pas de conflit. Le parti restera soudé autour de ces thèmes, qui sont ceux qui attirent les électeurs."

Pour Philippe Olivier, Marine Le Pen n'aura même pas à s'inquiéter d'un éventuel conflit interne autour des positions du parti. "Je crois qu'il y a une vraie homogénéité idéologique au FN, assure-t-il à franceinfo. Ces histoires de clivage interne, c'est un peu artificiel. Moi, par exemple, j'ai très bien cohabité avec Florian Philippot durant cette campagne."

5Donner un nouvel élan au Front national

Plus que de garantir la cohésion du FN, le véritable défi de Marine Le Pen est désormais de rassembler au-delà de son parti. "Je proposerai d'engager une transformation de notre mouvement afin de constituer une nouvelle force politique, a-t-elle déclaré au soir du second tour, dimanche 7 mai. J’appelle tous les patriotes à nous rejoindre." "Je pense que beaucoup sont demandeurs d'une structure encore plus rassembleuse, encore plus performante pour pouvoir accéder au pouvoir", a ajouté Florian Philippot sur Europe 1, lundi matin.

Le discours de Marine Le Pen en intégralité après sa défaite au second tour
Le discours de Marine Le Pen en intégralité après sa défaite au second tour Le discours de Marine Le Pen en intégralité après sa défaite au second tour

"Nous avons franchi une étape supplémentaire et nous devons nous adapter. Nous sommes en train de nouer un certain nombre d'alliances, explique David Racheline, le directeur de campagne de Marine Le Pen. Je crois donc qu'il faut des outils nouveaux pour permettre cette rénovation de notre courant de pensée." Pour l'instant, les contours de cette nouvelle formation politique restent flous. "Il y aura sans doute un changement de nom, il y aura peut-être un renouvellement de l'organisation", détaille Nicolas Bay sur franceinfo.

Cette stratégie politique "permettrait au FN de pousuivre sa dédiabolisation", selon Valérie Igounet. "L'objectif est clairement d'envoyer un signal à certains membres de la classe politique comme Christine Boutin, qui n'ont pas appelé à voter contre Marine Le Pen au second tour." Mais ce projet d'alliance est encore loin d'aboutir, selon Jean-Yves Camus, qui note qu'il n'a "pour l'instant pas suscité un vaste intérêt".

L'allié de Marine Le Pen au second tour, Nicolas Dupont-Aignan, a d'emblée pris ses distances avec cette nouvelle formation. Qui, alors, sera prêt à rallier le FN ?

Jean-Yves Camus, chercheur à l'Iris

à franceinfo

Si Marine Le Pen ne parvenait pas à former de nouvelles alliances, l'échec serait encore plus cuisant que celui de l'élection présidentielle. "Entre 1986 et 1988, le FN avait 35 élus à l'Assemblée nationale, mais ils n'ont pas apporté grand-chose, rappelle Jean-Yves Camus. Jamais personne n'a cosigné un de leurs textes ou accepté de travailler pour eux." En résumé : "Le véritable problème du Front national, c'est son isolement".

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