Cet article date de plus de trois ans.

Présidentielle 2022 : comment la droite se fracture pour choisir son candidat

Avant même le résultat des élections régionales, la droite accélère pour trouver son candidat à la prochaine élection présidentielle. Mais en coulisses, les stratégies s’opposent quant à la tenue ou non d'une primaire.

Article rédigé par franceinfo - Julien Nény
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le président du Sénat, Gérard Larcher, et le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, le 11 juin 2021 à Gauchin-Verloingt (Pas-de-Calais).  (MAXPPP)

"Ça y est, j'ai accepté la primaire !" Devant quelques journalistes, Xavier Bertrand ménage son effet… avant d'éclater de rire. La plaisanterie aura duré à peine deux secondes. Ce vendredi 11 juin, à Hesdin (Pas-de-Calais), le président sortant de la région Hauts-de-France sort d'un déjeuner en terrasse avec son "ami" Gérard Larcher. Au menu : bavette, potjevleesch (une terrine de viandes, spécialité du Nord), frites et élection présidentielle. "Tu ne pourras pas gagner seul, tu dois savoir rassembler, lui indique le président du Sénat. La droite n'échappera pas à une primaire." Les deux hommes, poids lourds de la droite, n'ont pas besoin d'attendre le dessert pour le comprendre : pour choisir le candidat de leur famille politique en 2022, leurs stratégies sont opposées.

Celle de Xavier Bertrand ? Le bulldozer. Depuis le 25 mars, il est officiellement candidat à l'élection présidentielle, sans passer par la case primaire. "Si j'ai quitté Les Républicains, ça n'est pas pour revenir dans un système, répétait-il encore ce jeudi sur franceinfo. Je tiens à cette liberté." Problème : il n'est pas le seul ambitieux de son camp. Valérie Pécresse, Bruno Retailleau, Laurent Wauquiez ou encore Michel Barnier se préparent eux aussi, plus ou moins discrètement. Et ne comptent pas laisser Xavier Bertrand s'imposer à droite sans adversité, malgré son avance à ce stade dans les sondages pour 2022 (autour de 15% d'intentions de vote au 1er tour, 5 à 9 points d'avance sur ses concurrents).

D'où l'idée d'un "système de départage" (le mot "primaire" est devenu tabou pour beaucoup chez LR) pour sélectionner le meilleur candidat à l'Élysée. "Si la droite fait ça, elle est morte !" prévient ce proche de Xavier Bertrand. C'est complètement incohérent, ça ne fera que nous diviser, c'est l'inverse du rassemblement."

Les pistes de Jean Leonetti, le "casque bleu" de la primaire

Pour plier le match, et s'il est réélu le 27 juin dans sa région, le Picard veut donc compter sur autre chose qu'une compétition interne. D'abord, son profil : élu local, expérimenté, provincial, pas énarque. "Par nature, je suis l'anti-Macron", résume-t-il. Ensuite, sa stratégie. L'ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy s'inspire justement des campagnes victorieuses des deux derniers présidents de droite. Sa cible ? Le vote populaire. "On ne peut pas se contenter de grignoter l'électorat de Macron", expose-t-il. Autorité, travail, République des territoires : les trois axes de son programme, thèmes classiques de la droite, sont censés séduire les électeurs tentés par l'abstention ou le vote Le Pen, comme avait su le faire Nicolas Sarkozy en 2007. Mais pour représenter la droite l'an prochain, Xavier Bertrand a une dernière idée en tête, moins assumée : les ralliements. 

"L'objectif, c'est d'aller chercher Pécresse et Retailleau d'ici la fin de l'été, pour tuer la primaire. Ce sont des gens de qualité dont on ne peut pas se passer."

Un proche de Xavier Bertrand

à France Télévisions

Des concurrents qui, comme tous les partisans d'une nouvelle primaire à droite, comptent bien batailler jusqu'au bout. Chez Les Républicains, si la direction comme la plupart des militants rejettent l'idée d'une nouvelle primaire, certains ténors la préparent activement. Gérard Larcher, qui bûchait sur les modalités depuis décembre, a remis cette semaine ses conclusions à Jean Leonetti. Le maire LR d'Antibes (Alpes-Maritimes) a été chargé de superviser l'éventuel futur scrutin. "Je suis le casque bleu de la droite", s'amuse-t-il.

Parmi ses objectifs : "que tout soit décidé d'ici fin octobre, pour un vote fin novembre." Une campagne courte donc, ponctuée par "un seul" débat télévisé et qui s'achèverait par un vote sur deux tours par voie électronique, faute de temps pour installer des bureaux de vote dans tout le pays comme en 2016. "La base électorale doit être suffisamment large pour éviter que seuls les militants LR et les élus puissent voter", complète Jean Leonetti, qui réfléchit au meilleur moyen d'y parvenir.

La troisième voie de Christian Jacob

Et il n'est pas le seul à croire en ses vertus. "La primaire, c'est la seule occasion de remettre un coup de projecteur sur la droite, de revenir au cœur du débat public et médiatique", argumente un proche de Valérie Pécresse. Au risque de voir la droite se déchirer sur la place publique comme le redoutent certains ? "La primaire peut devenir un match amical car la droite veut gagner !", répond un autre partisan du départage. "Elle n'en peut plus d'être dans l'opposition, elle ne survivra pas à une troisième défaite d'affilée à la présidentielle. C'est pour ça que la primaire se passera bien."

Pas évident que cela suffise à convaincre Xavier Bertrand de se dédire et de participer finalement au scrutin. Alors certains préviennent : "Si Bertrand ne passe pas par la primaire, une grande partie de LR ne le soutiendra pas. S'il y va et qu'il la gagne, oui", assure ce ténor de la droite, qui connaît l'hostilité et les rancœurs qu'éprouvent certains cadres envers le président des Hauts-de-France, que Jean Leonetti a prévu de le rencontrer après les élections régionales.

Alors pour éviter de laisser prospérer deux stratégies irréconciliables, le président des Républicains Christian Jacob, personnellement hostile à une primaire, propose une troisième voie, sorte de "en-même-temps" à la sauce LR. Le 9 juin, il annonce que deux sondages Ifop seront commandés en septembre et en octobre pour tester les intentions de vote des différents prétendants. Le panel très large, 15 000 sondés, et réservé aux Français "partageant les valeurs de la droite et du centre" est censé offrir une porte de sortie. Et permettre accessoirement à François Baroin, ami de Christian Jacob, de concourir si l'envie lui en prenait… "Soit on a un candidat qui écrase le match à l'issue de ces enquêtes d'opinion, soit on sera sur un processus de sélection", détaille ce jour-là le patron de LR.

Fin du débat sur la méthode et rendez-vous à l'automne ? Pas si sûr : "Ces deux sondages ne peuvent pas éliminer la primaire", rétorque Jean Léonetti. Il reste cinq mois à la droite pour se trouver un candidat à la présidentielle.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.