"On se tire une balle dans le pied" : entre les communistes et Mélenchon, la guerre froide à six mois des législatives
Le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, a décidé de présenter des candidats dans toutes les circonscriptions pour les législatives. Une décision qui agace le Parti communiste français. Les deux formations se réunissent lundi pour en discuter.
"On se tire une balle dans le pied." Le communiste André Chassaigne, député de la cinquième circonscription du Puy-de-Dôme ne comprend pas pourquoi le mouvement de Jean-Luc Mélenchon, la France insoumise, présente un candidat contre lui aux législatives de juin. Après quelques tergiversations et un vote des militants communistes, les deux formations se sont en effet alliées pour la présidentielle. "J'évacue toute forme d'aigreur ou de réticence, j'appelle à voter Mélenchon", assure celui qui militait pour une candidature communiste. Si rien ne change, deux candidats du défunt Front de gauche se disputeront donc une place pour le second tour.
Cette incongruité n'est pas limitée à cette circonscription auvergnate. Contrairement à 2012, Jean-Luc Mélenchon et le Parti communiste n'ont signé aucun accord politique. Dimanche 15 janvier, le Parti communiste français a investi 253 candidats aux législatives, alors que la France insoumise ambitionne de présenter des candidats dans les 577 circonscriptions."C'est une élection nationale, nous souhaitons que l'ensemble des candidats soient en cohérence avec notre candidature à l'élection présidentielle", justifie auprès de franceinfo Alexis Corbière, porte-parole de Jean-Luc Mélenchon et candidat à Montreuil (Seine-Saint-Denis).
"On signerait l'arrêt de mort de notre parti"
Pour assurer cette cohérence, les candidats doivent signer une charte détaillée, qui pose plusieurs problèmes aux communistes. Elle prévoit le rattachement de chaque candidat à l'association de financement de la France insoumise, un point-clé pour obtenir des financements publics. "Je ne vois pas comment un communiste pourrait signer cela. Ce serait l'arrêt de mort de notre organisation politique", estime André Chassaigne. La charte intime également au futur député de "respecter la discipline de vote du groupe". "Depuis des décennies, il y a une liberté de vote au PCF", rappelle le député.
Ce serait un retour en arrière. On ne peut pas dire que c'est stalinien mais on reviendrait à la IIIe internationale, avant la guerre
André Chassaigneà franceinfo
S'il dit ne pas craindre pour son siège, André Chassaigne redoute que cette division "suicidaire" empêche la gauche anti-libérale d'envoyer à l'Assemblée nationale les 15 députés nécessaires pour former un groupe, source d'avantages politiques. "L'enjeu, c'est d'avoir un groupe de résistance face à un président de droite ou d'extrême droite. On en aura besoin", martèle celui qui préside aujourd'hui le groupe Gauche démocrate et républicaine. Cet éparpillement pourrait compromettre les chances de victoire dans les anciens fiefs communistes, conquis par les socialistes en 2012.
"L'intelligence collective l'emportera"
C'est précisément le cas de la septième circonscription de Seine-Saint-Denis, où se présente Alexis Corbière. "C'est une circonscription importante pour nous, face au porte-parole du Parti socialiste, Razzy Hammadi. Je ne me présente pas contre untel ou untel, sauf le candidat sortant", assure le professeur d'histoire. En face, le candidat soutenu par les communistes, Gaylord Le Chequer, assure avoir appris la nouvelle "de manière sereine". "Le dépôt officiel des candidatures est en mai. Entre temps, l'intelligence collective l'emportera", déclare, philosophe, cet adjoint à la mairie de Montreuil auprès de franceinfo.
André Chassaigne espère également que des désistements de part et d'autre permettront de régler le problème. Mais il redoute que Jean-Luc Mélenchon et ses soutiens ne se laissent griser par leur bonne campagne. "Ils sont persuadés qu'ils vont balayer le paysage politique, comme Podemos en Espagne, observe-t-il. Il peut y avoir un vent qui se lève, mais je ne pense pas que ce sera une bourrasque qui emportera tout sur son passage". Le député estime à l'inverse que ce désaccord pourrait coûter quelques voix à Jean-Luc Mélenchon : "Cela paralyse la campagne. Comment mettre sur le terrain des militants communistes pour défendre Mélenchon alors qu'il présente un candidat contre le député sortant ?" Une réunion entre les deux formations est prévue lundi 23 janvier pour aborder le problème.
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